Martine Camillieri aime autant la bonne bouffe que la frugalité, les voyages au bout du monde que les repas dans son quartier. Mais ce qu’elle préfère par dessus tout, c’est le goût de la simplicité. L’artiste en a d’ailleurs fait un art de vivre. Rencontre.
«Il s’agit sûrement d’un héritage familial ! explique la plasticienne du quotidien. Née au Vietnam, j’ai grandi dans le grand Sud-Est de la France, du côté de Nice. De facto, mon enfance a été bercée d’aller-retour en bateau, de cuisine de rue, de petites dinettes sur des tabourets de fortune… Quant à mon adolescence, j’ai des images très claires d’escapades dominicales sur l’île de Lérins. D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours connu ces plaisirs du peu : maman pêchant et bricolant une mouclade avec la pêche du jour, papa préparant le feu.»
Aussi, depuis 2008, l’artiste dont les installations interrogent sur l’écologie, le recyclage et les phénomènes de surconsommation, prend la tangente à bord de son «Kmion» aménagé en cabane roulante, accompagnée de Bernd Richter, son compagnon d’Odyssée ! Chaque année, durant deux mois, se délestant de tout ce qui n’est pas indispensable, le couple sillonne les routes d’Europe. Aujourd’hui, ils comptent plus de 26 pays à leur compteur. Loin de renoncer à un certain art de vivre, les deux hédonistes réinventent chaque fois un peu plus le voyage léger et la popote nomade.
Jamais sans mon Kamion raconte la vie en fourgon, le camping sauvage, recettes de vadrouille et portraits d'autres camionneurs à l'appui.
«On ne cuisine jamais aussi bien qu’en vacances, en sirotant un petit blanc frais à la lueur d’un lampion ! L’idée m’est ainsi venue de réaliser un livre sur cette cuisine du peu, livre dans lequel chacun pourra puiser des astuces pour un peu plus de peu et un peu moins de trop! » Dans son ouvrage, on trouve ainsi des recettes de trois fois rien, une petite cuisine de vadrouille à peine plus compliquée que celle du pique-nique. Et une vingtaine de repas de rois à se cuisiner (une façon inédite) au thermoplongeur lorsqu’on est en panne de gaz.
Le peu c’est mieux
Page après page, la notion de peu dont Martine a fait sa marotte nous apparaît plus clairement. Peu de pesticides (mieux encore pas de pesticide!), peu de kilomètres (pour des produits plus frais, contenants moins de conservateurs et à l’empreinte carbone minimum!), peu de beauté (vive les fruits et légumes non conformes aux standards de la grande distribution!), peu de choix (exit les haricots verts, fraises et cerises en hiver, place aux produits de saison!), peu d’hectares de surfaces agricoles (rien de tel que de soutenir les petits producteurs!), peu de transformation (haro sur les produits industriels et transformés, mieux vaut, par exemple, croquer dans un fruit bien mûr que d’en extraire le jus afin de bénéficier des fibres que ledit fruit contient !)…
«Exception faite des conserves de légumineuses dont le temps de cuisson ruineraient l’espérance de vie des cartouches de gaz à bord, néanmoins, de retour sur la terre ferme, il va s’en dire que je préfère faire tremper mes légumineuses et les cuire plutôt que de les acheter en boîte, prêts à consommer !»… Et surtout peu de travail dans ses recettes : les légumes se mangent frais, grillés, les fruits rôtis, accompagnés de céréales roboratives.
Pour pallier au peu d’exercice inhérent à la vie en camion, « mise à part quelques brasses de temps à autre, on demeure malgré tout assis, le cul sur une banquette, durant des kilomètres ! », Martine a ajouté à son régime quelques ingrédients brûle-graisse. Elle les a piochés dans le cahier de Marie-Laure André André, diététicienne spécialisée dans la prise en charge nutritionnelle de l’insuffisance rénale du diabète et de l’obésité. Un livre rencontré sur un présentoir d’aire d’autoroute, au démarrage de sa dernière épopée.
Rien de tel que de se réveiller à son rythme, cerné par la mer, que de manger quand la faim se fait sentir, que de s'accorder le privilège de prolonger le séjour dans un lieu qui vous enchante, que de contenter de peu.
Il en faut peu pour être heureux
Basé sur l’explication des index glycémiques et sans prosélytisme aucun, l’objet a suffit de convaincre Martine du bien fondé du peu. Elle a alors ajouté à sa liste déjà exhaustive de peu : peu de raffinage (toujours préférer les ingrédients complets : riz, pâtes, semoule, pain…, peu de restrictions (oui au chocolat en quantité raisonnable, oui aux épices, oui à la glace occasionnelle…), peu d’ajouts (le sucre contenu dans la chair du fruit, le sel des crustacés peut suffire à ravir le palais!), peu de grappille (rien de tel qu’une ou deux figues fraîches fraîchement décrochées de l’arbre, idem pour les petits fruits et autres herbes sauvages). Et pour ce qui est de la viande et des fromages, Martine retient de cette dernière villégiature, en partie italienne, l’idée de chapeauter ses plats d’une chiffonnade de jambon, de chips de viande des grisons grillée ou d’une lampée de parmigiano, miettes hautement délectables et capables de réveiller une assiette des plus simplettes.
On l’aura compris, vivre de peu, c’est vivre mieux ! Encore merci Martine pour la bolée de lentilles relevée de basilic et d’ail et de pistaches grillées. La simplicité volontaire a effectivement parfois un petit goût d’extraordinaire…
Pour approfondir
Références
Direction artistique, Élodie Campo, illustrations Mathieu Camillieri. Éditions de l’Épure – 300 pages – 19€
Bonsoir,
Très intéressant la cuisine du peu avec des produits simples avec une emprunte carbone réduite. Par contre, partir 2 mois sur les routes avec un « kmion », il faut déjà avoir la possibilité de prendre 8 semaines de vacances et l’empreinte carbone du « kmion » dans tout ça ?
J’adore !ce livre ne quitte pas notre camion .on attend le n.2.
Bel article.