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La vigne de la vie

Il est une oasis en plein désert, une sorte de terre promise pour les vers de terre, d’eldorado pour les passereaux, de petit coin de paradis pour les chauves-souris… Bienvenue au Domaine biologique Émile Grelier, niché au cœur du Libournais, dans le Bordelais…

Texte : Marie Cochard – Photos : Olivier Cochard

Partis d’une prairie, Delphine et Benoît, néo-paysans-vignerons, ont planté en 2002 huit hectares en appellation Bordeaux supérieur. Face aux enjeux du réchauffement bioclimatique et au déclin de la biodiversité, le jeune couple décide de faire un immense pas de côté… Bien décidés à rétablir les équilibres environnementaux malmenés par la monoculture, ils repensent leur mode de production et rivalisent d’imagination pour proposer un vin respectueux de l’Homme et de l’environnement.

Leur idée ? Faire de leur vignoble une terre d’accueil pour les animaux favorables à la culture de la vigne. Les deux passionnés s’entourent d’experts et de naturalistes (premier vignoble français à avoir signé une charte de respect de la biodiversité de proximité avec la LPO, Ligue de protection des oiseaux), afin de participer à la réhabilitation d’un milieu naturel plus équilibré.

Arbres, oiseaux, chauves-souris, insectes, serpents… nombreux sont ceux qui participent au bien-être du raisin, offrant à la petite famille la joie de vivre dans un havre de paix.

Inspirée de l’agroforesterie, cette technique consiste à planter des arbres au cœur des cultures, les feuillus. Un peu, beaucoup, passionnément… Au total, le couple en met près de 600 en terre, avec en prime, 450 mètres de haies, joyeux mélange d’épines, de fleurs et de petits fruits.

Dans le cadre du programme expérimental Vitiforest, le vignoble est ainsi devenu un laboratoire pour des organismes de recherche qui évaluent la pertinence des systèmes agroforestiers en milieu viticole.

50 nichoirs, 4 hôtels à insectes, 10 gîtes à chauves-souris, 6 mares, 7 cabanes à hérissons, 15 plaques à serpents… Ici pas de zones-dortoirs, tout le monde est bien logé. Delphine et Benoît mettent à disposition de la faune des refuges de toutes les tailles, tous les formats.

Ici, une famille de mésanges a posé ses valises dans une petite cabane aménagée donnant sur les vignes… Le vignoble propose également des pied-à-terre de choix à nos amis les alouettes, merles, grives, rossignols, fauvettes, pinsons, troglodytes mignons, milans et autres moineaux… Au total, ce sont plus de 54 espèces d’oiseaux qui ont fait halte dans le domaine viticole.

Chez Delphine et Benoît, vous ne trouverez ni pesticide, ni herbicide, ni fongicide, aucun produit en “cide” (qui en latin signifie “tuer”). Delphine, affable, solaire, d’ajouter devant le raisin encore vert : Les hommes doivent accueillir les animaux, les plantes, les arbres, les conditions météo… Dame Nature est notre amie, notre compagne de vie… Nous sommes tous interdépendants, ce pourquoi nous nous devons de respecter le vivant.

Spacieux, l’abri pour chauve-souris exposé sud-ouest, non ? Tout confort, confectionné en bois brut (sapin, peuplier, aulne…), ornementé de rainures, il permet aux pensionnaires de s’accrocher. Ici peuvent loger jusqu’à quatre individus, suspendus à près de 5 mètres de hauteur.

Le rôle de ces mammifères volants est primordial dans le vignoble. L’association des chiroptères d’Aquitaine, Eliomys, a révélé de nombreuses activités de chasse et de capture des tordeuses de la grappe (papillons ravageurs de la vigne, cauchemars des viticulteurs) par les chauves-souris. Elles en consomment jusqu’à 3000 par nuit.

