Pris la main dans le panier ! Les bénévoles de cette association belge font le lien entre les propriétaires d’arbres fruitiers et des centres d’accueil. L’abondance partagée, c’est pour leur pomme.
Je n’avais jamais cueilli de cerises, et là on vient de faire 40 kilos ! Bien campée sur son escabeau, Christina rempli avec délice la cagette posée en équilibre devant elle. Son amie Laura s’étire pour aller chercher les fruits les plus hauts. Car l’imposant fruitier est mis à disposition par des particuliers à qui seront laissées les cerises du bas, plus accessibles. Chez Fruit Collect, on ne vous allège que de vos kilos superflus.
Nous redonnons en moyenne 10 % de la récolte à des associations, le reste est transformé, principalement en jus, parfois en confiture, et revendu pour assurer nos frais de fonctionnement, explique Maxime Niego, fondateur de l’association, qui coordonne la cueillette.
Coup de poker et jus de pomme
C’est déjà la deuxième récolte de la tournée hebdomadaire, qui est partie de Bruxelles au petit matin. Tout est calé depuis une semaine. La Belgique, Braban wallon en tête, est une réserve inépuisable de fruits qui ne demandent qu’à être cueillis et partagés. Ce matin encore, il y a une dame dans le Hainault qui m’a appelé, on a pas pu y aller, nous étions déjà en route, assure Maxime. L’an dernier, on a récolté dans 85 propriétés, avec 192 bénévoles. Il faut dire que le projet a bonne presse depuis sa naissance : J’ai fait un coup de poker, raconte Maxime, sourire en coin. Je suis passé dans le JT pour nous présenter alors que je n’avais pas encore fait une seule récolte ! Et tout de suite, des gens se sont inscrits. Aujourd’hui encore, on a des bénévoles qui nous appellent tous les jours.
Depuis 2015, la vente de produits transformés (principalement du jus de pomme), les financements participatifs, le mécénat et les subventions ont permis de pérenniser trois emplois afin de coordonner l’activité. Et on a plein de projets, dont un traiteur à base de récup, ajoute Maxime. On a même aidé à créer deux Fruit Collect en France, à Nantes et à Grenoble. Mais si on veut être stables, il faut être 4 ou 5 salariés, on va continuer de lever des fonds pour ça. Et la prochaine étape, c’est de trouver un hangar pour installer toutes nos activités.
Goûter au fruit détendu
Ce n’est pas la matière première qui risque de manquer : Toute personne qui a des arbres fruitiers en a trop, assure Maxime. Un pommier donne trois fois plus que ce qu’une personne consomme en un an, et ça va jusqu’à 80 pour la noix ! Dans la propriété précédente on a pris 30 kilos, le proprio va se dire qu’on est pas venu ! Sophie et Marco, eux, assistent à l’allègement de leur cerisier avec un air satisfait. Tous les ans, je dis aux copains : « vous montez une heure et demi dans l’arbre et vous avez des kilos », raconte Marco. Mais personne ne vient. Chaque année ça me désespère… Et on a trois autres cerisiers ! Tout en servant une bière fraîche aux bénévoles, Sophie explique : J’ai connu Fruit Collect sur la Première, dont je suis auditrice. J’ai trouvé ça sympa et j’en ai parlé à mon mari. Le rendez-vous est déjà pris pour l’an prochain.
La cueillette, c'est un retour aux sources.
Christina et Laura, dont c’est la première cueillette, se prennent en photo avec les cagettes pleines avant de charger la camionnette. Un appareil jetable fixe leur sourire devant le majestueux cerisier. La plupart des bénévoles de Fruit Collect sont des jeunes urbains en recherche d’un moment de connexion avec la nature. Toutes les personnes qui viennent me disent que ça les met dans le moment présent, dans le calme, explique Maxime. En semaine on a beaucoup de gens qui réfléchissent sur leur vie, l’an dernier on a eu un jeune qui venait de faire un burn-out. C’est un retour aux sources. Moi-même, le jour où j’ai mis les mains dans la terre, tout a changé. Un discret nuage passe cependant sur le visage du jeune homme : Enfin, pour moi, vu que l’association grandit, il y a moins de temps de plaisir. Hier j’avais encore réunion jusqu’à minuit…
Café-cerises
La distribution du jour se fait à Louvain-la-Neuve, dans un centre pour adultes handicapés mentaux. Les fruits rouges, on les donne direct, explique Maxime. Ils se gâtent trop vite pour être transformés. La nature est quand même bien faite : ce sont aussi les plus chers, et les publics précarisés n’y ont jamais accès. La camionnette se gare devant la Serpentine à l’heure du goûter, le moment idéal pour apporter une énorme cagette de cerises aux résidents attablés devant un café. Quelques-uns se lèvent pour accueillir les bénévoles, proposer une boisson chaude, ou juste tendre la main ; Benoît insiste pour faire visiter sa chambre à Laura et Christina. C’est ce qui intéresse les bénéficiaires : rencontrer des gens, explique Gregory de Wilde, le directeur.
Les liens avec les résidents se resserrent petit à petit, comme en témoigne les trois arbres fruitiers donnés par Fruit Collect et plantés à la Serpentine. On fait deux ateliers cuisine par an pour les habituer à la transformation, pour les aider à augmenter la durée de vie de chaque fruit, raconte Maxime, dont le rêve est de fournir aux six associations partenaires leur consommation de fruits sur l’année. Quitte à emmener les bénéficiaires en récolte ? Maxime le propose à une dame assise en face de lui, le café dans une main, une paire de cerises dans l’autre. Son regard s’allume. L’idée est semée.
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Toute activité qui évite le gaspillage et qui donne sens à la vie de bénévoles et de quelques salariés tout en apportant du bien être à ceux qui en manque est à applaudir et soutenir. Bravo.