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Qui tire les ficelles du bio ? Les secrets de la certification.

J’suis la Mangouste, détective privé. Mes tarifs ne sont pas tout-public : j’suis le meilleur alors j’vais pas m’en priver. Ma dernière enquête m’avait mené jusqu’à Bruxelles, où j’avais découvert que l’cahier des charges de l’agriculture biologique était rédigé au sein de la commission européenne. Mais chemin faisant j’avais levé un lièvre à l’air louche : en France, la certification bio serait décernée aux agriculteurs par des entreprises à buts lucratifs… Derrière l’AB se cacherait-il un business pas très catholique ?  Les petits gars de La Ruche qui dit Oui ! m’ont dit de poursuivre mon enquête dans cette voie. J’ai annoncé la couleur : « Ça va vous coûter bézef ». Ils ont répondu : « On allongera tout le blé qu’il faut, en petits grains. » Marché conclu. Je ré-ouvrais le dossier.

Tous les champs se ressemblement... Alors, quel distingo pour le bio ?
Tous les champs se ressemblement… Alors, quel distingo pour le bio ?

En ce qui concerne le bio, les administrations sont plus emmêlées qu’un plat de spaghettis ; parait que c’est une spécialité française (les administrations emmêlées, pas les spaghettis). Alors j’vais essayer d’vous présenter le topo de but en blanc, sans fioritures. Les organismes certificateurs sont bel et bien des entreprises privées dont le métier est de vérifier que les agriculteurs bios appliquent le règlement européen, à l’exception de Certipaq, structuré en association. Mais pour avoir le droit d’exercer ce métier, ces entreprises ont besoin de deux autorisations : l’une vient du COFRAC (organisme français d’accréditation), l’autre de l’INAO (institut national de l’origine et de la qualité, partie du Ministère de l’agriculture). Encore deux noms cryptiques qui ne m’ont pas résisté longtemps…

Le COFRAC et l’INAO contrôlent les organismes certificateurs et s’assurent qu’ils travaillent selon les bonnes méthodes, en toute indépendance. On est plus sûr avec deux vérifications qu’avec une seule : c’est toujours ce que m’dit mon cardiologue. A la différence près que le COFRAC accompagne parfois les organismes certificateurs sur le terrain, et contrôlent… leur façon de contrôler les agriculteurs.

Et y’a pas à tortiller : ils sont contrôlés, ces agriculteurs. Une fois par an minimum, plus un contrôle inopiné, c’est le minimum obligatoire. Ces contrôles sont toujours en deux parties. D’abord, on épluche la paperasse, on vérifie les factures et le détail des semences utilisées. Ça, c’est l’aspect administratif. Ensuite, on se rend dans les champs et on observe, on tâte les tomates, on malaxe la terre comme des sioux. En cas de doutes, l’organisme certificateur peut faire un prélèvement et l’envoyer au laboratoire pour faire une analyse chimique. Ces analyses ne sont pas systématiques : on en fait une fois sur dix environ, en fonction du risque évalué.

La terre, ça se palpe. Parole d'auditeur !
La terre, ça se palpe. Parole d’auditeur !

Et si le contrôle n’est pas satisfaisant ? Par exemple, s’il s’avère qu’un sol prétendument bio est contaminé par des pesticides ? Illico, l’agriculteur est « déclassé », c’est-à-dire qu’il perd temporairement son label (jusqu’au prochain contrôle au moins). Chez Ecocert, le plus grand organisme certificateur de France (75% du marché), on déclasse chaque année presque 10% des agriculteurs. Bref, ça sabre. Toujours chez Ecocert, les statistiques montrent cependant que les fraudes intentionnelles sont très rares : on en recense moins de 0,5% par an. Dans ce cas, la perte du label est définitive…

Et peu importe sa conclusion, le contrôle reste payant ! Tant mieux d’ailleurs, sinon l’appât du gain pousserait les organismes certificateurs à fermer les yeux sur les non-conformités passagères… D’ailleurs tant qu’on parle d’argent, combien ça coûte de se faire certifier ? Tout dépend de la taille de l’exploitation. Sur cette question, tous les organismes certificateurs s’alignent plus ou moins. Chez Ecocert par exemple, la certification coûtera au minimum 350€ par an (c’est le prix que payerait un petit maraîcher cultivant trois hectares), et au maximum 800€ (jamais plus). En moyenne, la certification bio coûte 0,5% du prix d’un produit fini, soit 4 centimes pour un scotch que mon barman me vend 8€.