Voici des abris pour hérissons vagabonds. Redoutables prédateurs de limaces et d’escargots, les hérissons ont plus d’un tour dans leur baluchon. Là, un cabanon décoré avec goût (tas de feuilles à proximité de l’entrée), fonctionnel, isolé, réalisé par des jeunes accueillis en chantier-nature d’été sur le vignoble. Particulièrement vulnérables, les hérissons ne doivent pas à avoir à effectuer de grands trajets à découvert pour regagner leur maison ! L’idéal ? Un emplacement discret, au cœur d’une haie et à proximité d’un garde-manger.

À quelques pas de là, se trouvent plaques et monticules de branchages, légèrement brûlés, constituant un humus chaud, véritable chambre nuptiale des serpents.

Sur une autre parcelle, le joyeux désordre de la nature, libre de faire ce qui lui chante : fraises des bois, orchidées sauvages ou anémones couronnées ont ainsi ressurgi ! La matière végétale en surface, ô combien esthétique, protège le sol des intempéries. Les plantes se re-sèment naturellement avant de sécher pour devenir paillis, couverture naturelle d’hivernage.

Le paillage est un bon moyen de stimuler la vie des sols, à l’instar des sols de forêts qui restent notre modèle. En l’espace de six mois, la structure de celui-ci devient grumeleuse et la vie apparaît. Les vers de terre se multiplient dès lors de façon phénoménale. C’est pourquoi, nous déroulons sitôt les vendanges passées des balles de foin entre nos vignes, avec l’aide de voisins.

Benoît, direct, généreux, continue de se démener… quand il ne choie pas sa vigne, ne réalise pas un travail d’orfèvre en bourgeonnant ses sarments, ne fabrique pas ses décoctions de plantes, il teste la joualle, un mode de culture remontant à l’époque gallo-romaine. Des pommes de terre, des oignons, des fèves ou des tomates sont plantés entre les rangs de vigne.

Le Domaine Émile Grelier est bien plus qu’un vignoble. Il est porteur d’une promesse, celle d’une complicité retrouvée avec la nature. Et parce que leur rêve n’est déjà plus une utopie, Delphine et Benoît comptent parmi les fondateurs de la Possiblerie. Dans ce lieu des possibles, on invente une paysannerie bienveillante, responsable et collaborative.

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16 commentaires

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  1. Magnifique et plein de bon sens…Une démarche que j’aimerais voir arriver en CHAMPAGNE où les produits en « cide » sont tellement utilisés qu’il n’y a quasi plus d’insectes, et surtout d’abeilles. La terre est morte, aucun brin d’herbe dans certaines parcelles….ah, oui, l’herbe « ôte des nutriments à la vigne » …. Plus que navrant…

  2. Bel article, belles photos et… beau projet de vie ! les différentes démarches entreprises sont certainement motivées par des convictions profondes, c’est tout à votre honneur et loin du blinging bio.

  3. Admirable !
    C’est un bel exemple qui démontre qu’il est possible de faire de la culture en respectant la nature, et que la faune et la flore peuvent être des alliés.
    Vive la biodiversité !

  4. Super. La seule question que je me pose est par rapport aux oiseaux. Ne vont ils pas trop « picorer » les grappes de raisin ?
    Sinon je vous félicite pour ce que vous faites et vous souhaite un bon courage.

    1. Bonjour Marcou,
      Merci votre commentaire ! Pour répondre à votre question : les oiseaux sont des insectivores et ils disposent de toute la nourriture sur place pour ne pas s’attaquer au raisin.
      Belle journée !

  5. Bravo, votre projet est magnifique… un vrai havre de paix.
    C’est bon de voir qu’il y a encore des hommes et des femmes qui donnent leurs vies pour le respect de la nature.
    Très bonne continuation ?
    Florence

  6. Félicitation pour ce superbe projet, ce havre de paix où l’Homme et la nature ont su se réconcilier pour offrir le meilleur. J’espère que votre vignoble fera des émules et donnera des idées à d’autres. Bonne continuation !

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