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Parfum d'été

L’Ardèche, terre de glaces

Terre Adélice transforme les fruits de son Ardèche natale en glaces et sorbets bio. Pour les 142 parfums proposés, la moitié des matières premières est choisie chez les producteurs locaux par les salariés de l’entreprise, qui fonctionnent sans hiérarchie.

Pour compenser son activité très énergivore, Terre Adélice produit une partie de son électricité par des panneaux solaires installés sur le toit du bâtiment. © Marine Samzun

Moi c’est l’Amarena, sans réfléchir ! lance Joël, responsable pâtisserie du glacier Terre Adélice, citant spontanément son parfum préféré parmi les 142 saveurs, toutes bio. Fraise, framboise, myrtille ou châtaigne, mais aussi ail noir, lard fumé ou foin : le glacier n’a pas froid aux yeux ! Cette petite entreprise d’une trentaine de salariés localisée en plein cœur de l’Ardèche, à Saint-Sauveur-de-Montagut, a fait le pari de miser sur des produits locaux, du plus basique au plus inattendu. Et pour choisir les nouveaux parfums, tous les collaborateurs ont droit de vote : Terre Adélice est aussi une entreprise « libérée ».

À l’origine, Xavier et Bertrand Rousselle, deux frères nostalgiques des sorbets maison de leur enfance, décident de lancer leur activité de production de glaces artisanales en 1996. Ingénieurs dans l’industrie automobile et dans une coopérative agricole, les Rousselle souhaitent fuir les grandes sociétés pyramidales où ils évoluent et mettre en valeur les produits du terroir à travers une structure familiale. Le duo trouve son lieu de prédilection sur le plateau ardéchois, au plus près des producteurs laitiers et fruitiers.

Dès le début, les deux entrepreneurs veulent dynamiser le tissu économique local en privilégiant les circuits courts et en soutenant les agriculteurs de la région. Ce sont eux qui fixent leurs tarifs, affirme Jean Rey, salarié depuis 2003 devenu directeur d’usine début 2021. L’addition s’en ressent (9,56 € les 500 ml de sorbet fraise), mais ce prix, on le défend, poursuit Jean. Il s’agit de choisir quelle part on choisit d’attribuer à l’alimentation, et peut-être de consommer moins mais mieux.

La moitié de leurs matières premières proviennent ainsi de 32 producteurs implantés dans la région. Un équilibre souhaité par l’entreprise pour contrebalancer les inévitables approvisionnements en vanille, café ou encore chocolat. Nous achetons 80 % de fruits locaux pour nos besoins en fraises, framboises, pêches ou abricots, indique Emma, salariée de 23 ans en charge du lien avec les producteurs. Pour afficher leur solidarité avec les agriculteurs lors du dernier gel qui a mis en péril une partie de la récolte, le glacier préfère risquer la pénurie sur certains parfums plutôt que d’accepter des fruits de Turquie. C’est aussi un pari sur l’avenir, soutient le directeur d’usine, nous privilégions le développement du réseau actuel, quitte à accepter des aléas temporaires.

Lauriane Vaujany, agricultrice ardéchoise, fournit chaque année plus d’une tonne de fraises à Terre Adélice. © Marine Samzun

C’est une chance que Terre Adélice soit installée en milieu rural : leur implantation a contribué au choix de mes surfaces de plantations, explique Lauriane Vaujany, anciennement urbaniste reconvertie dans l’agriculture. Installée depuis 2018 en Ardèche, à une vingtaine de kilomètres au nord de l’entreprise, Lauriane cultive fraises, framboises, cassis, groseilles ainsi que des plantes aromatiques sur une ferme de trois hectares.

Écoulant sa production sur des marchés et des foires, l’agricultrice a établi un partenariat durable avec le glacier : Il y a peu de débouchés ici et ça demande beaucoup d’énergie de sillonner la région pour quelques kilos de fraises : je sais que Terre Adélice me prend une grosse partie de mes volumes, ça me soulage vraiment. Le glacier organise aussi des biennales sur leur site pour que les différents producteurs se rencontrent et créent des synergies entre eux, notamment en matière de transport. C’est hyper intéressant, s’enthousiasme Lauriane, on se rejoint tous sur l’envie de soutenir l’activité locale.

