Pour obtenir des tranches de jambon d’un beau rose bonbon, les fabricants de charcuterie industrielle utilisent, en grande majorité, du nitrite de sodium. Un additif controversé, peu à peu parti à la conquête du monde, porté par un lobby influent. C’est ce que raconte Cochonneries, un livre de Guillaume Coudray.
Cela se passe en octobre 2015. Lors d’une réunion, à Lyon, les experts du Circ (Centre international de recherche sur le cancer), une agence créée par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), classent les charcuteries en catégorie 1 : « cancérogènes pour l’homme ». Saucisson, saucisses et autres jambons sont entre autres accusés de causer des cancers colorectaux.
Voilà la scène d’introduction du récent ouvrage Cochonneries, comment la charcuterie est devenue un poison (La Découverte), écrit par Guillaume Coudray. Tout au long du livre, l’auteur de l’enquête sur les charcuteries diffusée par Cash Investigation en 2016, s’attache à montrer que l’essentiel n’est pas de renoncer absolument à la charcuterie : Ce qu’il faut réduire – ce qu’il faut supprimer lorsque c’est possible – ce sont les charcuteries cancérogènes…
Au rang des principaux accusés, les additifs nitrités, et notamment le nitrate de potassium et le nitrite de sodium. Ce dernier, répondant au doux surnom de E250, est aujourd’hui utilisé par une immense majorité des fabricants de charcuterie. Plus précisément, les industriels ont recours à du sel nitrité, mélange de sel et de nitrite de sodium. Pourquoi donc ? Simplement pour donner une couleur criarde aux charcuteries, une teinte très appréciée par les mangeurs, longtemps habitués à des tranches de jambon quasi rose bonbon… Mais aussi pour accélérer et faciliter le processus de fabrication, et permettre des durées de conservation bien plus longues, en évitant la prolifération des micro-organismes.
Selon le Centre international de recherche contre le cancer, les nitrites sont probablement cancérigènes pour les humains.
Additifs douteux
Le problème, c’est que selon un document du Centre international de recherche sur le cancer, les nitrites sont « probablement cancérigènes pour les humains » (groupe 2A) dans certaines conditions. En effet, lors de la fabrication, de la préparation ou de la digestion, plusieurs réactions chimiques peuvent avoir lieu : la rencontre de viande et des nitrites créé plusieurs sortes de « composés N-nitrosés », liés à des risques de cancer…
Ainsi, le nitrite de sodium interagit avec des acides aminés dans le système digestif, formant des nitrosamines classées cancérigènes par l’OMS. La vitamine C, ajoutée par les industriels dans le jambon (jetez un œil aux étiquettes, elle apparaît souvent sous forme d’ascorbate !), diminue cependant les risques. Ce n’est pas tout : lorsqu’il croise des nitrites, le fer contenu dans la viande se transforme en fer nitrosylé, lui aussi délétère.
Les recettes anciennes montrent que les produits charcutiers furent très longtemps fabriqués sans recourir aux substances nitritées et que, jusqu’au XVIIIe siècle, cette technique resta une exception, voire une curiosité. Alors, Guillaume Coudray nous raconte comment nitrate et nitrite ont envahi la charcuterie. Comment le lobby des charcutiers industriels a au cours des décennies longuement et habilement manœuvré pour faire accepter ces additifs clairement controversés…
Et l’auteur s’attache à démonter une stratégie de falsification systématique sur trois aspects : d’une part, nier les risques de cancer et en retarder la compréhension ; d’autre part, cacher autant que possible les fonctions colorantes et accélératrices des additifs nitrés ; enfin, construire une excuse, le fameux botulisme, et agiter cet épouvantail dans l’espoir de faire croire que le risque de cancer est le prix à payer, qu’il n’y a pas d’autre moyen.
En effet, c’est la principale ligne de défense des fabricants de charcuterie… Les nitrites permettraient de lutter contre le botulisme, une très grave affection causée par Clostridium botulinum, une bactérie qui peut se développer dans la viande.
D’autres perspectives ?
Pour autant, il existe de nombreuses alternatives permettant de garantir la sécurité des consommateurs, car les fabricants disposent de toute une palette de techniques pour éviter les contaminations bactériennes. Ainsi, pour préparer des viandes sans les additifs incriminés, il est tout à fait possible de travailler autrement, et c’est ce que font des charcutiers en Allemagne et aux Pays-Bas, ou certains professionnels en France (éleveurs ou charcutiers) : Ils achètent une viande de meilleure qualité, ils appliquent des règles d’hygiène strictes, ils ont recours à de longues périodes de maturation, ils adaptent leurs équipements en fonction des exigences. Pour l’auteur, il est nécessaire de se remonter les manches, pour relever le défi de la charcuterie sans nitrite. Et de conclure : Que vivent les vrais charcutiers !
Pour approfondir
Références
Fruit de cinq années d’enquête dans les archives administratives et médicales, ce livre dévoile l’histoire secrète des « charcuteries modernes » optimisées par la chimie.
Vous ne parlez que des « industriels » de la charcuterie, et votre analyse, que j’approuve, est correcte. Et les artisans? Etes vous conscients du fait que la composition n’est jamais affichée (un comble devant les obligations des « industriels ») et, à moins d’interroger l’artisan, on reste dans le flou. La confiance? Oui, mais çà se mérite. C’est tout aussi vrai pour le vin pour lequel on ,’a jamais (sauf vins dits « naturels ») d’information sur l’étiquette concernant les additifs ( sauf « contient des sulfites » , mais combien?)
@Jenyfer Ça n’est plus vrai : on peut trouver aujourd’hui des charcutiers qui n’utilisent pas de nitrite. Celui qui fourni pour la ruche de ma femme a remplacé il y a quelques temps les nitrites dans son jambon blanc par un mélange 100% naturel contenant notamment du jus de carotte pour la couleur.
Bien sûr il a fallu informer les clients qui sont un peu surpris au premier abord mais contents ensuite de savoir que c’est plus sain (en plus le gout et la texture sont mieux!).
C’est un des nombreux intérêts des circuits courts : avoir un dialogue efficace producteurs / consommateurs pour pouvoir sortir du diktat industriel.
Je tiens à préciser, chose qui n’a pas été faite dans cet article, c’est que TOUS les charcutiers utilisent du sel nitrité, en cela je veux dire, pas que les industriels, votre petit charcutier de quartier, ou du votre village fait de même !! Et même dans les charcuteries bio !
Sources : plus que sûr je l’ai vu de mes yeux, je suis cuisnier-traiteur et j’ai travaillé dans différents endroits que des artisans et un labo bio et tous sans exception utilisait du sel nitrité, et d’autres préparations toutes prêtes pour aromatisées bourrées d’additifs.
Bonjour
Tous les articles sont très intéressant, ce que je trouve dommage, sont les commentaires douteux !! c’est à dire, on lit « sans doute; peut être; probablement…. » et j’en passe, sans être certain !! accuser c’est bien, encore faut il être « sur » et « prouvé » avant de faire peur aux gens !! De surcroit, est ce que ça concerne tout type de charcuterie ou seulement industrielle ?? Je pense qu’il y a une nuance entre mettre en garde et faire peur (ou diffamer). Bien cordialement
très bon article mais en conclusion on aurait aimé avoir des adresses de charcutiers qui pratiquent la fabrication à l’ancienne et sans tous ces produits chimiques et cancérigènes.
Idem pour d’autres articles : faites de la pub des commerçants ou artisans « sains » !
Elisabeth – Il y a le jambon Rostain, en magasin bio
et le jambon de Parme en grde surface