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Agriculture urbaine

Le bunker comestible, l’agriculture la fleur au fusil

Dans le Nord,  les terrils se reconvertissent en terroirs viticoles. Dans l’Est, les anciennes poudrières se font fermes urbaines. Découverte du Bunker comestible à Strasbourg, premier bastion d’une nouvelle culture souterraine.

©Thomas Louapre

Comme ça sur la carte, ce n’est pas l’endroit le plus champêtre de la terre. La rue du Rempart à Strasbourg se trouve pile entre les voies ferrées et l’autoroute A35. Au numéro 8, un grand panneau de bois pyrogravé indique : Bunker comestible. Sous l’arche de pierres noircies par les années, le panneau interdiction de fumer sur la lourde porte d’acier rappelle l’époque où les Allemands venaient y cacher leur artillerie.

Depuis 2017, dans cette antre de 250 m2 sans la moindre fenêtre, Jean-Noël Gertz et Théophile Champagnat explorent un nouveau champ qui pourrait bien se répandre comme une trainée de poudre ces prochaines années : l’agriculture urbaine et souterraine. Pour les fondateurs de la start-up Cycloponics, il s’agit ici de vérifier les hypothèses de leur modèle avant de pouvoir l’exporter partout ailleurs. À savoir : dans un espace confiné où il est facile de contrôler la température et l’hygrométrie, un certain nombre de plantes devraient pouvoir pousser. Pour étayer leur postulat, les deux pas-encore-trentenaires choisissent des légumes qui aiment le noir : endives et champignons. Et pour diversifier leur gamme, ajoutent des micro-pousses qui s’épanouissent sous des Leds de toutes les couleurs.

©Thomas Louapre

Dans le bunker d’abord squatté puis officiellement mis à disposition (une convention d’occupation de quinze ans a été signée avec la Mairie), l’espace est bien rationalisé. Le rez-de-chaussée baigne dans une lumière rose fluo où, sur des étagères grillagées, des micropousses pointent leur nez. On teste aussi d’autres cultures comme la physalis, l’estragon, la sarriette et même des fleurs comestibles, explique Anne-Laure Labrune qui, avec Raphaël Maret, comptent parmi les premiers agriculteurs souterrains.

Ici, les armes de culture se résument à des Leds, des vaporisateurs, des ventilateurs et des radiateurs domestiques. 

Dans une chambre secrète au fond à droite, les endives dont les racines proviennent d’un agriculteur du coin sont mises à forcer. Ça marche mieux que la culture de salades que nous avions testée sur des collerettes de chanvre, confie Raphaël. Elles mettaient plus de trois mois à pousser et étaient toutes petites. Avec les endives, ça va vite, le forçage ne dure que trois semaines. Après tu peux récolter.

©Thomas Louapre

Champignons trop canons

Pour poursuivre la visite, il faut prendre un escalier de bois, soulever une trappe et arriver sur la mezzanine réalisée par la bande de copains de Jean-Noël et Théophile, véritable repaire des pleurotes. Sur de grosses briques faites d’un savant mélange de paille, de son de blé et de bois, le tout recouvert d’une bâche de plastique noire (ces bottes viennent d’un fournisseur bio breton), trois semaines sont nécessaires avant de pouvoir récolter la première volée. Les pleurotes ont des besoins spécifiques, explique Anne-Laure. Il leur faut 19° C et 70 % d’humidité. Pour les shiitakés, il faut encore davantage d’humidité (90 %) et un petit degré supplémentaire, c’est pourquoi l’espace des cèpes japonais est un peu plus loin, derrière une bâche faisant office de cloison.

©Thomas Louapre

Après quelques mois de production, le Bunker sort près de 200 kilos des légumes bio par semaine que Raphaël et Anne-Laure vendent en circuit court à bicyclette. Les médias se ruent sur cette nouveauté agricole, les restaurateurs plébiscitent les pleurotes, les particuliers adorent l’idée de recycler aussi bien le marc de café que les vieux bâtiments. Mais surtout, ce premier espace expérimental a donné aux deux cofondateurs de Cycloponics l’élan pour poursuivre leur idée de départ : récupérer les espaces souterrains en centre-ville pour les cultiver.

Nous nous inscrivons dans une démarche locale de production, où nous nous efforcerons d'améliorer constamment notre bilan environnemental.

Depuis, les deux passionnés ont posé leurs sacs et leurs bacs porte de la Chapelle, à Paris. Dans un ancien parking, longtemps squatté, ils aménagent les box de voiture en espaces de culture. Nous nous inscrivons dans une démarche locale de production, où nous nous efforcerons d’améliorer constamment notre bilan environnemental, explique Théophile. Notre démarche est aussi sociale puisque notre ferme urbaine se situe sous une barre d’immeuble de 350 HLM. Nous comptons travailler un maximum avec cette communauté locale.

©Thomas Louapre

Aujourd’hui, au deuxième sous-sol, toute plante aimant le noir, la froidure et l’humidité est la bienvenue. En 2018, on y trouve des champignons, des endives et des micropousses. Demain ? L’équipe se prend à rêver de fromages à affiner… Et pourquoi pas ?

6 commentaires

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  1. Ton commentaire me fait très plaisir et tu as raison avec une poêlée de pleurotes ça se marierait à merveille ! Bisous et bon dimanche à toi

  2. Bonjour
    Au moins on utilise des espaces laissés à l’abandon.
    Y-a-t’il la possibilité de visité pour le grand public et quel seraient les horaires?
    Merci par avance de vos nouvelles

  3. Nous sommes agriculteurs et nous mêmes nous intéressons à ce type de culture pour nous diversifier. Et pour le moment il faut dire que nous ne comprenons pas comment ce modèle est possible: comment se règle la question de salubrité de l’eau, l’évacuation des eaux? la lutte contre les nuisibles (rongeurs/ insectes?? ) On ne nous parle pas des normes d’hygiène qu’imposent les règlementations françaises et européennes. Comment les services de la DDPP accompagnent ce genre de projet à moins qu’il y ait des différences entre régions ? Bref de jolies photos, de beaux propos, encore faudrait-il gratter un peu plus encore-Merci

  4. Bonjour,

    Le coût environnementale ( éclairage avec les led, chauffages domestiques…) n’est t’il pas plus élevé qu’en agriculture bio en plein champs?

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