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Elle est fraîche ma crevette, elle est fraîche !

Lisaqua, la crevette autrement !

À St-Herblain en banlieue nantaise, les locaux de Lisaqua ressemblent à un hangar industriel lambda. Pourtant la légère odeur de vase qui effleure les narines met la puce à l’oreille. Ce n’est pas un simple entrepôt de déménageur comme l’indique la pancarte de l’entreprise voisine. Et pour cause, il se produit ici chaque année 10 tonnes de gambas. Bienvenue dans le monde de la crevette fraîche, locale et propre.

© T.Louapre

Avec une pointe de mayonnaise en entrée, dans la paëlla ou encore cuite en curry, la grosse crevette rose, ou encore gambas, s’est définitivement installée dans notre alimentation. Dans tous les supermarchés, elle s’étale avec abondance dans les rayons, comme si elle était fraîche pêchée de la semaine. Fraîche ? Vraiment ? C’est un peu vite oublié que ce crustacé est majoritairement issu d’élevages installés sur les mangroves des zones tropicales. En France, nous importons actuellement 80 000 tonnes de crevettes tropicales. Elles peuvent être congelées de 2 mois à 2 ans entre la date de pêche et l’arrivée en rayon, souligne Gabriel Boneu. 

Produire des crevettes locales dans un hangar. Et pourquoi pas ? © T.Louapre

Lui, c’est un spécialiste des bonnes idées, un start-uppeur comme on dit aujourd’hui. Alors avec deux amies, Charlotte, chercheuse en biologie marine, et Caroline, spécialiste des techniques et process industriels, ils se sont posés la question : Et s’il était possible de produire de la gambas fraîche et locale ? En 2017, nous avons commencé dans un salon avec un aquarium, sourit Gabriel. Et là réponse est oui. Incontestablement, il est possible de produire cette bonne vieille crevette rose en France. En témoigne l’entreprise qu’ils ont créée, Lisaqua, pour Low-Impact & Sustainable Aquaculture. Installée dans des hangars de la banlieue nantaise, leur installation pilote produit déjà 10 tonnes de crevettes par an. 

Ce sont aujourd’hui 25 personnes qui travaillent sur l’unité de production de Lisaqua. © T.Louapre

Crevette fraîche

La promesse de Lisaqua, c’est une crevette fraîche, alors l’entreprise s’en donne les moyens. Chaque semaine, 200 kg de crevettes sont abattues en baissant le niveau du bassin et en les plongeant immédiatement dans l’eau glacée. Ensuite, il faut 20 à 30 min aux équipes pour mettre les crustacés en chaîne du froid. C’est vraiment cette étape qui permet de garantir la fraîcheur. Elles sont ensuite triées par calibre, mises en boite et livrées directement aux poissonniers ou restaurateurs. Une partie est également congelée, mais pour une durée maximum de 15 jours, détaille Gabriel. Le process permet également de se passer de saumure pour conserver les gambas.

Lisaqua promet une fraîcheur et une qualité incomparable pour ses gambas. © T.Louapre

Les retours des clients sont unanimes, les crevettes de Lisaqua sont identiques aux crevettes tropicales en rayon, mais en plus croquantes et avec un goût plus naturel et plus subtil. Preuve de qualité, plusieurs chefs étoilés sont déjà des fidèles du produit. Nous livrons entre autres l’Atlantide à Nantes ou le Grand Monarque à Chartres, évoque-t-il. Pour les curieux qui voudraient simplement goûter cette crevette locale sans aller au restaurant, à Nantes, les poissonniers Jordy Moreaux sur le marché de Talensac et Laurent Muller à Zola, commercialisent la gambas locale. Elle est également disponible en vente directe le vendredi après-midi directement dans les locaux de Lisaqua. Côté prix, Gabriel le reconnaît, le produit est encore très haut de gamme. Mais notre objectif est d’atteindre le prix des crevettes bio pour que nos gambas soient accessibles à un maximum de consommateurs, assure-t-il.

C’est le mélange de bactéries et de micro-algues qui donnent cette couleur bien particulière à l’eau d’élevage des crevettes. © T.Louapre
C’est le mélange de bactéries et de micro-algues qui donnent cette couleur bien particulière à l’eau d’élevage des crevettes. © T.Louapre

Une production plus verte

En plus d’être locale et fraîche, la crevette rose de Lisaqua est… plus verte. Les productions de crevettes, comme la pisciculture marine en générale, se révèlent très souvent destructrices du littoral. C’est particulièrement le cas en zone tropicale où les crevettes sont élevées sur les zones fragiles que constituent les mangroves. La forte densité de crustacés génère des rejets importants de matière organique qui impactent la vie marine aux alentours des bassins. Pour éviter les maladies, cette activité nécessite également l’utilisation massive d’antibiotiques qui polluent eux aussi les zones de production. 

Lisaqua développe sa propre écloserie de crevettes pour être complètement autonome sur l’élevage. © T.Louapre

En développant un système fermé sur terre, Gabriel, Charlotte et Caroline ont trouvé une solution pérenne à ces différentes problématiques. Comme nous sommes en milieu confiné, nous n’avons pas besoin d’antibiotiques, constate Gabriel. Pour l’alimentation des crevettes, Lisaqua se tourne vers les déchets de l’industrie du filetage du poisson, essentiellement des farines et des huiles.

© T.Louapre

Des bassins en cycle fermé

Reste la gestion des effluents d’élevage. Si, en lieu et place de polluer de l’eau de mer, l’entreprise déversait chaque jour des centaines de litres dans les eaux usées, l’opération aurait peu d’intérêt. C’est là qu’intervient Charlotte. Grâce à son doctorat en biologie marine et à ses différentes expériences professionnelles, elle a développé un système de cohabitation des crevettes avec des micro-organismes et des invertébrés marins dans les bassins. Les micro-organismes, ce sont des bactéries et des micro-algues qui dégradent les déjections des crevettes. Ils sont ensuite consommés par les invertébrés, eux-même mangés par les crevettes. Cela nous permet de garder l’eau des bassins et d’économiser 20 % de l’alimentation, explique Gabriel. 

Les équipes de Lisaqua vérifie chaque semaine, voir chaque jour que les caractéristiques de l’eau des bassins conviennent bien à l’élevage des crevettes mais aussi au développement des bactéries, micro-algues et autres invertébrés marins. © T.Louapre

Ce système permet d’utiliser 500 fois moins d’eau qu’une installation d’aquaculture classique, qui nécessite une qualité d’eau équivalent à 300 % du volume des bassins par jour. Nous remplaçons simplement 1 % de l’eau quotidiennement du fait de l’évapotranspiration, indique le jeune aquaculteur. Car oui, l’eau doit être maintenue à la température élevée de 28 °C pour une croissance optimum des crevettes. Mais là aussi l’entreprise y travaille. La prochaine étape, après ce premier projet pilote, est d’installer une unité de production en Seine-et-Marne, à proximité d’un incinérateur pour récupérer la chaleur produite par cette installation, indique Gabriel. L’objectif est de produire 500 t/an sur cette nouvelle unité de production à horizon 2025. À plus long terme, l’entreprise vise une production de 10 000 t/an en Europe, dont 3000 t/an en France. 

3 commentaires

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  1. Vous avez de la chance les consommateurs de Nantes, nous on est loin de la mer. J’adore les crevettes et les gambas mais je boycotte toutes celles qui viennent de très loin…..donc toutes.
    On va patienter.

  2. Bravo à cette entreprise innovante, qui va réduire le bilan carbone des crevettes en développant la technique dite du « biofloc » sur notre territoire.

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