Il est un pays où le piment d’Espelette et le chichon sont rois. Un pays où certains producteurs résistent encore à l’agriculture intensive et à la tentation de vendre en supermarché. Reportage à Ainhoa, au Pays basque, chez Sylvie Leizagoyen et Didier Testemale, où les animaux et le poivre rouge se côtoient, s’apprivoisent, pour ne faire plus qu’un.
C’est la saison de la cueillette et de la préparation des piments. Il faut aller vite avant la prochaine pluie. Sur une table à l’entrée de la serre qui sert de séchoir, tout le monde s’affaire. Didier a embauché parents et enfants pour couper les légumes rubis, enlever les pépins et mettre à sécher les piments sur des claies. Ici, tout le monde est agriculteur, c’est comme ça !, clame fièrement sa femme Sylvie qui est tombée dans la marmite quand elle était petite.
Pour son mari, le plongeon professionnel est relativement récent. Hier électricien, il est depuis deux ans à plein temps sur les terres familiales héritées des parents de Sylvie (éleveurs de brebis) et de ses grands-parents (éleveurs de vaches). Je garde pour le moment mon boulot d’infirmière, explique-t-elle, je passerai en déclaré dès que les revenus de la ferme nous le permettront.
Ici, tout le monde est agriculteur, c’est comme ça !
Piment au naturel
Tout autour d’eux, les deux hectares de piment d’Espelette ressemblent à des rangs de vigne. De loin, difficile de faire la différence. Mais c’est lorsque l’on s’approche que l’on distingue plus clairement le piment rouge, éclatant et vif. Ici, pas de traitement. Pas besoin, explique Sylvie, ce sont les coccinelles qui font une partie du travail ! Le reste est assuré par le couple qui chaque année redémarre le cycle.
Aux premières gelées, tout sera mort, précise Sylvie, il faudra tout arracher et tout recommencer. Dans l’ordre, semer en février, regarder pousser, entretenir, récolter, faire sécher pendant trois semaines et apporter la récolte à la Cuma (Coopérative d’utilisation de matériel agricole) du village voisin. Là-bas, le piment s’offre un passage au four pendant 48 heures avant d’être réduit en poudre et mis en sachets. Nous sommes une vingtaine d’agriculteurs à utiliser le four, rapporte Sylvie. L’ambiance est bonne à la coopérative, on se retrouve, on échange, on est solidaires.
Si le piment est bien valorisé, 15 000 pieds ne suffisent pas à dégager un revenu suffisant pour toute une famille. C’est pourquoi Sylvie et Didier ont choisi de se lancer dans l’aventure d’un élevage tout aussi patrimonial, celui des porcs basques kintoas. Une première dans la région. Affublé de trop grandes oreilles qui cachent ses yeux et d’une robe rose pâle et grise, le kintoa a bien failli passer à la casserole de l’uniformisation dans les années 1980. En 1988, il ne reste alors que 25 truies et 2 verrats vivants, explique le site de l’AOP obtenue en 2017. Sauvé in extremis par une poignée d’éleveurs, il rassemble aujourd’hui 80 hommes et femmes autour de la race : éleveurs, abattoirs, transformateurs, artisans, fermiers et séchoirs.
L’agriculture intensive ? Pas d’intérêt !
L’exploitation compte une centaine de cochons qui s’ébattent sur la colline familiale de neuf hectares, un confort bien au-delà des exigences de l’AOP qui plafonne à quarante le nombre de porcs à l’hectare. On ne veut pas davantage de cochons, insiste Sylvie, sinon, ça ne sert plus à rien. Aujourd’hui, de plus en plus de gens sont sensibles à la façon dont on élève les animaux, c’est important de respecter le bien-être animal. Ici, ils sont particulièrement bien lotis. Les porcs se baladent au milieu des acacias et des chênes, en liberté, et entretiennent naturellement la forêt classée. Ils font bringuebaler leurs grandes oreilles, se coursent, se collent, s’arrêtent, se nourrissent de châtaignes, d’herbe, de cerises, ou de vers de terre. Parmi eux, Sylvie en distingue quelques-uns mais n’ose pas divulguer leurs prénoms. Certaines personnes pourraient se reconnaître, confit-elle en riant.
On ne veut pas davantage de cochons, sinon ça ne sert plus à rien !
Avec cette viande extrêmement tendre, persillée, Sylvie réalise elle-même chichon, pâté, terrines, saucisson… Je mets partout du piment d’Espelette, ça donne un goût différent ! Le résultat est exceptionnel et attise la convoitise des supermarchés qui, régulièrement, lui déroulent le tapis rouge de leurs allées. Pour le moment, aucun des éleveurs de l’AOP kintoa n’a cédé aux sirènes des grandes surfaces. Évidemment on ne peut pas écrire ça dans le cahier des charges de l’appellation mais quand on voit que Ducros vend son propre piment d’Espelette, on n’a pas envie qu’il se passe la même chose pour le porc basque. Lorsqu’on lui rappelle que les supermarchés s’apprêtent à créer leurs propres élevages, la passionnée conclut : Nous petits producteurs il faut qu’on tienne, les grands volumes ça détruit tout.
Peut-on acheter directement sur place? Si oui, ou?
ca donne envie ! y a t il une boutique en ligne ?
Attention ça s’ecrit chichon mais ça se prononce tiition…
pas d’amalgame ?