En Île-de-France, une famille de passionnés fait vivre depuis 30 ans une ferme à lombrics. En vers et contre tout.
Catherine Chevalier passe la main dans son compost, puis nous montre fièrement les petits grains noirs et légers qui coulent doucement entre ses doigts. C’est un véritable or noir, fruit de trente ans de recherche et de travail dans cette ferme familiale installée à Cléry-en-Vexin, dans le Val d’Oise, à une cinquantaine de kms de Paris. Né de la digestion de fumier de vache par des vers, ce lombricompost a nourri depuis 1986 les plantes et plates-bandes de centaines de particuliers et d’agriculteurs et même ceux de l’Elysée.
Tout est parti de l’émission de télé Ambitions, animée par Bernard Tapie dans les années 1980, qui présentait des business nouveaux et encourageait les Français à créer leur entreprise. Catherine se souvient que c’est ainsi que ses parents ont entendu parler des fermes lombricoles américaines. Bernard Chevalier, le père de Catherine aujourd’hui âgé de 87 ans, cherchait à l’époque une solution pour sauver l’exploitation bovine familiale. Il se passionne alors pour le lombricompost et travaille « jours et nuits » avec son épouse sur le sujet.
Aujourd'hui, il ne reste qu'une dizaine de fermes de ce type dans tout le pays.
Comme lui, plusieurs milliers de personnes vont tenter de lancer leur ferme lombricole en France. La plupart ont aujourd’hui fermé, il ne reste qu’une dizaine de fermes de ce type dans tout le pays. « C’est un secteur très difficile. Il a d’abord fallu travailler plusieurs années sans revenu avant de produire un lombricompost commercialisable. Et ensuite, il a fallu convaincre des clients, alors que personne ne connaissait le produit et que tout le monde adorait les solutions chimiques », détaille Catherine Chevalier qui a repris l’exploitation depuis quelques mois.
Dans le ventre des vaches
Pour fabriquer le lombricompost, tout commence dans les quatre estomacs de la trentaine de vaches de l’exploitation. Ces bovins produisent la matière première, à savoir plusieurs centaines de tonnes de fumier par an. Le fumier va être lentement décomposé, en étant disposé pendant environ un an dans des rangs de 100 mètres de long où l’on trouve jusqu’à 40 000 vers de type Eisenia foetida par mètre carré, soit plusieurs centaines de millions sur la ferme ! Des bâches protègent les lombrics des oiseaux, tandis que des grillages les séparent des taupes et autres rongeurs. Le produit final, très humide, est pour finir séché à l’air libre avant d’être ensaché et envoyé dans toute la France sous la marque Fertisol.
Catherine l’assure, le produit fini est bien meilleur que du compost : « En traversant le tube digestif du lombric, la matière organique s’enrichit d’une flore microbienne et favorise la fabrication de phytohormones ». Il surpasse même largement le lombricompost classique : « Le lombricompost issu de déchets végétaux de cuisine contient 10 à 15 % de matière organique, le nôtre qui est issu de fumier en contient 45 à 55 %. Nous avons mené plusieurs études qui montrent que notre lombricompost augmente rapidement la croissance des plantes mais, en plus, aide les plantes à se renforcer et à lutter contre certaines maladies ».
En traversant le tube digestif du lombric, la matière organique s'enrichit d'une flore microbienne et favorise la fabrication de phytohormones.
Les principaux clients sont des collectivités, notamment d’Île-de-France et des agriculteurs, souvent vignerons. De plus en en plus de particuliers font aussi des commandes groupées de compost ou viennent à la « nurserie » de la ferme, ces grands bacs de reproduction de vers destinés à démarrer des lombricomposts personnels. Catherine le reconnaît, vendre des lombrics ne suffit pas à faire tourner l’exploitation. Pour diversifier son activité, la ferme vend donc au printemps des semis et plants nourris au lombricompost.
Et elle croit à l’avenir de sa solution grâce à l’engouement en France pour l’agriculture et le jardinage naturels : « Mes parents ont essayé d’expliquer pendant des années que leur produit est aussi efficace que le chimique mais qu’en plus, il est inoffensif pour l’homme comme pour les plantes. Il ne brûle pas, son PH est neutre donc on peut le mettre directement sur la plante, c’est un gros avantage. Pendant longtemps, beaucoup de gens ne les écoutaient pas. Aujourd’hui, les gens font très attention à ces questions, mes clients me le disent, surtout les jeunes, ça nous donne confiance ».
La lombriculture et le lombricompostage sont des outils de l’agroécologie qui ont un potentiel extrêmement intéressant dans l’optique de revitaliser les sols agricoles grâce à la valorisation des fumiers et autres biodéchets.
Parmi les acteurs de la lombriculture engagés dans ce sens, Terrestris mène une activité de lombriculture et lombricompostage en région lyonnaise. (https://www.terrestris.fr/compost-a-lyon/)
L’action des vers de compost permet de recycler et valoriser les biodéchets urbains (issus des restaurants, traiteurs, épiceries, restaurants d’entreprises, cantines, etc.), ainsi transformés en (lombri) compost à Lyon.
Et cela en mode « low-tech » : pas besoin de machine complexe pour faire du compost rapidement. Les vers s’occupent de faire le travail !
Bonjour, votre article est sympathique, mais je relève une erreur : le ver de terre élevé dans cette ferme n’est pas un lombric mais un épigé.
Lombric et épigé, ce n’est pas pareil. Ils n’ont pas la même fonction dans nos sols, ne se reproduisent pas au même rythme, ne sont pas aussi nombreux sur notre planète…
Je vous invite à lire les travaux de Marcel Bouché, géodrilologue français qui a travaillé pendant plus de 40 ans à l’INRA et a établi une nomenclature très précise des lombriciens.
Pour en savoir plus sur ces bestioles, et de façon ludique, je propose un spectacle ludique très sérieux (validé par Marcel) : « Autour d’un ver ».
http://sophie-accaoui.net/spectacles
Je pense jouer la version de 70 minutes (actuellement en écriture) à la rentrée 2017, à Paris…
On se tient au jus (de compost ?!).
Sophie