Avec 70 % de teneur en fruits, les sorbets ont un goût unique, très proche de la matière première. © Terre Adélice

Entreprise libérée : salariés engagés

Ces biennales, comme quasiment tout événement dans l’entreprise (achat de machine, introduction d’un nouveau parfum de glace, embauche de nouveaux collaborateurs), sont imaginées et réalisées par les salariés eux-mêmes. Depuis 2016, Xavier et Bertrand Rousselle ont ainsi souhaité libérer leur entreprise. Le principe ? Imaginer un autre type de management où la confiance en l’autre est au cœur de la réussite, affirme Jean Rey, qui a pris la relève de Xavier, parti en retraite début 2021. On est reparti de zéro, poursuit le jeune directeur.

Concrètement : abandon de toute notion de hiérarchie, sélection des tâches permettant de faire fonctionner la structure puis repositionnement délibéré de chaque collaborateur, indépendamment de ses compétences. Chacun a ainsi choisi, en fonction de ses appétences, un ou plusieurs « rôles », de la production à l’administration en passant par des « comités » plus ponctuels en fonction des besoins, comme l’achat d’une nouvelle machine ou le recyclage des déchets.

Au début, ç’a été l’anarchie : les salariés étaient très déstabilisés et la productivité s’en est ressentie, se souvient Jean Rey. Mais c’était compréhensible : on est passé de la dépendance à l’indépendance. L’enjeu a été de faire comprendre de ne pas faire passer son intérêt personnel avant l’intérêt collectif. Désormais, si l’ensemble du comité est d’accord, je n’ai plus mon mot à dire, se félicite le directeur, dont le rôle consiste désormais à rester garant des règles établies.

Chaque salarié a plusieurs casquettes en fonction des comités auxquels il souhaite participer : salaires, gestion des conflits ou RSE. © Marine Samzun

Authenticité et développement raisonné

C’est une autre manière de travailler où la parole de chacun est prise en compte : ça crée une plus grande réactivité et une meilleure acceptation du changement, souligne Floriane, « pilote » qualité R&D et RSE au sein de Terre Adélice. La trentenaire qui n’avait jusqu’ici pas réussi à se stabiliser professionnellement évoque notamment une prise en compte plus efficace des décisions qualité par les équipes de production, associées au processus dès le départ. Cela nous donne beaucoup plus de liberté d’action, on a vraiment l’impression d’apporter notre pierre à l’édifice, conclut-elle.

Sur ces nouvelles bases, l’entreprise s’est peu à peu reconstruite, jusqu’à dépasser ses précédents résultats, sans pour autant céder sur ses valeurs fondatrices : refus de vendre dans des grandes surfaces et à l’export, et authenticité de goût des différents parfums, faire-valoir du terroir local. Quand je suis arrivée ici, le sorbet « feuilles de menthe bio » m’a complètement conquise, plaide Emma. Loin du goût chewing-gum des glaces industrielles, c’est la vraie saveur de la menthe transformée en glace. Leur secret ? 70 % de matières premières dans le produit fini, quand nos concurrents en incorporent la moitié, revendique Jean Rey. Ces saveurs intenses, qui explosent en bouche, sont aussi le fait d’un « foisonnement » plus faible que les autres glaces : Les turbines artisanales incorporent naturellement une quantité d’air peu importante : on retrouve ainsi toute la saveur du produit à la dégustation, poursuit le directeur. Parmi les derniers parfums en date : fleur de sureau, haricot rouge, agastache ou hibiscus.

Un à deux nouveaux parfums sont introduits dans la gamme chaque année sur proposition des collaborateurs ou de restaurateurs partenaires. © Terre Adélice

Distribués initialement dans la région Auvergne-Rhône Alpes (le glacier dispose de deux salons à Lyon et Grenoble) et auprès de restaurateurs des environs, les glaces et sorbets Terre Adélice sont désormais disponibles dans tous les magasins bio de France. Et un nouveau salon glacier ouvrira courant juin sur le site même de l’usine, à Saint-Sauveur-de-Montagut.

Un commentaire

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  1. Ardéchoise, je connais bien les glaces Terre Adelice.
    Votre article est élogieux mais totalement mérité.
    Leurs glaces sont merveilleuses !

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