Depuis une dizaine d’années, plusieurs éleveurs basques et béarnais se sont réunis au sein d’une coopérative pour cultiver le tournesol et le colza. Avec un peu d’huile de coude, c’est la leur qu’ils produisent localement ainsi que du tourteau pour les animaux de leurs troupeaux.
Onze, c’est pas trop mal, lance Jean-Jacques, testeur à la main, en descendant de la remorque remplie des graines de tournesol qui viennent d’y être déposées. Onze, c’est le taux d’humidité des graines, qui ne doit pas être trop élevé pour que l’on puisse ensuite les trier, les presser, et en faire ainsi de l’huile ou du tourteau de qualité.
À quelques mètres de là, la moissonneuse-batteuse en est à ses derniers allers-retours sur le champ jusqu’alors recouvert de tournesols. Encore quelques mètres de fleurs à couper, de tiges à recracher et de graines à récupérer. Celles qui ornent habituellement le centre de ces belles fleurs jaunes. Plutôt noirs que jaunes en début d’automne, les tournesols ont perdu un peu de leur superbe. C’est à cette période, autour de fin septembre, qu’il faut les récolter. Ce sera la seule récolte de l’année, comme le blé, le maïs ou les céréales que l’on ne récolte qu’une fois par an, explique l’agriculteur.
Tourteau paysan pour autonomie locale
Jean-Jacques Prebende est éleveur de bovins à Gabat, dans les Pyrénées-Atlantiques, depuis de nombreuses années. L’un de ceux à avoir planté les premiers tournesols du Pays basque. En 2006, on était seulement quatre ou cinq à vouloir essayer. On ne savait pas si cette culture marcherait bien dans la région, qui est assez humide. Pari gagnant, les tournesols se comportent très bien malgré l’excès d’humidité, explique-t-il. Aujourd’hui, 2,5 hectares de son exploitation leur sont dédiés.
Cette année-là, Euskal Herriko Laborantza Gambara (EHLG), une association basque qui soutient et contribue au développement d’une agriculture paysanne et durable sur le territoire, avait lancé une expérimentation sur la culture du tournesol et du colza. L’acquisition d’une première machine a permis aux agriculteurs de presser les graines récoltées et produire leur propre tourteau paysan afin de nourrir leurs vaches ou brebis. L’objectif était de faire en sorte que les exploitations soient en mesure de produire leurs propres protéines pour les élevages. C’était pour que l’on puisse être plus autonomes et ne pas dépendre des tourteaux au soja que l’on achetait jusqu’alors. Le soja venait très souvent des pays d’Amérique du Sud et on ne pouvait pas nous garantir qu’il était sans OGM, raconte Jean-Jacques.
Carburer à l’huile locale
Depuis, d’autres agriculteurs se sont ralliés à l’expérimentation. Entre 15 et 20 éleveurs sèment aujourd’hui tournesols et colza dans les champs basques ou béarnais des alentours. Ils sont regroupés au sein de la coopérative Nouste Ekilili, créée en 2009, au moment où les premiers de ces cultivateurs ont commencé à commercialiser l’huile issue de leurs récoltes. Elle était utilisée jusqu’alors par les producteurs eux-mêmes comme carburant pour les tracteurs, en la mélangeant à 30 ou 50 %, sans modification des moteurs. L’huile végétale a d’abord été vendue, dans le cadre de deux projets soutenus par les institutions locales ou européennes, auprès du syndicat de ramassage des ordures de Saint-Pée-sur-Nivelle pour leurs bennes à ordures et à deux bateaux de pêche de Ciboure qui ont carburé pendant plusieurs années en partie à l’huile de colza et à l’huile de tournesol locale.
Contrairement aux huiles qu’on achète sur le commerce qui sont souvent désodorisées, on retrouve vraiment le goût de l’huile.
L’huile au bon goût
Puis, rapidement, il a été question de fabriquer de l’huile alimentaire. Dès 2009, en prospectant, on a vu que cette huile plaisait beaucoup, car contrairement aux huiles qu’on achète sur le commerce qui sont souvent désodorisées, on retrouve vraiment le goût de l’huile, explique Jean-Jacques. Depuis, la coopérative, dont il est le président, vend de l’huile dans la région, à des magasins de producteurs, des particuliers, des restaurateurs et des cantines scolaires. La formation d’une coopérative a permis cette commercialisation mais aussi la mise en commun de matériel et de moyens. L’une des deux presses ainsi que la machine à embouteiller l’huile se trouvent chez Jean-Jacques, à Gabat. Chacun trie et presse sa récolte, puis on s’organise en équipes pour embouteiller, préparer les bidons ou vendre la production, explique-t-il.
Année après année, depuis 2009, on est en progression. Aujourd’hui, on vend entre 20 000 et 25 000 litres d’huile alimentaire par an, se réjouit le producteur. De l’huile de tournesol et de colza conventionnelle, mais aussi de l’huile bio, l’un des agriculteurs étant passé à la bio depuis ce début d’année, et deux autres étant en conversion. Pour les autres huiles commercialisées, la qualité est aussi là. Le cahier des charges de la coopération est strict, explique Jean-Jacques. Pas de glyphosate, pas de néonicotinoïdes, pas de pesticides, un seul traitement herbicide toléré. Prochaine étape : le développement de la vente en vrac, que Nouste Ekilili a commencé à proposer à certains clients. De quoi limiter encore l’impact carbone de cette huile 100 % locale !
C’est vraiment encourageant de savoir qu’ en relocalisant on crée de la richesse localement, du dynamisme et de l’optimisme.
On démarre un cercle vertueux car en supprimant les achats des produits toxiques (soja ogm …), on va ralentir le processus de cette mondialisation.