On le sait, le vin conventionnel français est loin d’être un produit naturel, qui plus est en Gironde ! Or, si le climat océanique du Bordelais ne facilite pas la conversion en bio, une poignée de viticulteurs choisissent d’aller à contre-courant. Christian Jacquement, la foi vigneronne chevillée au corps et à l’âme, compte parmi ceux-là. Rencontre à la veille des vendanges…
L’histoire de Christian est aussi simple qu’une suite arithmétique. Il y a quelques années, ses beaux-parents achètent, à Saint-Magne-de-Castillon, une chartreuse du 18e et son parc, dominant la Dordogne, à l’écart du vignoble éponyme. Professeur de mathématiques, Christian leur fait alors une proposition plutôt atypique : planter 1,5 hectare de vigne sur leur terre. « L’idée était simple. Faire du vin, en bio bien sûr. » La belle famille se laisse convaincre, le quadragénaire se lance, le Château Franc La Fleur est presque né.
Cartésien et réfléchi, mais bien décidé à mener une double vie, le fils de métayer potasse tant et plus les ouvrages de Steiner sur les principes biodynamiques. Le cours aux agriculteurs devient, dès lors, son livre de chevet. S’en suivront une multitude de stages chez des copains biodynamistes. D’ailleurs, entre deux fûts de chêne, Christian partira chercher son calendrier lunaire afin de nous exposer le principe des lunes montantes et descendantes, des jours racines, feuilles et fleurs, avant de nous embarquer dans ses vignes.
Passionné, intarissable, le professeur raconte : « Je voulais continuer à enseigner parce que cela reste mon métier premier et j’avais besoin d’une bouffée d’air ! La vigne me la procure au-delà de ce que je m’étais imaginé. »
L’alchimiste hédoniste, comme tout viticulteur bio qui se respecte, recourt ainsi à une armada de systèmes D, parmi lesquels la camomille à dose homéopathique en prévention (2 grammes/hectare), la bouillie bordelaise (à dose infime car elle contient du cuivre qui compte parmi les métaux lourds), des macérats de plantes : ortie, prêle, fougère, appliquées selon lesdits courants lunaires, une succession de rosiers (pour prévenir l’arrivée de l’oïdium) et autres pinces à phéromones (méthode de confusion sexuelle) à destination des chenilles dévastatrices… Si l’homme n’a pas demandé la certification en biodynamie, il va beaucoup plus loin que les préceptes d’une législation européenne trop permissive, à son goût, pour la bio.
La bio représente désormais 7,5 % des surfaces viticoles en Aquitaine, avec 715 propriétés réparties sur 10 000 hectares.
Blouson de cuir et sécateur à la main, le mathématicien extirpe doucement une grappe et écarte les grains de la rafle afin de nous montrer les ravages causés par la chenille qui, avant de se métamorphoser en papillon, passe de grain en grain, créant un chapelet de portes d’entrées au Botrytis cinerea. « Néanmoins, la vendange s’effectuant à la main, grappe après grappe, les parties atteintes sont ôtées, à l’inverse d’un ramassage mécanique, de surcroît stressant pour la vigne. »
Au-delà des vendanges manuelles, le vigneron a fait vœu de vinification naturelle, aussi utilise-t-il les levures indigènes pour la fermentation (contre les exogènes, de synthèse, en viticulture conventionnelle), ainsi qu’une quantité infinitésimale de souffre (les fameux sulfites), « juste de quoi éviter l’oxydation du vin à l’ouverture de la bouteille ».
Si la qualité organoleptique des vins bio sur les vins conventionnels fait l’unanimité, que dire du taux de LMR (Limite maximale de résidus de pesticides), autrement appelée l’analyse des 300 ? Celle du Château Franc La Fleur affiche un beau zéro, une note que Christian, le rigoriste, a tenu à s’offrir en catimini.
Quant à l’élevage des cépages, il s’effectue en barriques de chêne de «seconde main» (et n’ayant contenu que du vin biologique), ce qui confère au vin de vrais arômes de bois et de vanille, autrement plus naturels que ceux qu’occasionnent l’ajout de copeaux aromatisés à la banane ou à la cerise (procédé usité, y compris pour les vins bio). Christian travaille d’arrache-pied et, comme bien souvent, l’addition de ces petits gestes rapporte.
Ici, on apporte un soin incroyable aux vignes. Buttage sous les ceps, enroulement des sarments, enherbement d'un rang sur deux, fabrication des macérations et pulvérisation, épandage de bouses de vaches, vendanges manuelles...
Aussi, quand l’heure de la dégustation de son premier millésime Château Franc La Fleur sonne, l’auréole-t-on de la médaille d’or des vins bio d’Aquitaine. S’en suit une litanie de distinctions et médailles d’or. « Intensifiez les échanges entre la plante et son environnement (terre et air), vous obtiendrez de meilleurs raisins et donc de meilleurs vins ! C’est pour moi la garantie d’une meilleure expression du terroir. »
Sous l'impulsion de quelques vignerons précurseurs et de son Syndicat viticole, l’appellation Castillon Côtes de Bordeaux affiche un taux de crus biologiques et biodynamiques notoires (25%), avec 230 propriétés familiales, d'une dizaine d'hectares chacune.
Aujourd’hui, le Château Franc La Fleur, plus petit vignoble de l’appellation Castillon Côtes de Bordeaux fait pâlir les mastodontes du secteur. Preuve que la viticulture sans artifice, à défaut d’être quantitative, peut s’avérer extrêmement qualitative. Logique ! Comme les mathématiques.
Bonjour Norcereau,
Ce pourquoi je précise que M. Jacquement qui ne trouve pas les critères de la Bio suffisamment drastiques a décidé d’aller beaucoup plus loin. Avec un taux de LMR de 0%, il peut revendiquer son appartenance à la catégorie bio. Néanmoins, comme je le note, cuivre et souffre sont autorisés en viticulture biologique, notez toutefois que les quantités autorisées sont inférieures. Il y a, comme partout, bio et Bio.
Ca se synthétise comment une levure ??
Juste pour signaler que bio n’est en aucun cas synonyme de « sans pesticides » comme le laisse à croire votre en-tête.