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Sois moche et vends-toi !

Parce qu’il y en a marre des tailles mannequin, parce qu’on n’en peut plus de l’uniformité, parce que les gros, les tâchés, les trop grands et les trop maigres ont aussi le droit de briller, les fruits et légumes hors norme trouvent de nouveaux débouchés pour s’inviter à notre table. Tour de France des bonnes idées qui les font grimper dans le haut du panier.

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caentine

Caen : 30 minutes chrono pour ne plus jeter. Un constat qui donne envie d’aller vomir tout de suite : nous jetons 21% des aliments que nous achetons, soit près de 20 kg par an et par personne. Environ 50% de ces produits sont des fruits et des légumes, et 30% des aliments sont jetés sans même avoir été déballés. C’est-à-dire qu’ils passent directement de la case caddie à la case poubelle sans même être entamés. Ça, la Caentine ne peut plus l’entendre. C’est pourquoi, tout comme la Tente des Glaneurs, ce collectif a décidé il y a un an de « faire les poubelles » et de distribuer ces produits dans la rue. Depuis début 2016, il dispose même d’un local 30 minutes par semaine, le mardi à 19h30, sur une terrasse de café de Caen.

Plusieurs supermarchés de la ville, restés anonymes, donnent leurs denrées périmées aux bénéficiaires qui sont en même temps les participants au projet. Cette cinquantaine de Caennais, souvent issus du mouvement Disco Soupe, s’auto-organisent et souhaitent faire de cet acte un moment convivial. C’est pourquoi ils font également partie d’un organisme alternatif qui crée des événements, des repas, etc. Ils se transforment en restaurateurs-traiteurs. Ils s’amusent à inventer de nouveaux concepts de soirées comme recyclage de légumes râpés et rap, ça pulse !

cagettesLes supermarchés, sympathiques donateurs, ne devraient plus avoir à se cacher puisque depuis le 21 mai 2015, l’Assemblée Nationale a adopté plusieurs amendements relatifs à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Les grandes surfaces et les surfaces commerciales de plus de 400 m2 ont l’interdiction de jeter et détruire des denrées alimentaires et l’obligation de signer une convention de don avec une association de solidarité agréée.

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Rhône-Alpes s’habille en cuir (de fruit). Soizic Ozbolt, elle, a fait un autre constat tout aussi effrayant : 45% des fruits en Europe sont perdus. Pas perdus « égarés », perdus « foutus », non jetés, balancés… En France, 400 000 tonnes de fruits par an, des surplus agricoles, ne trouvent pas preneur à cause de l’inadéquation entre l’offre et la demande, d’aléas climatiques, des prix du marché, de défauts d’aspect ou de contentieux logistiques. Alors, il y a un an également, Soizic crée Fwee dans sa région Rhône-Alpes, second verger de l’hexagone.

Elle achète les fruits invendus à la source, chez les producteurs, et les transforme en cuir de fruit, une gourmandise proche de la pâte de fruit. Pour un kilo de Fwee il faut 9 kilos de fruits, rien n’est ajouté. Les pommes, abricots, poires, cerises, pêches sont lavés, épluchés, épépinés et mixés à la main. Cette purée de fruits est alors étalée sur des plaques de déshydratation. Une fois séché, le cuir de fruit est découpé en fines lamelles avant d’être emballé et expédié, notamment via le site www.fwee.fr. Futur objectif de Soizic qui vient de lancer une collecte sur KissKissBankBank, créer des microateliers atour des zones de production car l’ancrage local est nécessaire pour devenir un partenaire privilégié des producteurs et pour répondre rapidement à des demandes d’enlèvement de surplus.

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moi moche et bon

Récolte juteuse à Strasbourg. On connaissait Moi moche et méchant, il existe à présent Moi moche et bon ! Un jus de fruit responsable éclos de trois cerveaux masculins de Strasbourg. Trois amis qui partagent trois valeurs, l’antigaspi grâce à la revalorisation de fruits et de légumes moches, le développement de l’activité locale avec des producteurs et artisans alsaciens et l’élaboration d’un produit sain sans aucun ajout artificiel.

En moins d’un an, le pari de ces trois jeunes hommes est réussi : dix points de vente, 2000 bouteilles vendues, soit trois tonnes de pommes devenues belles. Fin 2015, ils ont récolté 13 000 euros sur Ulule, ce qui devrait leur permettre de concrétiser d’autres projets tels que l’élargissement de la gamme de jus de fruits, le développement d’autres produits comme les soupes, les confitures, l’achat d’un pressoir et l’ouverture d’une épicerie avec ces produits transformés et que des légumes moches. Ce serait une belle revanche pour ces rebuts des champs et des supermarchés !

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soupe_bon__et_bien2

Les grands s’y mettent aussi. Bon et bien, il ne me reste plus qu’à vous présenter Bon et bien. Non, je ne radote pas. Bon et bien ce sont trois entreprises, Leclerc, McCain et Randstad, et deux associations, la banque alimentaire et le Gappi (Groupement d’Agriculteurs et de Producteurs de Pommes de terre pour l’Industrie livrant aux usines McCain), du Nord-Pas-de-Calais. Il s’agit d’un projet unique en France qui a deux axes, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’aide à la réintégration de personnes au chômage de longue durée.

