Pour sa troisième édition, le Refugee Food Festival parcourt l’Europe. De Paris à Rome, les cuisines s’ouvrent aux réfugiés pour un menu exceptionnel au savoureux goût de rencontre et de solidarité.
L’an dernier, les Parisiens étaient invités à déguster, dans huit restaurants de la capitale, un menu éphémère concocté par des cuisiniers réfugiés. L’enthousiasme fut tel que, après une édition Strasbourgeoise à Noël dernier, ce Refugee Food Festival aussi gourmand que citoyen remet le couvert, cette fois dans toute l’Europe. On a été contactés par plein de gens de différents pays, raconte Louis Martin, cocréateur, avec Marine Mandrila, du projet – par ailleurs soutenu par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Alors on a monté un kit méthodologique pour que chacun puisse organiser son Refugee Food Festival, avec notre accompagnement.
Quand on coupe des carottes ensemble, il n’y a plus de sexe, plus d’âge, plus de différences socio-professionnelles.
Cuisine sans frontière
Et ce sont cette fois quatre-vingt-quatre restaurateurs de treize villes européennes qui, du 15 au 29 juin, ouvrent les portes de leur cuisine à leurs confrères venus de Syrie, d’Afghanistan, d’Inde, de Géorgie ou d’Iran. Le temps d’une journée, les clients découvrent les délicates saveurs d’un ailleurs méconnu, fruit d’une collaboration à quatre mains ou d’une carte blanche de l’invité. Et si une langue commune fait parfois défaut, la cuisine a la vertu d’être universelle, résume Louis Martin. Elle connecte ensemble des gens qui ne se comprennent pas et n’ont pas les mêmes références culturelles. Quand on coupe des carottes ensemble, il n’y a plus de sexe, plus d’âge, plus de différences socio-professionnelles. L’initiative excite les papilles des clients, elle stimule aussi parfois les chefs français. D’un point de vue culinaire, c’est très intéressant de voir les différentes méthodes de travail. Par exemple, Stéphane Jégo, chef du restaurant l’Ami Jean à Paris, a appris à travailler le cumin et l’utilise beaucoup plus depuis sa participation au festival…
Crêpes du monde
Surtout, l’événement vient réveiller les consciences et rappeler que les réfugiés ne sont pas une masse compacte déferlant sur l’Europe, mais des individus qui ont un métier, une histoire, des compétences, continue Louis Martin. Entre autres idées reçues que le festival vient briser : la crainte de l’illégalité, quand le statut de réfugié confère pourtant à son détenteur le droit de travailler comme n’importe quel citoyen.
À la tête de la crêperie Lulu la Nantaise, Hervé Rigaud a saisi l’opportunité. J’ai eu vent du festival l’an dernier. Cela faisait quelque temps que j’étais hanté par le problème des réfugiés, je me demandais ce que je pouvais faire. Quand j’ai su qu’il reprenait cette année, j’ai contacté les organisateurs. Ce 16 juin, il a donc confié la conception du menu à Nitharshini, débarquée en France un an et demi plus tôt.
My food is good !
Si la majorité des réfugiés participant au festival se révèlent être des chefs confirmés, certains sont encore des amateurs projetant de faire de la cuisine un moyen d’intégration dans leur pays d’accueil. C’est le cas de cette jeune sri-lankaise, qui s’inspire des plats de sa mère pour développer un savoir-faire travaillé durant ses neuf années passées en Malaisie. Elle vit ce soir-là sa première expérience dans un restaurant, soutenue par le second de Hervé Rigaud, Teepan – un réfugié sri-lankais, lui aussi. Le restaurant, comme tous ceux qui sont partenaires de l’opération, affiche complet ; les plats – des crêpes indiennes et bretonnes, histoire de rester dans l’esprit de Lulu la Nantaise – s’alignent sur le comptoir. Mais Nitharshini, dont le mari vient enfin de la rejoindre après plusieurs années de séparation géographique, est confiante. My food is good !, défend celle qui espère pouvoir, dans un proche avenir, ouvrir sa propre pâtisserie.
Et c’est bien l’ambition première du festival. Il s’agit de leur permettre d’accéder à un réseau, affirme Louis Martin. La restauration recrute beaucoup par bouche-à-oreille, on demande donc aux chefs de recommander la personne avec laquelle ils ont travaillé. C’est très important qu’ils adhèrent aux valeurs du projet, s’engagent et assurent un réel accompagnement derrière. Une évidence pour Hervé Rigaud. Bien sûr, on va rester en contact avec Nitharshini. À partir du moment où j’ai mis un pied dans ce festival, je suis. Ouvrir sa cuisine à des réfugiés, ça fait sens pour moi car Paris est une ville très cosmopolite et ce sont généralement des étrangers qui sont aux fourneaux – et dans des conditions pas toujours très respectueuses.
Intégration
Au sein de leur association Food Sweet Food, Louis Martin et Marine Mandrila travaillent d’ailleurs à mettre en place un suivi des réfugiés recrutés dans le cadre du festival – notamment via une plateforme encore en développement, facilitant leur mise en relation avec les restaurateurs intéressés. Plusieurs d’entre eux ont vu, à l’issue de la première édition, des opportunités se présenter à eux grâce à ce joli coup de projecteur. Certains travaillent chez des traiteurs, d’autres sur des événements ponctuels, résume Louis Martin. Le contrat n’est pas toujours au bout du chemin – et pas toujours à la hauteur des espoirs des réfugiés, qui se voient parfois proposer des postes en-deçà de leurs compétences. Mais l’expérience et la visibilité offertes permettent un premier grand pas vers l’intégration professionnelle et le nouveau départ. Avec, en face, un regard peut-être plus bienveillant et moins misérabiliste posé sur ceux qui, après avoir fui les persécutions, n’aspirent plus qu’à une vie paisible dans leur pays d’adoption.
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Le Refugee Food Festival 2017
Paris : du 16 au 23 juin
Lyon : du 15 au 18 juin
Bordeaux : du 20 au 25 juin (pique-nique gratuit participatif le dernier jour)
Marseille : du 17 au 23 juin
Lille : du 25 au 29 juin
Athènes : du 18 au 22 juin
Florence : du 26 au 30 juin
Madrid : du 19 au 25 juin
Bruxelles : du 20 au 25 juin
Amsterdam : du 18 au 21 juin
Milan : les 16 et 20 juin
Bari : le 18 juin
Rome : le 20 juin
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