Il y a quelques années, Sylvain Durey a quitté les faubourgs parisiens pour élever ses 220 brebis au fond d’un vallon du Perche. Bienvenue à la ferme du Val Primbert.
Un rayon de soleil vient tout juste d’éclairer le troupeau. Dans une herbe qu’on dirait coloriée au stabilo fluo les brebis goûtent à leur premier jour de liberté. 5 mars : la trêve de l’hiver, le retour à l’herbe. « Au début, je ne les laisse pas trop longtemps, sinon elles ont froid au ventre et aux pieds, » confie le jeune berger. Les siens ont enfilé des bottes pour nous offrir un tour du propriétaire.
Si le Larzac avait été plus près du 9e arrondissement parisien, Sylvain, la petite trentaine aurait peut-être atterri là-bas. Parigot rive droite, « j’étais au lycée à Condorcet », diplômé en animation des territoires ruraux, le beau brun atterrit à Saint-Jean-la-Forêt (dans l’Orne) en 2007 avec les copains.
« On commence associé avec des potes, on finit sans associés et sans potes. » Babacool militant à ses premières heures, Sylvain a coupé ses dreads et ajusté ses principes à la réalité du terrain. « Au début, je ne voulais aucune mécanisation. Résultat, je me suis flingué le dos. Aujourd’hui je me réjouis de tous ces outils qui rendent la vie plus facile. » Pour autant, le militant ne renonce à aucune exigence biologique.
Dans un buffet qu’on trouverait retapé aux puces du design, Sylvain nous présente sa pharmacopée : beaucoup d’huiles essentielles, des huiles végétales, des minéraux, de l’huile de foie de morue. « En bio, on a le droit à 3 interventions en allopathie, j’essaie d’abord toujours de soigner mes bêtes naturellement. » Quand il lui arrive d’avoir la crève, il suit à peu près le même traitement.
Parfaitement autonome en grain, foin et paille, ses 86 hectares de céréales (blé, tritical, épeautre, orge, avoine…) lui permettent de nourrir ses brebis lacaune, une race du Massif central particulièrement productive en lait. « En revanche, ce sont plutôt de mauvaises mères. Je sélectionne celles qui sont maternelles, sympas… »
En Aveyron, les bergers utilisent le lait de brebis pour du roquefort. Lui, réalise dans le labo de la ferme toute une gamme de petits fromages frais mais aussi des yaourts, de la brousse, de la tomme… Le tout labellisé AB. Certaines mémères comme il les appelle finiront en chipos ou en merguez, nous annonce-t-il pour froisser notre sensibilité de midinettes. « Beaucoup meurent de leur belle mort aussi. »
C’est déjà l’heure de la traite. Le border collie de la maison attend les consignes de son maître. Sylvain parle tout doucement, le chien dirige le troupeau. Tout le monde file à la salle de traite. Défilé de mamelles, les cuves s’emplissent petit à petit.
Avant de reprendre la route, on salue les bovins. « Je travaille aussi avec des vaches de races normande et montbéliarde, saillies par un taureau Angus, ce qui donne des veaux croisés. La race angus est une race à viande, peut être l’une des meilleures au monde, très persillée. »
Dernier tour du côté des agneaux (de Pâques) et nous voilà en chemin pour retrouver nos chers faubourgs parisiens.
[…] la couverture, Sylvain pose les mains sur les hanches au milieu de ses moutons avec la maladresse touchante des modèles […]