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Cultures au pluriel

La ferme du Relais, l’agriculture et la culture dansent la polka

Dans le nord du Berry, la ferme du Relais cultive avec sagesse et se réinvente avec audace. Grâce à l’association le Relais des Pas Sages, les chants résonnent dans les champs et la culture nourrit l’agriculture. Et vice-versa.

©Relais des Pas Sages

S’il y avait eu des musiciens ce jour-là dans le coin de Pellevoisin, ils auraient sans doute sorti les trompettes et les tambours pour accompagner la bonne nouvelle. Robin, cadet de la famille Doublier, s’apprête à planter 16 000 asperges et, ainsi, à relancer la tradition familiale.

En effet, pendant quarante ans, de 1975 à 2015, Denis, sa femme Anne-Marie et leurs six enfants faisaient de la culture des tiges blanches une fête dans leur ferme du Relais. J’adorais l’ambiance, confie Anne-Marie. On faisait les marchés, les enfants travaillaient avec nous, Michel Denisot passait acheter régulièrement des asperges à la ferme, on voyait du monde.

On aurait pu aussi imaginer ce jour-là un grand cercle circassien dans la grange pour fêter ça. Mais pour l’heure, Robin qui vient officiellement de reprendre la ferme familiale préfère se passer des flonflons. Il peine à finir son premier sillon qui n’est pas vraiment droit et il lui reste encore 15 990 griffes à mettre en terre.

 

On fait comme on a dit ?

Dans la cuisine, près d’un poêle magnifiquement hors d’âge, Anne-Marie imagine déjà la fête des asperges à la ferme, un genre de festival comme la famille en organise régulièrement depuis qu’elle s’est lancée dans la programmation culturelle il y a six ans. L’idée de faire swinguer cette campagne berrichonne est partie d’une parole faussement lancée en l’air : tiens, ça serait marrant si on le faisait pour de vrai. Quoi ? Des spectacles, des rencontres, des concerts.

L’été 2010, se souvient Anne-Marie, les enfants et les cousins avaient monté une belle pièce de théâtre dans la grange. C’était une histoire autour des loups-garous et la citerne à gasoil était encore sur la scène. Ce soir-là, on s’est dit qu’on pouvait faire vivre culturellement notre ferme toute l’année. Pauline, l’aînée de la tribu, la cheffe comme l’appellent ses parents, fonce et embarque toute la famille dans la création d’une association, le Relais des Pas Sages. Pendant un moment, on ne savait plus si les repas étaient des assemblées générales de l’association ou un moment familial, confie Anne-Marie.

©Relais des Pas Sages

Chantiers solidaires

Pendant deux ans, de 2011 à 2012, l’association s’étoffe et organise plusieurs chantiers participatifs pour rénover la grange, nettoyer, peindre ou couler une chape de béton. Au début, c’étaient les cousins et les copains qui venaient donner un coup de main, explique Anne-Marie. Aujourd’hui, il suffit de lancer un appel sur Facebook et l’on voit arriver des artisans et des bénévoles des quatre coins de la France. 

En 2013, tout n’est pas encore terminé mais les festivités peuvent commencer. Le Relais des Pas Sages organise son premier bal trad. Dans le coin, les gens pensaient qu’il s’agissait d’un ball-trap mais chez nous le bal trad c’est comme les fest-noz en Bretagne ou les bals folk en Rhône-Alpes. En deux mots, il s’agit d’une belle fête avec marché à la ferme, brocante et, le soir, un grand bal où l’on danse la mazurka, la scottish, la bourrée sur les notes endiablées des accordéons diatoniques, des vieilles (vielles), des hautbois et guitares…

On invite des groupes comme Kiss on a frog, (le) Bal des champs, les Rossignôles… Lorsqu’Anne-Marie égraine le nom des musiciens, ses yeux s’illuminent et se mettent presque à danser. Dans la famille, on a toujours adoré ça, quand les enfants étaient petits, on est allés à une demi-douzaine de bals trad dans la région.

 

Teuf à la ferme

La suite s’enchaîne comme dans une gavotte ou un hanter-dro. Les pièces de la grange font peau neuve grâce aux chantiers participatifs et les événements culturels se multiplient. En 2015, le rythme s’accélère et les premiers artistes sont accueillis en résidence dans les dépendances de la ferme. À leur sortie, ils doivent se produire sur la scène, toujours ouverte aux visiteurs.

Aujourd’hui ? En 2017, peut-on lire sur le blog du Relais, 98 adhérents ont rejoint l’association, 15 Pas Sages ont formé un conseil d’administration pour faire vivre l’association au quotidien, 9 événements ont été organisés, allant du festival à la sortie de résidence en passant par la soirée cabaret ou encore la marche nocturne ! 5 compagnies ont été accueillies en résidence et enfin, 4 chantiers participatifs nous ont permis de nous débarrasser une bonne fois pour toutes des pigeons et de s’approprier trois nouvelles pièces : mise à niveau du sol, piquetage des murs, enduits, portes, fenêtres et dalles à la chaux. C’est beau, c’est grand, c’est vide… mais pas pour longtemps !

©Relais des Pas Sages

À l’avenir, Anne-Marie se voit bien organiser des soirées années 1980. Là on n’est pas trop d’accord avec les enfants, faut qu’on négocie, confie-t-elle. Pauline, sortie de l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre avec un diplôme de scénographe, a mille idées artistiques pour le Relais. Robin, quant à lui, se verrait bien transformer ces céréales en farine ou en huile et les valoriser pendant les événements du Relais. Dans trois ans, avec les premières asperges ?

 

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Photo de Une : Gabrielle Montéard

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