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Les brasseurs lui disent merci !

[Un reportage de Claire Baudiffier]

Bourgneuf-en-Retz, à quelques kilomètres de Pornic (Loire-Atlantique). Les premiers rayons de soleil pointent leur nez, faisant disparaître peu à peu l’humidité et la brume de ce matin de septembre. Matthieu Cosson s’apprête à récolter pour la première fois son houblon bio. 2 000 plants sur un hectare, qu’il a mis en terre au printemps dernier.
©Thomas Louapre

Le houblon est une plante liane qui cherche à grimper. Matthieu l’a un peu aidée en dressant des câbles de cinq mètres de hauteur attachés à 80 poteaux. « Les fleurs femelles, qu’on appelle aussi les cônes, sont arrivées au mois de mai-juin. Quand le houblon pousse, il peut prendre entre 20 et 30 centimètres dans la journée. »
©Thomas Louapre

Le houblon, on le trouve surtout dans le nord de la France et en Alsace. Mais pour les microbrasseurs qui ont besoin de petites quantités, il est parfois difficile de s’en procurer. Les coopératives préfèrent vendre davantage aux industriels. « Des copains brasseurs me racontaient faire venir leur houblon des États-Unis, d’Allemagne… Je me suis dit ‘Pourquoi ne pas le faire ici ?’ », se rappelle le néo-paysan de 39 ans, ancien animateur nature pendant dix-huit ans au sein de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux).
©Thomas Louapre

Car le houblon, c’est bel et bien le nectar des brasseurs. C’est ce qui donne le goût à la bière. Il faut donc le récolter au bon moment. « Le risque ? Le ramasser trop tard. Les cônes seront devenus marron et la lupuline, substance jaune qui se trouve à l’intérieur (qui donne l’amertume, ndlr) sera tombée et les brasseurs n’en voudront pas », détaille Matthieu, qui a appris son nouveau métier dans les livres, en bûchant les méthodes québécoises et en bourlinguant à droite à gauche chez des houblonniers, des brasseurs…
©Thomas Louapre

Si Matthieu a pu se lancer, c’est grâce aux autres. « Je n’aurais rien fait sans Sébastien, l’un des paysans de La Ferme du Marais Champs sur laquelle je suis installé. » Une ferme laitière biodynamique qui a attribué un hectare de prairie bio au houblonnier et qui l’aide, lui donne des conseils, mutualise ses outils. Si Le Champ du Houblon a vu le jour, c’est aussi grâce au crowdfunding qui a permis à Matthieu de lever un peu plus de 13 000 euros en avril.
©Thomas Louapre

« J’ai été très étonné de l’engouement, des personnes sont venues m’aider à planter, j’ai eu beaucoup de coups de fil de brasseurs intéressés à l’idée de trouver enfin du houblon local, précise Matthieu. Bon, et puis certaines personnes m’ont aussi pris pour un fou ! » Le but du houblonnier ? Vendre sa production aux brasseurs de la région Pays de la Loire. Et aujourd’hui, pour la récolte, une vingtaine de personnes (amis et famille, brasseurs professionnels ou amateurs) ont convergé vers Bourgneuf-en-Retz.
©Thomas Louapre

La tâche est minutieuse. Il faut d’abord couper toutes les lianes au pied, en laissant quelques centimètres pour que le houblon reparte l’an prochain, puis, grâce au tracteur, se hisser à cinq mètres pour récolter la liane entière. Ici, Yves et François sont à la manœuvre. « J’étais là en avril pour la plantation, je suis donc ravi de finir le processus », précise François, voisin de la ferme le week-end et brasseur dans une grande maison parisienne la semaine.
©Thomas Louapre

Sept variétés, amérisantes ou aromatiques, sont récoltées. « Je voulais du Saaz, mais cette variété n’a pas fonctionné cette année, tant pis pour moi ! », sourit François-Xavier, brasseur vendéen enthousiasmé par l’initiative de Matthieu qui va lui permettre de concocter une bière vraiment locale.
©Thomas Louapre

Assis sur des bancs en bois, les paysans d’un jour détachent les cônes de leurs lianes un à un puis les déposent sur une grande bâche. On s’échange des tuyaux sur les variétés, sur le brassage de la bière… L’odeur (de cannabis ou d’agrumes, selon les nez…) est puissante.
©Thomas Louapre

Les cônes sont ensuite séchés. Certains à l’air libre mais dans l’obscurité, dans un petit coin de l’étable. D’autres grâce à un séchoir dans lequel est injecté de l’air. « Ça peut s’oxyder très vite et à ce moment-là, on perd la récolte », explique le jeune houblonnier en portant une fleur femelle à son nez. « Il y a encore de l’humidité, peut-être qu’il faudrait enlever une couche et refaire un séchoir », lance l’un des paysans bretons venus prêter main forte. Conseil donné, conseil appliqué. Matthieu s’attelle à la construction d’un autre séchoir.
©Thomas Louapre

Après le séchage, Matthieu mettra ses 50 kilos de houblon ramassés sous vide (une fois secs, 23 kilos), puis le fera tester aux brasseurs intéressés. « Mais il faut attendre deux ou trois ans pour avoir une vraie croissance. » D’ici là, il va donner un coup de main à ses collègues laitiers qui l’ont bien aidé depuis le printemps. Puis, continuer à se former à son nouveau métier et chercher d’autres terres, pour étendre (un peu) sa microhoublonnière.
©Thomas Louapre

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