6,3 % des Parisiens et habitants de la Petite couronne sont en situation d’insécurité alimentaire alors que des millions de tonnes de produits alimentaires sont perdus chaque année. Le livre Une métropole à ma table repense la ville du bien manger.
Pauvre fenouil. Ce légume est trop souvent maltraité. On coupe et garde la partie blanche, jugée noble, pour la cuire ou la manger en salade. Le reste ? Poubelle. Soit, tout de même, un petit tiers du légume qui est cultivé, transporté, conditionné… pour rien. Une infamie aux yeux du chef François Pasteau, du resto L’Épi Dupin situé dans le Xe arrondissement de Paris, qui nous a fait découvrir trois façons de cuisiner ces restes.
Première idée, faire confire les tiges du fenouil avec de l’anis étoilé. On obtient un sirop étonnant, voire une sorte de confiture si on prolonge la cuisson. Ce n’est pas tout. On peut ensuite se servir de ce fenouil confit comme base pour faire une glace. On peut aussi déshydrater ce sirop en le laissant au four quelques heures, ce qui donnera une sorte de pâte dure, un « cuir de fenouil », qui viendra sucrer avec finesse vos desserts ou vos yaourts.
Avant de mettre n'importe quel aliment ou partie d'un aliment à la poubelle, il faut toujours se demander si l'on ne pourrait pas en faire autre chose.
Certes, tout le monde n’a pas autant d’idées sous le coude. N’empêche, le chef Pasteau conseille : Avant de mettre n’importe quel aliment ou partie d’un aliment à la poubelle, il faut toujours se demander si l’on ne pourrait pas en faire autre chose. Et souvent, on trouve une solution. C’est ainsi que l’Épi Dupin est l’un des rares restaurant où l’on vous proposera des flancs de poisson cuisinés en entrée. Cette logique fait naître un long et beau cercle vertueux : quand on cuisine les restes, on a plus intérêt à acheter de beaux légumes de saison, qui vont tenir longtemps, qui n’ont pas été arrosés de pesticides. On peut aussi se permettre de les payer un peu plus cher puisqu’on va les rentabiliser jusqu’au bout. On a plus envie enfin de rencontrer les producteurs, de connaître leur travail, de s’adapter à leur temporalité. Petit à petit, on transforme la relation entre le consommateur et les producteurs, et on transforme la ville aussi.
C’est tout le propos du livre publié en mars par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France (IAU Île-de-France) : Une métropole à ma table (208 pages, 18,50 euros). Pour Laure de Biasi, chef de projet alimentation durable de l’Institut : François Pasteau incarne le renouveau actuel dans l’alimentation. Voilà pourquoi l’organisme a choisi de faire de ce chef un ambassadeur de son livre : Travailler sur l’alimentation durable nous montre que la ville concentre les problèmes mais aussi les solutions. Les villes ont grignoté leurs terres nourricières pendant des décennies, mais aujourd’hui, la ville et l’agriculture se regardent à nouveau. Ce livre explore les conséquences de ce mouvement du champ à l’assiette, notamment sur les liens entre les habitants, les acteurs économiques, les territoires, l’environnement…
Pourquoi faut-il que 90 % de notre alimentation repose sur 23 espèces seulement ?
Au fil des chapitres, on explore d’abord les failles, les crises et les manques du modèle actuel. Pourquoi, par exemple, faut-il que 90 % de notre alimentation repose sur 23 espèces seulement ? Ou pourquoi – situation aberrante – plus de 6,3 % des Parisiens et habitants de la Petite couronne sont en situation d’insécurité alimentaire alors que des millions de tonnes de produits alimentaires sont perdus chaque année ? Comment limiter ce gâchis, mieux répartir les ressources, et faire pour que 1000 structures d’aide alimentaire engagées dans la région puissent assister les plus démunis ? Le livre explore les nouvelles tendances et les solutions, avec des pionniers et des modèles comme le supermarché coopératif La Louve, les 800 exploitations franciliennes qui pratiquent les circuits courts, les très nombreuses initiatives en matière d’agriculture urbaine et les grands chefs, comme Yannick Alléno, qui travaillent à la redécouverte et la mise en valeur de produits issus du terroir francilien.
François Pasteau de conclure, optimiste : Ma réussite, c’est que toutes les personnes qui travaillent dans mon restaurant portent cette logique aujourd’hui, c’est-à-dire cuisiner ce qu’on trouve autour de nous plutôt que de cuisiner ce qu’on veut, et respecter le produit et le producteur. S’ils partent, ils veulent travailler dans cette logique ou importer cette logique là où ils vont. Le cercle vertueux va continuer à tourner.
Pour approfondir
Références
Les Cahiers de l’IAU, 18,50 euros
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