Pour prolonger les vacances, voici le récit d’une aventure les pieds dans l’eau, un week-end ensoleillé de grande marée. Une carte postale écrite les doigts encore salés et envoyée depuis la côte d’Émeraude, territoire marin aux reflets hypnotiques au nord de la Bretagne.
Vendredi, c’est jour de marché dans la petite commune bretonne de Saint-Briac, non loin du village où je passe le week-end du 15 août en famille. Ce matin, je fais quelques provisions pour la grande traversée du lendemain.
L’incontournable stand de galettes répand ses effluves de sarrasin grillé d’un bout à l’autre du marché. Dans le petit camion, crêpes et galettes sont confectionnées minute d’un geste assuré, sous l’œil des habitués qui viennent chercher selon l’humeur une beurre-sucre qui dégouline ou une traditionnelle galette saucisse dès 10 h. Nous repartons avec trois galettes fraîches sous le bras, choisissons quelques légumes d’été chez le maraîcher et attrapons un pot de fromage blanc chez les crémières venues tout droit de Normandie.
C’est dans l’estran que nous terminons nos emplettes à la recherche d’algues fraîches. Parmi les 500 espèces que nous trouvons en Bretagne, aucune n’est toxique et une douzaine sont même excellentes à cuisiner, à condition de les cueillir lorsqu’elles sont encore accrochées à leur rocher. Pour nous ce jour : de la laitue de mer au goût subtilement iodé, et quelques brins d’une algue inconnue dont la texture croquante nous a bien plu, et assaisonnera avec délice le fromage blanc dégoté sur le marché.
Côté pile : l’archipel des Ébihens
On a garni et roulé les galettes de bon matin, façonné nos petits palets, il n’y a plus qu’à se tartiner de crème solaire. Sur la plage, le soleil est au zénith et nous guettons impatients le moment où nous pourrons traverser la baie pour rejoindre à pied l’archipel des Ébihens. Du breton Enez Bihan – petite île – , le rocher principal n’est accessible qu’à marée basse depuis la pointe du Chevet. Comme nous aimons les grands défis, ma famille et moi partirons de Lancieux, quelques plages plus loin. L’occasion de prolonger la balade entre terre et mer et d’ajouter un peu de piment à l’aventure !
Aujourd’hui c’est « grande marée ». Le coefficient indique 104 et les pêcheurs de coques sont de sortie eux-aussi. Nous avançons d’un bon pas entre bancs de sable et petits filets d’eau en direction de ce chapelet d’îles qui raconte-t-on, se serait formé il y a 10 000 ans lors d’un raz-de-marée. Après avoir traversé la baie, nous mettons cap au nord. La colonie de mouettes qui nous accompagne dans ce paysage en métamorphose se régale des petits coquillages que l’eau a tout juste découverts. En à peine une heure, nous voici sur le plus grand îlot d’une superficie de 20 hectares.
Côté face : wraps de sarrasin, tartinade aux algues fraîches et palets bretons
Pas le temps de rêvasser, le temps sur l’île est compté si nous ne voulons pas nous retrouver coincés par la marée. Nous choisissons un spot à l’est, étalons nos serviettes sur le sable encore humide et sortons nos boîtes à pique-nique du sac-à-dos. Au menu, wraps revisités à la sauce bretonne, qui ne manquent pas d’intriguer nos coéquipiers de randonnée carburant au sandwich pâté.
Nos roulés marins sitôt engloutis, nous enchaînons avec le dessert : deux palets bretons par personne, des biscuits à la fois croustillants et fondants dont le nom est tiré d’un jeu populaire breton consistant à lancer des disques (les fameux palets) sur une planche en bois. Plus épais mais aussi plus beurrés (la recette originale en contiendrait 33 %) que leur grand-frère le sablé, ces gâteaux dorés ont été inventés au XVIe siècle à Pont-Aven – capitale de la biscuiterie bretonne. Nous sommes contents d’en avoir laissé le double à la maison, car voilà notre boîte déjà vide.
Un œil sur le cadran, nous empruntons après le déjeuner un chemin balisé en direction de la pointe de l’Archipel, à la queue leu leu avec les nombreux visiteurs venus ce jour explorer l’île. Longtemps exploités comme carrière de granit, les Ébihens sont aujourd’hui une réserve ornithologique où la faune et la flore sont protégées. La vue sur la côte d’Émeraude est dégagée, nous devinons Saint-Briac et le cap Fréhel au loin. Alors que nous rêvons secrètement d’avoir oublié l’heure pour passer la nuit ici et profiter d’un merveilleux coucher de soleil, nous faisons demi-tour vers Lancieux – nos sablés pur beurre laissés sur la terre ferme en guise de lot de consolation.
Palets bretons
Les ingrédients pour environ 25 palets |
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190 g de farine de blé T65 100 g de sucre en poudre 140 g de beurre demi-sel pommade 3 jaunes d'œufs 1/2 sachet de levure chimique |
Dans un grand récipient, battre les jaunes avec le sucre jusqu’à ce que le mélange blanchisse. Incorporer le beurre pommade, puis la farine et la levure.
Former un boudin avec la pâte obtenue. L’enrouler dans du papier film et placer au réfrigérateur pendant environ 2 h.
Découper le boudin de pâte en tranches épaisses et les placer dans des moules à petits muffins (pour ne pas que les palets s’étalent à la cuisson).
Cuire pendant une vingtaine de minutes à 170 °C jusqu’à ce que les palets soient dorés. Laisser refroidir sur une grille et conserver dans une boîte hermétique.
Les producteurs du menu costarmoricain
Galettes de blé noir – Les galettes richardaisiennes
Fromage blanc – La ferme de l’Isle
Légumes – La ferme de la Rigoman
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PILE / FACE est une série imaginée par Noémie Malaize pour la Ruche qui dit Oui ! Un œil sur le paysage et l’autre dans l’assiette – elle nous envoie ses cartes postales depuis les 4 coins de la France, au fil des saisons et de ses escapades gourmandes.
Prochaine expédition en Corse, avec de nouvelles surprises au menu.
Merci Noémie d’avoir réveillé en moi par ces descriptions mon envie récurrente et irrépressible de Bretagne; pour le moment je vais me contenter de faire des palets, en attendant mon prochain séjour.