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Les Bien Élevées, des safranières sur les toits

En automne, à mille lieues des plateaux du Cachemire ou d’Iran, les terrasses parisiennes aménagées par les Bien Élevées se parent des belles couleurs mauves du Crocus Sativus. Une armée de petites mains se presse alors pour récolter les précieux pistils de la plante, qui se vendent à prix d’or. Et pour cause ! la récolte du safran, dit aussi or rouge, demande temps et délicatesse…

Texte et photos : Julie Subiry

À l’origine des Bien Élevées, il y a quatre sœurs : Amela, Louise, Philippine et Bérangère. Leur dilemme : elles aiment vivre à Paris, mais rêvent d’un retour à la terre. Elles cherchent à cultiver une plante qui, comme elles, s’acclimaterait parfaitement à une agriculture urbaine.

Le safran semble tout trouvé. Il ne nécessite pas d’arrosage, l’eau du ciel lui suffit ! Il se contente d’un substrat pauvre, ne produit pas de déchets et n’est pas sensible à la pollution atmosphérique car on le cueille à peine sorti de terre. En 2018, les Bien Élevées remportent un appel à projet de la Mairie de Paris et aménagent leur première terrasse sur le toit d’un grand magasin du XIIIe arrondissement. Depuis, les safranières des quatre sœurs ont colonisé d’autres espaces, comme les toits de l’opéra Bastille, et bien d’autres à Paris, Montrouge, Créteil, et Lyon.

Mais, me direz-vous, si le safran est si facile, pourquoi est-il si cher ? Tout se joue à la récolte, puis à l’émondage. Pendant la période de floraison, de fin septembre à début novembre, chaque matin, de nouvelles fleurs éclosent. Il faut être là pour les cueillir, car le safran n’attend pas !

Sa floraison est imprévisible… La légende raconte qu’Alexandre Le Grand, au moment de conquérir le Cachemire en 323 avant J-C, installe son camp dans une prairie verdoyante. Le lendemain, au lever du soleil, les soldats découvrent le sol tapissé de fleurs mauves. Superstitieux, ils refusent alors d’aller plus loin. Impressionné par la force de la plante, le conquérant bat en retraite, mais ne se passera plus de son élixir préféré, l’infusion de safran !

Le crocus magique aurait aussi des propriétés antidépressives et apaisantes, à en croire les nombreuses abeilles qui s’abandonnent dans le cœur de la fleur !

Dès la récolte faite, on sépare les pistils du reste de la fleur. Très puissants en actifs, les pétales et étamines le sont plus encore, mais sont impropres à la consommation. Leur puissance est telle qu’ils seraient utilisés en Haïti pour des rites Vaudou. Les Bien Élevées les envoient séchés dans un laboratoire marseillais, Technicoflor, qui tire profit de leurs propriétés antioxydantes dans la fabrication de crèmes.

Il faut être minutieux pour ne pas détacher les trois pistils. C’est un gage de qualité quand tant de safrans commercialisés sont frelatés. La récolte du jour est de 0,2 g. Elle est séchée dans la foulée pour une durée de quatre heures dans un déshydrateur à 30 °C. Trois semaines plus tard, elle exprime tous ses parfums. Elle se conservera pendant trois ans à l’abri de la lumière et de l’humidité.

Curieux, touristes ou citadins en mal de nature sont nombreux à assister aux ateliers des Bien Élevées. C’est l’occasion pour elles de partager leur savoir-faire et leur passion, mais aussi de compléter leurs revenus. Si vous êtes capables de patience et de précision, venez vous aussi mettre la main à la pâte…

Grâce aux connaissances transmises, Amela s’est ainsi lancée dans la production de safran maison. Comme elle à ses débuts sur son balcon, vous pourrez planter des bulbes et prélever à l’automne quelques pistils pour parfumer riz et desserts…

Mais si votre ambition est de devenir riche, passez à la vitesse supérieure, car il ne faut pas moins de 150 000 fleurs pour obtenir 1 kg de safran. Alors, à vos pelles, râteaux et ciseaux !

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