Dans les centres de sauvegarde et de soins de la faune sauvage comme le Tichodrome au sud de Grenoble, le printemps est la saison de tous les dangers pour les oiseaux, les hérissons ou les écureuils. Pour éviter les accidents, faire attention à eux n’est pas si compliqué. Voici leurs conseils !
Comme un air de fête. Dans nos jardins, sur nos balcons, dans les parcs et les forêts, les fleurs et les jeunes pousses sortent de partout. Les papillons s’amusent dans les herbes hautes. Les oiseaux chantent du matin au soir. Les œufs des premiers poussins ont éclos. Le printemps est désormais bien avancé. Mais à cette saison, de lourdes menaces pèsent sur les animaux qui vivent autour de nous. Depuis dix ans, le Tichodrome en fait l’amère expérience. Au Gua (Isère), ce centre de sauvegarde de la faune sauvage tente de sauver des victimes des activités humaines. Comme une cinquantaine de structures similaires en France.
À flanc de montagne, au sud de Grenoble un matin d’avril, deux garçons et leur père amènent, après appel, un merleau touché à une aile et une patte, probablement attaqué par un chat. Parmi les vertébrés de 124 espèces reçus en 2020, le Tichodrome a compté 70 % d’oiseaux, en majorité des passereaux diurnes. Déjà mis en danger par les voitures et les lignes électriques, ils le sont aussi au plus près de nous, dans nos villes et nos villages. La période de l’envol des oisillons est intense pour le centre de soins. Seule la moitié des animaux traités au Tichodrome peut être soignée et relâchée. Triste constat. Pourtant, beaucoup d’accidents sont évitables.
Pour préserver la petite faune, l’équipe a besoin de notre aide. Car mi-employée mi-bénévole, elle fait ce qu’elle peut. La demande de soins croît alors que ni les fonds ni le nombre de salariés n’augmentent, regrette Elorine Perrin, 22 ans, en fin de service civique. L’année dernière, l’association a reçu près de 6 000 appels et pris en charge 1 839 animaux. Soigner et nourrir chacun d’eux lui coûte entre 50 et 80 euros en moyenne. Financé par des dons, des subventions et l’aide ponctuelle de fondations proches des causes animales, son budget annuel tourne ainsi autour de 150 000 euros.
Pour protéger les mésanges, surveillons nos chats
Comment soulager les centres de sauvegarde, alors ? Guetter nos chats, déjà. La Ligue de protection des oiseaux (LPO) estime à 75 millions le nombre de proies à plumes des 13 millions de félins domestiques français chaque année. Outre l’indispensable stérilisation, des solutions existent : collier fluo (anti-étranglement) pour aider les piafs à le repérer, barrière « stop-minou » pour empêcher ses griffes de se poser sur des troncs proches des nichoirs ou des mangeoires, plantes répulsives, ultrasons… Bénévole isérois de la LPO, Gérard Capelli suggère de parfois rentrer le chat : Quand les petits n’arrivent pas à voler, ils se retrouvent au sol plusieurs jours, c’est là où il y a le plus de prédation.
Entre autres blessures observées au Tichodrome, des oisillons tombés et ramassés par des promeneurs sans pouvoir être replacés dans leur nid. Des chocs subis, aussi. Contre les baies vitrées, par exemple. Pourtant, un sticker ou autre signe suffit à aider les moineaux et les autres à reconnaître la vitre. Cherchant à les faire grandir, les traiter, les requinquer, les déshabituer de l’Homme ou les rééduquer pour les relâcher, l’équipe du Tichodrome est tantôt infirmière tantôt kiné pour petites bêtes en danger.
Dans son infirmerie, ses cages, ses volières, ses cartons ou ses box, il y a rapaces, pipistrelles, chouettes hulottes… Et bon nombre de petits mammifères victimes de l’entretien des jardins à cette époque où les tondeuses, débroussailleuses ou taille-haies sont souvent de sortie. Déjà menacés par les petits grillages où ils se coincent et l’anti-limaces avec lequel ils s’intoxiquent, les hérissons, cachés dans des haies ou sous des tas de bois, sont parfois atteints par des coups de rotofil.