Eh oui, les organismes certificateurs ne sont pas des associations caritatives, mais bien des entreprises privées. D’ailleurs, si ces entreprises ne font qu’appliquer un règlement européen, comment font elles pour se distinguer les unes des autres ? La différenciation se fait sur des questions périphériques au label lui même : la notoriété, la rapidité de traitement des dossiers, l’accompagnement proposé, le réseau déjà constitué et tout l’barouf. De plus, les organismes certificateurs ne sont pas entièrement passifs vis-à-vis du cahier des charges qu’ils tâchent de faire appliquer. En tant qu’experts, ils font partie de la commission nationale pour l’Agriculture Biologique : leurs propositions peuvent ensuite remonter jusqu’à la commission européenne. Pour les cahiers des charges qui ne relèvent pas de l’agriculture, par exemple pour les cosmétiques ou pour le textile, les organismes certificateurs peuvent directement s’en faire les rédacteurs : en France, Ecocert est l’un des rares à s’investir dans ce genre de projets. Ces cahiers des charges sont élaborés en partenariat avec des représentants des filières, des représentants des consommateurs, des institutionnels et des scientifiques, l’objectif étant de faire quelque chose d’exigeant et de réaliste ; enfin, ils sont protégés au titre de la propriété intellectuelle.

Les huit organismes certificateurs Français
Les huit organismes certificateurs Français

Voilà, j’ai balancé tout ce que je savais… Si ce dossier est publié, j’doute pas du fait qu’il enchantera les scolaires qui doivent faire un exposé sur la question. Mais pour ma part j’en ai trop dit. J’vais me mettre au vert, et pas de whisky pour une fois. Et qui sait, peut-être que je sortirai le bout de ma truffe d’ici quelques années, accompagné d’une mangoustine et de p’tits mangoustaux…

Hasta pronto, amigos.

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Merci à Julie Basdevant, responsable communication du groupe Ecocert, pour avoir fourni toutes les données nécessaires à la rédaction de cet article.

25 commentaires

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  1. Bonjour,

    Pour ma part je trouve indécent que ce soit aux producteurs bio, respectant la bio diversité et entretenant les sols proprement dans le respect de la nature de devoir payer.
    On est loin du slogan « pollueur = payeur »
    On est plutôt sur une logique de « payer un droit à ne pas polluer »
    De même je trouve indécent que le coût polluant du transport ( acheminement sur de longue distance) ne soit pas pris en compte, certes les résidus du transport ne sont pas dans l’assiette directement mais y reviennent par les cultures faites sur le trajet.
    Cordialement
    Alain

  2. Au Portugal on vient de m’apprendre que pour un hectare de maracuja physalis quinoa c’est 6700€/ an.
    Six mille sept cent.
    Mais un peu moins pour une culture plus ordinaire…
    Si vous reviez de vous y installer..

  3. Bonjour, je dispose de 3500 m² de terre et compte faire un petit maraîcher naturel… je sais il y en a qui rigole… « petit joueur », et bien non ! je compte produire pour le plaisir de produire et pas pour m’enrichir… ma question, pour vendre mes fruits et légumes, dois-je obligatoirement détenir cette « fameuse » Certification BIO… car je ne compte pas cultiver autrement qu’en bio et rien que du naturel. Car cela me gêne un peu de devoir me justifier auprès de ses organismes… cela n’est pas dans ma philosophie de l’approche et du but de ma démarche… puis je quand même vendre en appeler ma récolte autrement que « Bio » quoiqu’elle le sera… ?

