fbpx

Poires complètement tapées

Ils sont fous ces Tourangeaux ! Au cœur de la Touraine rabelaisienne, à Rivarennes plus exactement, Christine et Sébastien nous ouvrent les portes de leur cave troglodyte sur lesquelles est écrit : poires tapées à l’ancienne.

Photos : Thomas Louapre

Dans leur antre, ils transforment des poires fraîches en poires séchées comme au XIXe siècle. Nous ne sommes pas les premiers visiteurs, ça fait vingt-deux ans que Christine accueille les curieux dans sa Maison Herin.

L’histoire des poires tapées commence au Moyen Âge, quand il fallait conserver les surplus de production. Ici, on conserve les traditions. Des claies en bois sont disposées dans l’un des trois fours à pain de la Maison Herin. Les poires y sèchent doucement depuis la veille. Nous avons l’impression de faire un bond dans le temps, chaque geste, chaque son, chaque odeur font résonner le passé de cette pratique ancestrale.

Les poires étant mûres à l’automne, il fait trop humide pour qu’elles sèchent au soleil. En ce mois de novembre, Sébastien démarre un nouveau feu. La température du four va monter jusqu’à 350 °C. Ici, comme avant, on pratique le séchage des fruits dans des fours à pain même si une partie de la production se fait désormais dans un séchoir électrique.

Pendant que le four chauffe, Sébastien va retourner une à une les poires. Le séchage dans le four peut durer de quatre à cinq jours suivant le taux d’humidité. La fabrication des poires tapées se déroule de septembre à mars. Les poires de moins longue conservation comme la poire William ouvrent le bal. Au mois de novembre, c’est la période des poires Comice.

C’est jusqu’à huit variétés différentes que peut transformer l’entreprise familiale en poires tapées : William, Curée, Comice, Conférence, Beurré Hardy… La Maison Herin est la seule à utiliser différentes variétés de poires, les autres fabricants privilégient principalement la comice. Après avoir goûté, nous devons l’avouer, il est difficile d’en trouver une meilleure que les autres…

Voilà Christine. En 1991, elle arrive ici avec son mari. Ils achètent une maison de tuffeau sur le hameau de Quinçay. Derrière des murs de végétation, ils découvrent des troglodytes en ruine avec un four à pain. L’heureuse découverte les pousse en 1995, à relancer la production de poires tapées à Rivarennes. Pas facile pour ces Bretons d’origine de se faire accepter en pleine campagne tourangelle, mais à force de persévérance, ils y parviendront.

Aujourd’hui, Christine continue à diriger avec beaucoup de bienveillance et d’ardeur la Maison Herin, malgré le décès de son époux il y a six ans. Elle a créé trois emplois, dont celui de sa fille Coraline. Des petites mains nécessaires notamment pour la phase la plus fastidieuse de cette production : l’épluchage des poires ! Même si cette belle éplucheuse électrique fait le plus gros du travail, il faudra ensuite finir à la main pour qu’il ne reste aucune trace de peau qui dénaturerait le bon goût de la poire tapée.

Coraline emmène au fur et à mesure les poires dans le séchoir électrique. Les journées sont bien remplies et on ne chôme pas à la Maison Herin, chaque salarié connaît toutes les étapes de cette préparation.

Le moment le plus attendu est arrivé, Sébastien nous montre comment on « tape » les poires. Les poires sont maintenues au chaud avant d’être aplaties dans le platissoire. Cet instrument est assez récent. Autrefois, on aplatissait le fruit avec les pouces. Les poires doivent être vidées de leur air. C’est l’un des plus anciens modes de conservation au monde.

L’entreprise possède un laboratoire pour la transformation et a énormément diversifié sa gamme. Dix-sept références existent, de la poire tapée en sachet à la terrine de canard à base de poire tapée en passant par la boisson apéritive à l’eau de vie maison de poire William et au caramel de poire tapée. Il y a aussi toute une gamme de poires réhydratées dans des sirops de vin. Sébastien nous présente toutes ces recettes qui se marient avec le gibier, le foie gras, le poisson, le saint-maure-de-touraine… On commence à avoir très faim !

En 2013, 3 hectares de poiriers vieux de quarante ans d’un verger voisin sont en vente. Pour sauvegarder cette culture, une seule solution s’offre à Christine : racheter le verger. Sans expérience, la voilà alors arboricultrice, puis Sébastien la rejoindra. Depuis deux ans, le verger est en reconversion bio quand la plupart des vergers de poiriers du coin ont été arrachés.

Chaque année ici, ce sont 22 tonnes de poires qui sont transformées, soit environ 1 tonne par semaine. La spécialité connaît son apogée au XIXe siècle lorsque le phylloxéra décime les ceps de vigne. Près de 60 fours sont alors en action et tout le plateau vit de cette activité. Dans les années 1930, la production va s’arrêter, la vigne se réinstalle, on trouve de nouveaux moyens de conservation plus rapides…

Après cinquante ans sans production, le musée de la poire tapée est créé à Rivarennes pendant que la maison Herin relance la production. Aujourd’hui, devant l’engouement des grands chefs et des touristes, bonne nouvelle : elle ne compte plus s’arrêter. 

 

Non classé

13 commentaires

Close

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Dans la même région il existe les pommes tapées à Turquant. La jeune femme a aussi sauvé un savoir faire qui serait perdu sans elle. Allez visiter ! ?

  2. Bonjour , serait -il possible d’avoir les coordonnées de ces personnes qui nous font saliver avec les poires tapées .
    pour pouvoir passer commandes . merci a tous

  3. Bonjour, je voudrais faire des poires tapées dans mon four . Pouvez-vous m’indiquer le mode d’emploi svp merci .

  4. Magnifique. Merci de nous faire connaître tous ces producteurs exceptionnels. Ils peuvent être fiers de leur métier dans une France qui regorge de variétés de fruits, de légumes et de plantes. Je soutiens en leur achetant leurs produits et en tournant le dos à la transformation industrielle.

    1. Erreur ! : cliquer sur  » Maison Herin. » et vous verrez que ces courageux font du BIO !

  5. Félicitation au travail d’exception extraordinaire !
    J’adore les poires je hâte de leur découvrir pour pouvoir parler des ses uniques poires travailler avec passion… Merci!

  6. Mais où peut on acheter, gouter et faire gouter ces poires ? Quand on habite loin de la Bretagne? Merci. J’adore votre lettre riche et étonnante. Merci de tous ces articles dont celui ci

    1. Bonjour,
      Ces poires ne sont pas en Bretagne : la Touraine est en région Centre-Val de Loire.
      Cordialement

  7. c’est très bon, il existe également la pomme tapée à Turquant dans le Maine et Loire village troglodyte près de Saumur, également à visiter.

Recevoir le magazine

1 newsletter par quinzaine.
No pubs, Pas de partage de donnée personnelle

Oui ?

Recevoir le magazine

1 newsletter par quinzaine.
No pubs, Pas de partage de donnée personnelle