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Les jardins de la mer

Sur les rivages de la presqu’île de Guérande, qu’il pleuve ou qu’il vente 250 jours par an, Valérie et Jean-Marie Pédron crapahutent dans les rochers pour récolter dulce, nori ou kombu… une dizaine d’espèces d’algues, poivrées, caramélisées, croquantes ou charnues.

Texte et photos : Julie Subiry

Voilà plus de trente ans que Valérie et Jean-Marie s’accompagnent dans la vie comme au travail, accordant leur rythme à celui des saisons et des marées. Reconvertis, ces deux enfants de l’Ouest reprennent en 2006 la saline familiale, les Jardins de la Mer.

C’est donc sur la saline de Saint-Goustan que démarre l’aventure. Les parents de Jean-Marie y avaient été pionniers de l’aquaculture dans les années 1960. Le site est un milieu préservé. Valérie aime sa nature sauvage. Pour Jean-Marie, c’est un carrefour d’idées, d’échanges, où circulent les énergies.

À marée haute, la mer remonte par l’étier pour alimenter naturellement le site en eau. Elle se déverse d’abord dans un grand bassin extérieur puis dans les petites baignoires abritées. Elle se purifie jusqu’à devenir cristalline. À tel point qu’une équipe scientifique s’intéresse de près à sa composition. Les algues bénéficient d’une véritable thalasso ! Pas étonnant qu’elles conservent ainsi qualités gustatives et nutritives !

L’algue éveille les sens ! Elle nous en met plein la vue : ses couleurs, lorsqu’elle est fraîche, sont éclatantes. Plein les oreilles aussi… Valérie adore faire bruisser les algues et deviner leurs textures : fermes, croquantes, élastiques, charnues… À force de nettoyer les algues jour après jour, la pulpe des doigts est plus sensible et repère le moindre grain de sable. Elles ont des saveurs surprenantes : notes poivrées, musquées, fumées, iodées, fruitées… Certaines se dégustent crues d’autres dévoilent leurs secrets une fois séchées.

Aussi excellentes pour la santé, elles apportent tout ce dont le corps a besoin, protéines, vitamines, minéraux. Contrairement aux coquillages, elles ne stockent pas la pollution et aucune n’est toxique. On distingue trois sortes d’algues, chacune ayant sa petite spécialité : les rouges sont riches en antioxydants, les vertes en minéraux, les brunes sont iodées. Jean-Marie et Valérie sont convaincus que c’est un des aliments du futur.

Avec pour seules armes un seau, un petit couteau ou une paire de ciseaux, la récolte se fait dans le respect du vivant. On cueille un tiers du végétal, le reste permet à la plante de se régénérer ou sert de pâture aux nombreux herbivores de l’estran. Chaque matin, c’est l’émerveillement ! Le couple ne se lasse pas des ciels bretons et des couleurs de la mer. Et face à la construction galopante du Croisic, il leur semble essentiel de préserver la biodiversité et de s’inscrire dans une démarche durable.

Tel le kombu breton, qui peut atteindre 3 mètres de long, Jean-Marie a une incroyable énergie ! Il a grandi sur la plage de Saint-Goustan. Petit, il explorait les flaques rocheuses pour observer la faune et la flore. Plus tard, il devient responsable pédagogique de l’aquarium de Saint-Malo puis directeur de l’aquarium de Lyon. L’expérience est passionnante mais la mer, ses rochers et ses flaques lui manquaient…

Valérie est touche-à-tout et passionnée. Entre danse, dessin et sciences, sa formation est éclectique. Fille des bords de mer, elle a besoin d’être au contact des éléments et de se connecter au vivant. Petite, elle pêchait avec sa grand-mère sur les plages de Saint-Nazaire et fabriquait des aquariums miniatures pour installer ses trouvailles. Plus grande, devenue médiatrice scientifique, elle découvre le goût de transmettre, qu’elle perpétue aujourd’hui en emmenant des groupes à la découverte des algues. Le message qu’elle souhaite faire passer : Le monde qui nous entoure est un tout. La pollution d’un milieu a des répercussions sur un autre. Il faut en prendre conscience pour le préserver.

Les algues en sont un maillon indispensable. Sans elles, il n’y aurait pas de vie. Les microalgues présentes dans la couche superficielle de l’océan produisent la plus grande partie de notre oxygène. Les autres offrent le gîte et le couvert à des milliers de petites bêtes. À marée haute, les animaux viennent brouter ce « champ marin », première source de nourriture pour les végétariens des bords de mer.

De retour de la cueillette, Jean-Marie se hâte de fabriquer son tartare d’algues, un des produits phares vendus au marché du Croisic. Estelle et Hélène trient et nettoient à grande eau la nouvelle récolte et préparent les colis qui doivent partir rapidement dans les restaurants étoilés.

Aux Jardins de la Mer, on prône l’union à la nature et au vivant. Valérie et Jean-Marie souhaitent que leur ferme marine soit une oasis où l’on vienne se ressourcer. Leur objectif : en faire un jour un lieu d’autonomie alimentaire grâce aux algues et plantes endémiques. Aujourd’hui déjà, ils incluent dans leurs recettes des condiments cueillis sur le domaine, comme le maceron et le fenouil sauvage.

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