  4. Bonjour,

    Bravo pour l’article qui est intéressant et bien rédigé.

    J’interviens juste pour corriger quelques fautes d’orthographe. J’avais remarqué « distingo » en légende de la photo, et j’ai lu tout le texte pour en trouver d’autres.

    Voici la liste :

    – Alors, quel distingo pour le bio ? : distinguo s’écrit avec un u (verbe latin conjugué : http://www.cnrtl.fr/etymologie/distinguo), pas distingo (ne pas confondre les colis de la Poste)

    – présenter le topo de but-en-blanc : il faut écrire « de but en blanc » (sans traits d’union)

    – Ministère de l’agriculture : il ne faut pas de majuscule à ministère

    – l’agriculteur est « déclassé », c’est à dire : il faut écrire « c’est-à-dire » (avec trait d’union)

    – moins de 0,5% par ans : il faut écrire « par an » (pas au pluriel)

    – comment font elles : il faut écrire « font-elles » (avec trait d’union)

    – label lui même : il faut écrire « lui-même » (avec trait d’union)

  5. bonjour à toutes et tous,

    en effet je ne comprends pas pourquoi nature et progrès ne sont pas cités ni Demeter par ailleurs…

    L’article est intéressant pour un début d’informations mais pas très renseigné dommage !

    toutes mes pensées et mon soutien – aussi financier par mes achats de leurs excelllent produits aux personnes qui rendent notre terre et nos corps meilleurs chaque jour un peu plus, je vous bise.

    Caro et les abeilles

  6. Quelques infos d’un producteur : on regrette que NATURE ET PROGRÈS ne soient plus habilités pour le certification … au moins, il y a a des producteurs dans les commissions. Surprise quand on vient contrôler votre production et qu’on ne demande même pas à aller sur le terrain … Pour nous le surcoût du à l’AB est du à 100% à la certification …

  7. ICe n’est pas exact de dire que les aides PAC ne vont qu’aux grosses exploitations. Je cultive 36 ha en bio, la surprime de 90 euros aux 52 premiers ha me bénéficie directement. les aides PAC vont à présent à tous les ha, ce qui n’était pas le cas auparavant. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Notre ministre aurait peut-être pu aller plus loin. Voyons ce qu’on peut faire en 2019 … en espérant qu’on ait encore un ministre qui soit sensible à la redistribution.

  8. J’ai payé plus de 800 euro par an pour certifier mon pain , mes pains devrais je dire.
    Mais il faut savoir qu’à chaque fois que l’on veut mettre en vente une nouvelle création , une nouvelle recette , il faut en passer d’abord par le certificateur : envoi de la recette , de l’origine de la matière première avec justificatif. Il en va de même si on veut un nouvel emballage , si on veut mettre une pancarte avec son label , un papier à entête…..dès que le mot bio est utilisé ou le logo , il faut en passer avant par le certificateur..;et c’est payant!!!

    C’est donc lourd et payant.D’autant qu’il suffit d’une fête traditionnelle ou d’un événenement inopiné pour créer !

    Je suis pour ma part visitée trois fois par an et je demande une analyse d’un de mes produits chaque année.Lors de ces visites , si j’ai des demandes d’habilitation à faire , je profite de la présence de la controleure pour les faire passer. Là , c’est gratuit. Mais c’est contraignant puisqu’on ne sait pas quand on est controlé…….
    C’est toute une gestion si l’on veut être à la fois créatif et dans les clous de la certification.

    OU alors on crée dans le cadre du cahier des charges , on n’affiche pas que c’est d’origine biologique et on attend le controle pour se faire.
    C’est donc ainsi que je procède maintenant et je suis du coup en dessous des 800 euro par an .

    Mais je trouve le logo vital pour une transparence de ma demarche aupres des consommateurs. J’ai aussi adhéré chez Nature et Progrès pour le coté ethique et social que ne présente pas le label européen AB.Ce sont les pionniers de la bio en Europe.

