Sous les serres, ce ne sont pas les légumes qui intéressent Arnaud et Dominique, mais seulement leurs graines. La ferme de Sainte Marthe est productrice de semences. Son quotidien : laisser mourir les plantes pour conserver la vie !
Le visiteur non averti qui se rendrait pour la première fois dans les serres de la ferme de Sainte Marthe serait bien surpris. Sur cette parcelle agricole, située sur la commune de Loire-Authion, à l’est d’Angers, les courgettes, aubergines et poivrons sont beaucoup trop mûrs pour être consommés. Un peu plus loin, ce sont les rangées de basilic qui sont complètement grillées sans avoir été récoltées.
Et pour cause, ce sont uniquement les graines de ces cultures qui intéressent l’entreprise. La ferme est productrice de semences. Elle cultive un tiers de ses graines sur cette parcelle, un autre tiers via des contrats passés avec des agriculteurs et achète le reste à des confrères, semenciers eux aussi. En général, ce que nous faisons nous-mêmes, ce sont les légumes les plus compliqués ou les petites séries dont nous ne vendrons que quelques sachets dans l’année, explique Arnaud, qui a repris l’entreprise avec son collègue Dominique en 2008.
Si le mot semencier peut faire penser à des multinationales ou à des manipulations génétiques parfois controversées, il n’en n’est rien ici. Le mode de culture reste artisanal et la grande majorité des graines vendues par la ferme sont bio. Chapeau de paille sur la tête et bottes aux pieds, c’est Thierry qui prend soin de la ferme toute l’année. À partir de fin août, il commence la récolte des productions les plus avancées. Il faut faire attention à ne prendre que les légumes qui correspondent à la variété recherchée. Si un pied donne des tomates jaunes alors que la variété est rouge, il sera arraché, souligne Arnaud.
Nage de melon
Selon la culture, deux méthodes permettent de récupérer les graines. Par voie humide, elles sont mises à macérer dans des grands seaux noirs, puis à tremper avant d’être abondamment rincées à l’eau. Vient ensuite le moment du séchage sur grille. C’est une étape délicate. Si la graine ne sèche pas assez vite, elle va commencer à germer et il faudra tout jeter, insiste Thierry. Ce matin-là, il extrait des graines de melon. Toutes les graines blanches qui flottent à la surface du seau sont vides, on va les laisser partir avec l’eau, assure le responsable du site. Parole de semencier, le jour de l’extraction des graines de piment, il vaut mieux s’équiper de gants et d’un masque…
La deuxième méthode, appelée voie sèche, consiste à laisser sécher la culture sous le grand hangar. Les graines sont ensuite séparées de la plante en les piétinant et en les retournant avec une fourche. Ça nous arrive de rouler dessus avec la voiturette. Ça marche aussi bien, s’amuse Thierry. Pour les dernières impuretés, les graines passent par une soufflerie géante. C’est ainsi que sont récupérées les semences de laitue, basilic ou encore thé des jardins. Ensuite, c’est de la logistique. Une petite machine compte les graines et les met en sachets, eux-mêmes rangés sur de grandes étagères avant d’être expédiés chez les clients. Tout ce beau monde est vendu en ligne mais également via des jardineries.
En semer de toutes les couleurs
En chiffres, la ferme de Sainte Marthe, c’est plus de 1 000 références de graines dont 300 sont produites sur place. Les serres contiennent une diversité affolante. Mini-concombre à confire, margose à piquant, potiron petit bonnet turc, mais aussi piments, tomates et aubergines de toutes les formes et couleurs.
Pour ajouter des nouveautés à leur catalogue, Arnaud et Philippe partent en quête d’anciennes variétés. Nous voulions une aubergine un peu différente. En feuilletant des catalogues des années 1960, nous sommes tombés sur la monstrueuse de New York. Nous avons mené des recherches qui nous ont conduits à l’Inra d’Avignon. Ils avaient encore des graines et nous les ont mises à disposition pour remettre cette variété en culture, raconte Arnaud, avec la même ferveur que s’il avait résolu une enquête policière. Parfois, certains des clients envoient des semences pour les sauvegarder. Le problème étant souvent que la tomate de pépé n’est pas une variété proprement dite, sourit-il, mais si nous avons assez d’informations, ça peut nous arriver de les mettre en culture. De mettre en terre l’or traqué par ces chercheurs de petites graines.
Magnifique travail dans tous les sens du terme et un grand merci pour la sauvegarde de notre patrimoine, cela réchauffe le cœur !
Justement, je commande chez eux !