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Laudato si : du pain bénit pour la COP21

Viendra, viendra pas, viendra, viendra pas…. Finalement, «  il  » n’est pas venu. Mais c’est quand même la vedette américaine de cette COP21. Lui, c’est le Pape François, évêque de Rome et leader d’un bon milliard de catholiques. Et c’est pour lui que ces derniers mois le ministre de l’intérieur de notre très laïque république a passé son temps à aller à la messe, à Rome. Il a tenté, en vain, de faire venir le Pape François à Paris, pour l’ouverture des négociations. La COP 21 valait-elle une messe  ?

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C’est que depuis sa publication en juin dernier, «  Laudato Si  », l’encyclique écolo du Pape fait l’actu et se vend comme des petits pains (alors qu’elle est en même temps diffusée gratuitement sur le web). Et le concert de louanges est quasi unanime. Du côté des écolos français, notamment. Toutes chapelles confondues. Edgar Morin estime que l’encyclique «  est un appel pour une nouvelle civilisation.  » José Bové «  espère que la parole du pape sera entendue.  »  Pierre Rahbi souhaite que ce texte «  aide l’humanité à changer de direction.  »

Nicolas Hulot, conseiller spécial de François Hollande sur les questions climatiques, trouve que «  c’est un texte inouï d’un incroyable réconfort  », et va même jusqu’à dialoguer à Notre-Dame de Paris avec l’économiste jésuite Gaël Giraud, dont on dit qu’il a inspiré la rédaction de l’encyclique. Cécile Duflot déclare à un journal jésuite qu’elle verrait bien le pape… président de la république française. Il n’y a bien qu’une poignée de conservateurs US qui trouvent que François sent le soufre. Et encore  ! Etre traité  d’«  homme le plus dangereux de la planète  » par la chaîne trash Fox News, c’est une façon de faire l’unanimité.

Encyclique, mode d’emploi. Alors d’abord, de quoi s’agit-il, qu’est-ce qu’une encyclique  ? Depuis le 18e siècle, les papes s’adressent régulièrement aux évêques du monde entier, mais aussi aux fidèles, avec des courriers assez consistants – Laudato Si est une «  lettre  » de 178 pages… – qui traitent d’un sujet d’actualité. C’est une lettre écrite à la première personne du singulier  : «  A présent, face à la détérioration globale de l’environnement, je voudrais m’adresser à chaque personne qui habite cette planète.  » Et pour une fois, ce courrier catho s’adresse explicitement à tout le monde. Pourquoi  ? Car «  le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer.  »

Saint-François d'Assise par Giotto.
Saint-François d’Assise par Giotto.

Que trouve-t-on dans ce «  courrier  »  ? Des prières et une façon bien catho d’analyser les choses, comme on peut s’y attendre. Avec un renvoi quasi systématique à l’un des «  ancêtres  » de l’écologie, Saint François d’Assise, l’ami des bêtes. Mais attention  ! Les sujets traités sont très nombreux, très techniques et ils le sont d’un point de vue scientifique. Par exemple, l’extinction des espèces, l’effondrement de la biodiversité, les conséquences sociales des changements climatiques, le climato-scepticime et le sujet de l’opinion publique, sont traités avec un mélange de rigueur «  neutre  » et d’engagement personnel. C’est que le pape, s’il a écrit ce livre à la première personne, a fait travailler plus de deux cents experts de toutes sortes  : des économistes, des climatologues, des démographes, etc. Il en a tiré sa synthèse à lui. Qu’on en juge  :

«   L’exposition aux polluants atmosphériques produit une large gamme d’effets sur la santé, en particulier des plus pauvres, en provoquant des millions de morts prématurées. Ces personnes tombent malade, par exemple, à cause de l’inhalation de niveaux élevés de fumées provenant de la combustion qu’elles utilisent pour faire la cuisine ou pour se chauffer.  A cela s’ajoute la pollution qui affecte tout le monde, due aux moyens de transport, aux fumées d l’industrie, aux dépôts de substances qui contribuent à l’acidification du sol et de l’eau, aux fertilisants, insecticides, fongicides, désherbants et produits agrochimiques toxiques en général. (…) Des centaines de millions de tonnes de déchets sont produites chaque année, dont beaucoup ne sont pas biodégradables  : des déchets domestiques et commerciaux, des déchets de démolition, des déchets cliniques, électroniques et industriels, des déchets hautement toxiques et radioactifs. »