Les légumes moches sont récupérés pour en faire des soupes par des hommes et des femmes qui souhaitent obtenir un diplôme, aller travailler dans les industries agro-alimentaires de la région, etc. Tous les profits sont réinvestis dans l’entreprise pour augmenter son impact social et environnemental. De plus, les achats de légumes non commercialisables évitent aux fournisseurs de payer pour leur destruction. Bon et bien vient de remporter le Trophée développement durable aux 36es Trophées LSA de l’innovation grâce au palmarès de 24 tonnes de légumes sauvés, 7 recettes 100% naturelles commercialisées, 7 personnes de retour à l’emploi.

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re-belle

Des initiatives à plus ou moins grande échelle, il en existe des dizaines. On pourrait citer aussi les confitures Re-Belle, « des fruits qui n’ont pas dit leur dernier mot » dans le 93, ou encore des actes de désobéissance civile comme les Gars’Pilleurs. Ces derniers récupèrent des denrées non périmées bien emballées dans les poubelles des supermarchés un peu partout en France et les distribuent. Et depuis novembre dernier il existe à Paris un lieu hors du commun, un énorme hangar sous le périph’ où des chefs transforment les invendus de Rungis en plats végétariens : Freegan Pony. Le prix ? On donne ce que l’on veut.

Enfin, des applications pour smartphone ont vu le jour depuis quelques années, comme OptiMiam ou Zéro-gâchis et plus récemment Checkfood. On scanne les codes barres de nos produits, on renseigne leur date de péremption et on les range. On reçoit une alerte quelques jours avant la date butoir et après, deux options, « je mange » ou « je donne ».

Et si on s’y mettait tous ? Dans nos petites villes de province, on pourrait faire des trucs vraiment chouettes aussi, c’est sûr. D’ailleurs, c’est quoi votre idée à vous ?

7 commentaires

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  1. Bravo Leclerc, McCain et Randstadt qui font coup double : une belle opération de Green/Social washing tout en faisant une bonne affaire : récupérer gratuitement des fruits et légumes en les faisant transformer gratuitement (ou presque) par des stagiaires de la formation professionnelle !!
    Quant à l’appellation « légume moche », sous couvert de réhabiliter les légumes non calibrés, on leur donne bien un statut de second choix puisqu’ils sont soit moins chers, soit carrément gratuits… ce n’est pas comme ça qu’on fera changer les mentalités ! Si encore ce terme s’adressait aux légumes qui commencent à s’abîmer, ou comportant une blessure qui fait qu’ils ne conserveront pas. Mais s’ils sont juste trop gros, trop petits, tordus, fourchus, etc., pourquoi les déclasser ?
    Chez nous, les légumes moches sont 20% plus chers, car non seulement ils ont le même goût, mais en plus ils sont plus jolis dans l’assiette ! (bon, ça c’était notre contre-campagne Intermarché, en vrai ils sont simplement au même prix que les autres, et pas question qu’on les brade à je ne sais quelle entreprise qui compte les récupérer gratos – et s’il reste des invendus, quels qu’ils soient, nous les transformerons nous-même ou les donneront à une association comme la Banque alimentaire ou à quiconque dans le besoin qui pourra venir les chercher. Au pire des cas, ils nourriront poules, cochons ou le compost, pour fertiliser les futures cultures.

  2. Bonjour !
    Marie, le terme de « moche » était plus pour faire un bon mot par rapport à l’expression « sois belle et tais-toi », nous sommes bien d’accord, ces légumes sont très beaux à leur façon 🙂
    Anthony, vous pourrez dire à vos clients que vos légumes sont cultivés comme en bio mais vous ne pourrez pas utiliser l’appellation « bio » si aucun organisme certificateur ne vous a remis ce label. En tout cas, très bonne initiative, bonne continuation !
    Merci Atypik pour votre témoignage.

  3. Une méthode artisanale pour éviter le gaspillage :
    1. S’installer dans un quartier populaire
    2. Connaître ses voisins (certains ont des fins de mois difficiles…)
    3. Récupérer auprès de ses collègues les aliments qu’ils ne pourront pas consommer à temps (par ex. pour cause de départ en vacances, de surproduction du jardin…) et les distribuer.

    Cela marche aussi avec les vêtements et autres affaires… Cela évite un local et développe le lien social.

  4. La pomme de la photo est superbe, unique, comme plein d’autre fruits et légumes différents de la norme standard. Une campagne publicitaire a utilisé ce mot « moche » pour les pour désigner et voilà, tout le monde reprends en choeur ce terme qui démontre simplement le manque de fantaisie, de poésie et de vocabulaire des médias.
    Bon j’ai bloqué sur le titre et n’ai pas encore d’avis sur l’article car je ne l’ai pas lu…mais il n’est surement pas moche.

  5. Bonjour, je dispose de 3500 m² de terre et compte faire un petit maraîcher naturel… je sais il y en a qui rigole… « petit joueur », et bien non ! je compte produire pour le plaisir de produire et pas pour m’enrichir… ma question, pour vendre mes fruits et légumes, dois-je obligatoirement détenir cette « fameuse » Certification BIO… car je ne compte pas cultiver autrement qu’en bio et rien que du naturel. Car cela me gêne un peu de devoir me justifier auprès de ses organismes… cela n’est pas dans ma philosophie de l’approche et du but de ma démarche… puis je quand même vendre en appeler ma récolte autrement que « Bio » quoi qu’elle le sera…

    1. pour répondre à Anthony. la certification se justifie pour vendre en dehors des circuits courts c est mon avis. nous échangeons avec des petits producteurs du sud Brésil qui ont mis en place un autre système de certification que l on nomme certification participative pour un cout dérisoire et en toute confiance avec les consommateurs . à réfléchir.

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