Connaître la vie sauvage autour de soi pour prévenir
Pour prévenir plutôt que guérir, mieux vaut en avoir conscience : Qu’on soit en ville ou à la campagne, il faut apprendre à se poser chez soi ou autour, regarder ce qu’il y a, se rendre compte qu’on n’est pas tout seul, conseille Elorine Perrin. Avant d’élaguer, par exemple, est-ce qu’il y a un nid d’écureuil visible dans l’arbre ? À la période de mise-bas, de nombreux abandons viennent de là.
Inspecter avant d’intervenir, faire demi-tour en cas de doute, s’interroger sur la réelle nécessité de tailler et sur celle de le faire au printemps plutôt qu’à l’automne, éviter de s’en prendre au lierre – qui n’étouffe pas les arbres mais nourrit les oiseaux en hiver : autant d’autres recommandations de Gérard Capelli. Ce jardinier à la retraite encourage à moins tondre, ou moins ras, pour protéger rongeurs et reptiles mais pas que : Laisser les pissenlits et les pâquerettes pousser va amener des insectes donc des oiseaux.
Face à l’artificialisation des terres, la destruction des habitats sauvages et la fragmentation des espaces de vie, quelques actes suffisent à laisser les oiseaux et le reste de la petite faune s’installer dans nos jardins. Même à avoir un impact sur la biodiversité s’ils font masse, d’après Benoît Fontaine. Ce spécialiste en biologie de la conservation rappelle : Si la biodiversité est en crise aujourd’hui, c’est à cause des activités humaines.
Même un balcon peut devenir un refuge pour oiseaux
La diversité dans nos jardins, c’est donc le mot clé. En bon référent du refuge LPO du parc de la mairie de Seyssins, en périphérie de Grenoble, Gérard Capelli le martèle. En guise de gîte et de couvert, il y a de grands arbres, des arbustes, des massifs bas, des variétés qui fleurissent et fructifient au long de l’année, des tas de branches, de galets pour lézards ou musaraignes, des herbes hautes, un coin en friche, une mare… Il faut des strates différentes dans chaque lieu de vie, insiste-t-il. Haies garnies, nichoirs, hôtels à insectes ou abreuvoirs sont d’autres idées. Même un balcon fleuri ou potager peut être un refuge.
Benoît Fontaine, chercheur du Muséum national d’histoire naturelle et de l’Office français de la biodiversité, a prouvé qu’un intérêt naturaliste entraîne des modifications de comportement pour protéger le vivant. À commencer par l’arrêt des pesticides, néfaste pour tout ce beau monde. Pour le bien de la vie sauvage, tout part d’un émerveillement près de chez soi. Et en cas d’accident inattendu, un médiateur scientifique d’un centre comme le Tichodrome transmet au téléphone les conseils les plus adaptés.
« Pour le bien de la vie sauvage, tout part d’un émerveillement près de chez soi ». Tout est dit. Merci pour cet article. Mais comment convaincre les forcenés de la bordure « nickel » que plus celle-ci est broussailleuse plus elle est accueillante pour la biodiversité, et que notre notion d’esthétique en la matière serait à revoir drastiquement. J’ai tenté d’expliquer à mon voisin le cas du hérisson qui fait sa maison dans la base des haies et le rotofil assassin mais il est quand même venu jusque chez moi en mon absence pour tondre ce qui lui semblait intolérable de négligence à la frontière de sa zone de gazon sans vie. Ses enfants hurlent au moindre bourdonnement, et ne reconnaissent plus les fruits sur les arbres. Comment a-t-on pu en arriver à un tel niveau de hors-sol, amis humains ? Et parviendra-t-on à réparer avant qu’il ne soit trop tard ?