    Un prochain article sur cette association?

  9. Dommage que l’on ne parle pas de Nature&progrès qui existe depuis maintenant 50 ans! Cette association de producteurs et consommateurs est à l’origine du premier cahier des charges bio. Comme ils sont en désaccord avec l’actuel relâchement d
    u cahier des charges européen ils. n’ont pas le droit d’afficher les. sigles AB! Pourtant il y a vraiment une éthique et une cohérence derrière leurs pratiques. La mention Nature&progrès est délivrée aux producteurs ou transformateurs après une enquête participative réalisée par des consommateurs et des producteurs… Il n’y a pas de boîte privée qui se sucre avec les contrôles, tous les adhérents peuvent participer et faire évoluer le cahier des charges Nature&progrès!!!

    1. On a prévu un article sur les 50 ans de Nature et Progrès. On vous le présente bientôt, promis.

    1. 1000€ pour 7 ha ???!!!!!! je vous incite à contacter le service client, il y a une erreur !! ou alors vous ne nous donnez pas toutes les infos de vos productions..;

  10. Vous écrivez: « la certification bio coûte 0,5% du prix d’un produit fini, soit 4 centimes pour un scotch que mon barman me vend 8€. »…n’y a t-il pas une petite confusion entre euros et centimes d’euros? Parce que, si c’est ça…ça fait cher!

    1. Pour Olivia: malheureusement le calcul est exact, 4 centimes pour un scotch à 8€, ça fait bien 0.5% du prix total!

  11. Je suis certifiée par ECOCERT, ils ont été des pionniers de la certification bio et sont militants de l’agriculture biologique respectant la biodiversité. Cela me choque pas qu’ils fassent payer la certification, il faut bien payer les contrôleurs. La question est plutôt, est ce aux agriculteurs bio de payer ? L’Europe pourrait prendre en charge cette certification si la volonté était de développer l’agriculture biologique. Les exploitations biologiques non industrielles sont les moins aidées par les aides européennes puisqu’on aide surtout les grosses exploitations et, la nouvelle PAC 2015 prévoit de ne plus aider les plus petites exploitations. Ces exploitations bio apportent un service à toute la population en réduisant les pollutions et leurs coûts : traitement des eaux, maladies due aux pesticides…
    D’autre part votre article n’indique pas qu’en France les organismes de certification sont eux même contrôlés par la répression des fraudes, ce qui permet d’éviter justement les déviances d’un clientélisme.

  12. Oui, des fraises « bio » espagnoles qui poussent à quelques mètres de fraises pas bio sous des dizaines de kilomètres de plastique, Ecocert estime qu’elles sont bio ?
    Quelle rigolade…

    1. Bonjour Homema,
      Les organismes certificateur ne rédigent pas directement le cahier des charges de l’agriculture biologique ; la définition de ce qui est bio et de ce qui ne l’est pas est rédigée à Bruxelles. Mais on peut espérer, effectivement, que ce cahier des charges sera plus stricte à l’avenir. Globalement, les organismes certificateurs français poussent dans ce sens.

  13. FAUX : CERTIPAQ = ASSOCIATION LOI 1901 à BUT NON LUCRATIF !!!!
    pas très sérieux de la part d’ECOCERT de ne pas connaître ses concurrents ou de faire circuler de fausses infos… Sont-ils aussi sérieux quand ils décernent un label ?
    De toute façon, le cahier des charges européen ne vaut plus rien et le développement du bio de masse tue le VRAI bio.
    merci de vérifier vos infos avant de publier

    1. Bonjour Emmanuelle.
      Merci pour votre commentaire : la précision a été apportée à l’article.
      Sachez que sur notre blog, nous visons la qualité maximale. Si vous avez des informations complémentaires, envoyez les à benjamin@lrqdo.fr
      Nous mettons à jour régulièrement nos articles pour qu’ils soient toujours plus complets.

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