On ne saurait être plus clair… et éloigné de tout prêchi-prêcha réservé aux bons paroissiens. A la lecture de ces extraits, on comprend mieux l’enthousiasme de la planète écolo. Ou celui des diplomates de l’ONU et du Quai d’Orsay. On se souvient aussi qu’il y soixante-dix ans, Staline se moquait du Vatican avec son fameux «  Le pape, combien de divisions  ?  ». Staline aurait mieux fait de se taire, maintenant on sait que le pape ça pèse lourd, y compris sur le plan médiatique.

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Il y a aussi quelque chose de très spécifique, à côté duquel il ne faut pas passer. En effet, une lecture rapide pourrait laisser l’impression d’un foisonnement de thèmes, d’analyses, de propositions, sur des registres très divers. En fait, pour François, tout – l’environnement et la vie spirituelle, la justice sociale et la justice climatique, la foi et la place des pauvres, etc. – est lié. Et c’est là où l’ancien évêque argentin dit à ses ouailles catholiques, et en premier lieu à celles du Nord, de ne pas passer à côté de l’essentiel  : il n’y a pas d’écologie sans solidarité  :

«  Beaucoup d’efforts pour chercher des solutions concrètes à la crise environnementale échouent souvent, non seulement à cause de l’opposition des puissants, mais aussi par manque d’intérêt de la part des autres. Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indifférence, la résignation facile ou la confiance aveugle dans des solutions techniques. Il nous faut une nouvelle solidarité universelle.  »

Tout à fait emballé par ces déclarations, nous avons appelé la nonciature apostolique (l’ambassade du Vatican) à Paris, afin de savoir si la papamobile roulait au colza – et surtout si l’Etat pontifical envisageait une sérieuse transition écologique pour se mettre au diapason. Hélas, hélas… nous avons eu en retour une belle leçon de langue de bois. Décidément, le diable se cache dans les détails…  

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Pour télécharger gratuitement l’encyclique sur le site web du Vatican, c’est ici .

 

12 commentaires

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  1. Encore un article avec encore moins de valeur ajoutée sur le Laudato Si que la Laudato Si sur l’écologie.

    Le Laudato Si peut se voir comme une forme de prosélytisme, le pape essayant de mettre l’église du bon côté de l’histoire maintenant que la civilisation vacille sous les coups de la crise écologique… exactement comme cet article : aucune valeur ajoutée, juste un bruit convenu et bien-pensant, afin de se convaincre d’être positionné du bon côté lui-aussi.

  2. Le Pape n’est pas venu en personne à la COP21 mais il y a envoyé son « Premier ministre », Mgr Parolin :
    http://www.eglise.catholique.fr/actualites/dossiers/cop21/410854-intervention-du-saint-siege-a-la-cop21/

    De plus, le Vatican a équipé ses toits de panneaux solaires depuis 2008 :
    http://www.actualites-news-environnement.com/18940-vatican-energies-renouvelables-panneaux-solaires.html

    Merci d’avoir parlé de cette encyclique fondamentale. Ce qu’il faut en retenir: « Tout est lié ».

    1. Merci pour votre appréciation et pour vos précisions ; c’est en effet un beau texte qui fait le lien entre l’humain, la nature et l’économique – nous sortons ainsi de la modernité cartésienne qui avait coupé l’homme de la nature. C’est une bonne chose 🙂

  3. L’embarras de la nonciature me semble douteux : le Vatican est depuis 2008 le premier et sans doute le seul Etat souverain à zéro émission de CO2, grâce à une forêt qu’il a plantée en Hongrie pour compenser ses propres émissions.

    1. Nous avons vraiment consulté la nonciature et sans à priori, je vous prie de me croire. En revanche je suis ravi de prendre connaissance de ce que vous indiquez !

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