Aux pieds des grands immeubles parisiens, les habitants compostent collectivement leurs déchets de cuisine et font pousser la convivialité. Petit tour au jardin Santerre.
Marie-Christine traverse les longs couloirs de la résidence du 107 rue de Reuilly, un seau de déchets de cuisine à la main. C’est son jour de poule, on est vendredi. Elle doit aller nourrir les 5 gallinacés de l’immeuble installés sur le coteau qui borde les 540 logements. Sur place, les pieds dans la terre, la jeune femme libère les poulettes, leur offre ses déchets assortis d’une ration de grains, passe un petit coup dans le poulailler et ramasse les œufs. Ce soir, elle s’offrira une omelette du 12e arrondissement parisien. Marie-Christine fait partie des 18 familles qui ont la clé du poulailler. Elle appartient aussi à la bande des 80. Les 80 foyers de l’immeuble investis dans le compostage de leurs biodéchets.
Ici, en plein cœur de Paname, à côté des poules, 8 bacs de 600 litres accueillent depuis 9 ans les déchets organiques des habitants qui retrouvent des réflexes de campagne : éplucher les légumes au-dessus d’un papier journal et apporter ces déchets dans un composteur au fond d’un jardin. Comme chez leur Mamie qui habite au fond de la Sarthe, de la Kabylie ou du Pendjab.
On aurait pu croire impossible de "faire du compost" dans la capitale la plus dense en Europe... Pourtant en décembre 2016, ce sont 256 copropriétés, 186 écoles et 35 sites administratifs engagés à composter leurs déchets à Paris.
Jean-Jacques Fasquel est à l’origine de ce premier compost collectif de la capitale et plutôt fier de son forfait. « En 2007, au moment de la quarantaine, je suis devenu écolo. Il fallait que ma vie change. Quand certains pensaient à la présidentielle en se rasant, moi je pensais au compost en épluchant. » C’est ainsi que le passionné quitte son poste de dirigeant à Bercy Village pour monter dans son immeuble ce projet de compostage collectif. « Dans un de ses livres, Pierre Rabhi rappelle qu’humus et humanité ont la même racine. Ce projet était pour moi aussi écologique qu’humain. »
Jean-Jacques étudie l’expérience de composts partagés de Rennes-Métropole, interpelle la mairie de son arrondissement, consulte Paris-Habitat, le bailleur de l’immeuble et se lance. Il met un courrier dans toutes les boîtes de l’immeuble, invitant les habitants à monter un espace de compostage. « En juin 2008, nous nous sommes retrouvés à une vingtaine. C’était un moment magique, les habitants se rassemblaient autour d’un projet collectif. »
À Paris, les déchets organiques représentent 22 % des ordures ménagères du bac à couvercle vert.
Les premiers temps, les résidents installent 3 bacs à compost et se forment à la fabrication de l’or brun par Jean-Jacques. En 2010, ils réhabilitent l’espace vert de l’immeuble qui n’a, à l’époque, de vert que le nom. En quelques semaines, une belle couche de compost recouvre l’aire de jeux désertée depuis des années qui peut commencer sa mue en jardin partagé.
Jardin extraordinaire
Aujourd’hui, 80 foyers ont rejoint l’aventure, se retrouvent autour des composteurs, des poules, du rucher et du jardin partagé. Une petite cabane pour les enfants a été aménagée près des ruches, « ce qui prouve qu’avec des abeilles en ville, on ne risque rien», des fêtes sont régulièrement organisées. Au 107 rue de Reuilly, le bonheur est aussi simple qu’un composteur….
Pour Jean-Jacques, les années Bercy Village semblent bien loin. Au fil du temps, il est devenu maître-composteur, activité qu’il exerce au sein de la Coopérative d’activité et d’emploi Coopaname, mais également président de Compost à Paris, apiculteur, consultant en développement durable, et est aujourd’hui la référence parisienne du compostage urbain en tout genre. Le premier compost de quartier à Paris en 2014 ? C’est encore lui. 4 bacs de 1 700 litres sont ainsi accessibles à 130 foyers dans un rayon de 500 mètres autour de la Maison des associations du 12e arrondissement et 60 personnes sont toujours en liste d’attente.
« Le compost produit en 6 mois est redistribué à ses producteurs à l’occasion de séances de tamisage collectives et conviviales », se réjouit le maître composteur. Si la maintenance était confiée au démarrage à la régie de quartier du coin, elle est désormais autogérée. L’affaire tourne, les biodéchets aussi. Jean-Jacques peut aller planter ses graines de composteurs ailleurs…
Vous souhaitez installer un composteur dans votre immeuble ?
Très bonne idée. Mais avant de vous lancer, il vous faudra :
– Disposer d’un emplacement de quelques mètres carrés de terre (minimum
5 m²) pour installer les composteurs.
– Rassembler au moins 10 foyers motivés pour participer.
– Obtenir l’accord du syndic ou du bailleur et de l’assemblée des copropriétaires.
Vous cochez toutes les cases ? Suivez le guide juste ici.
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