A Paris, l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement est devenu en quelques semaines un véritable quartier et un modèle en matière d’insertion sociale et d’agriculture urbaine. Visite.
Des poules, des étudiants qui plantent des fraisiers, un cardon immense, des bénévoles qui coupent du bois et montent un camping. Voilà ce qu’on peut croiser pêle-mêle dans cet ancien hôpital abandonné depuis 2011.
Tout a commencé en 2014, quand l’association Aurore, spécialiste de l’hébergement d’urgence est devenue gestionnaire de l’immense site (3 hectares, rien que ça). Paradoxe dans une ville qui en manque : l’espace est trop grand, l’association ne peut gérer l’ensemble seule. Elle fait appel à Yes We Camp, spécialiste de l’animation d’espaces partagés et Plateau Urbain, qui fait dans l’occupation temporaire de lieux.
Nouvelles manières d'habiter et de travailler ensemble.
Elena Manente, de l’association Yes We Camp, nous raconte : « Au début, une grande partie du site était abandonnée. Ça posait des problèmes de sécurité pour les résidents et des coûts de gestion énormes, environ un million d’euros pour tout le site. On sait qu’un bâtiment vide se dégrade très vite et que l’occupation le maintient. » Jean-Baptiste Roussat, secrétaire de Plateau Urbain complète : « Nous avons décidé de transformer cet endroit en un quartier temporaire, et d’en faire un projet sur le vivre ensemble, avec des gens de toutes les origines et dans toutes les situations qui construisent de nouvelles manière d’habiter et de travailler ensemble. »
Le quartier s’appelle Les Grands Voisins. 115 entreprises, associations et artistes sont installés. Un luthier, une fabricante de compositions florales, une start-up de « serious game » ou encore un cabinet d’architecte cohabitent avec les 600 personnes qui résident ici en hébergement d’urgence et avec les nombreuses personnes qui viennent visiter les lieux ou y passer quelques heures. Cette diversité donne au lieu une puissance de créativité et d’innovation sociale impressionnantes.
Quand on voit que dans le XVIe...
Une ressourcerie à l’entrée du village recycle une partie des matériaux du site, attire les gens du quartier et permet l’emploi de résidents. Au milieu du quartier, la Lingerie fait office de café du village et de restaurant. Ici travaille une partie des résidents dans le cadre de leur réinsertion. Jean-Baptiste Roussat nous décrit : « Tous les mercredis, on fait un couscous à prix libre, ça marche très bien, on voit à la même table des gens qui, d’habitude, sont à des années-lumière de faire des choses ensemble. »
Elena Manente poursuit : « C’est un projet associatif, avec des personnes en hébergement d’urgence, et pourtant c’est très à la mode, beaucoup de gens viennent, il y a des familles, notamment le week-end, il y a des habitués du quartier qui viennent régulièrement. Le vendredi, dans la Lingerie, il y a un club local de scrabble qui vient jouer. Pour élargir encore le public, on va créer un camping de 150 places cet été. Ça montre qu’on peut faire des projets positifs autour de l’hébergement d’urgence. Quand on voit que dans le XVIe arrondissement, il a fallu aller au Tribunal pour ouvrir un centre…. »
Des collaborations se créent naturellement. Certains donnent des cours aux résidents, d’autres proposent des balades à thème dans Paris. Le maître chocolatier installé ici a embauché une personne en hébergement d’urgence pour faire face au rush de Noël.
Florie Gaillard, responsable de la communication pour Aurore, résume : « On sait qu’on a peu de temps, donc on agit, on ajuste si besoin et on continue. À chaque fois qu’on se balade, on voit quelque chose qui a changé et souvent, ce sont des choses qu’on n’avait même pas imaginées en lançant le projet »
Moutons et aquaponie
Les nombreux projets autour de l’agriculture urbaine incarnent ce fourmillement. Des buttes de culture sont installées un peu partout, une serre à semis datant du XIXe siècle a été rénovée et des motivés testent l’aquaponie. On a vu ici des gens caresser des moutons et fabriquer des bombes de graines.
« L’agriculture urbaine est à l’image de ce qu’on aime ici, ça crée de l’enthousiasme, explique Jean-Baptiste Roussat. En plus, les résidents ont des choses à apporter sur le sujet. Je pense notamment à un homme qui a quitté le Burkina Faso parce qu’il a été exproprié, il était agriculteur. Il nous a aidé à fabriquer une butte de culture et il nous donne plein de conseils. »
Fin 2017, les travaux du nouveau quartier commenceront. Que restera-t-il des Grands Voisins ? Tous espèrent que le quartier qui sortira de terre héritera d’une partie de ce qui a été créé. Mais, surtout, que leur projet essaimera :« On invente des pratiques, on a montré que beaucoup de choses sont possibles, tout ça peut être reproduit ailleurs à Paris mais aussi dans d’autres villes, explique Elena Manente. Beaucoup de gens viennent nous voir en ce moment, ces derniers jours on a eu plusieurs visites de gens d’Amsterdam ou d’Hambourg. »
Je suis passée il y a quelques semaines pour le mobilier… mais je n’avais pas encore découvert tout le reste et je suis séduite par votre projet qui permet en effet, à de nombreuses personnes seules (ou pas d’ailleurs), de faire un pas vers les autres et découvrir ensemble cet art de vivre et de créer ensemble de nouveaux liens dans ce monde si effrayant. Merci pour les bonnes idées que vous communiquez !
Et pour finir, je suis habitante de Montrouge et c’est par mon fils habitant Agde, que j’ai eu l’info sur votre « village » dans ce quartier !!! Le monde est petit !!!
Je passerai très prochainement pour une visite de votre site ! A bientôt et merci !!!
Merci !!!