Moins nutritifs, en perte de goût, de plus en plus toxiques… On entend souvent dire que nos aliments modernes font triste figure face à ceux que mangeaient nos arrière-grands-parents. Mais qu’en sait-on réellement ? Et s’il est prouvé que nos assiettes ont perdu certaines qualités, n’en ont-elles pas gagné par ailleurs ? Avec Marc de Ferrière, historien de l’alimentation, nous avons étudié la question dans le détail en comparant 7 aliments d’aujourd’hui avec leurs ancêtres… Et puisque notre illustrateur est débordé, tous les dessins de cet article seront faits par des amateurs sur Microsoft Paint.
*
1 – La pomme
« Une pomme de 1950 équivaut à 100 pommes d’aujourd’hui » : cet article, initialement publié sur Terra Eco, fit grand bruit sur le web en 2015. Le titre est accrocheur. Le problème, c’est qu’aucun document ne vient l’appuyer : il faudra se contenter de l’affirmation de Philippe Desbrosses, et le croire sur parole, puisque dans nos échanges il reconnait avoir perdu la trace de l’étude scientifique comme de son auteur… De plus, c’est la Transparente de Croncels (une variété bien spécifique) que l’on compare avec la sinistre Golden de supermarché. Or, d’une variété à l’autre, il n’est pas étonnant de trouver des valeurs très différentes. Certaines pommes contiennent naturellement 10 fois plus de vitamines que d’autres. La Golden, première pomme de l’ère moderne, fut effectivement sélectionnée pour son esthétique, son goût flatteur, sa relative productivité, mais pas pour ses qualités nutritives. Enfin, pour dédramatiser, rappelons qu’un fruit ne se résume pas à un seul nutriment : il en contient des dizaines, voire des centaines. De nombreuses expériences montrent que beaucoup de nutriments sont restés stables durant les dernières décennies, et que certains ont même augmenté. Une étude fréquemment citée montre par exemple que nos blettes modernes contiennent bien plus de phosphore, que nos melons et nos petits pois ont gagné en vitamine C, et que notre chou chinois contient presque deux fois plus de calcium que celui des années 1950.
2 – Le bœuf
Vous voyez, ces photos de boucheries parisiennes des années 1950, avec leurs carcasses rassissant plusieurs jours en pleine rue ? Aucun doute, cette viande avait un autre goût que la nôtre ! Mais serions-nous encore capables de l’apprécier ? Et si nous n’avons pas vraiment de données nutritionnelles concernant ces maturations mal contrôlées, il n’est pas interdit de penser qu’elles permettaient la prolifération de bactéries et de toxines qui n’étaient pas toutes recommandées à l’humain. Et ne parlons pas de la viande d’avant 1900, quand le réfrigérateur n’était pas encore inventé. La seule technique de conservation était alors le sel, dont la consommation excessive expliquait en partie la durée de vie plus courte (surtout chez les populations aisées) de nos ancêtres.
3 – Les produits laitiers
On ne connait pas le goût du lait d’antan. Mais c’est certain : avant que sa production et sa commercialisation ne soient encadrés par des normes d’hygiène drastiques, le lait n’était pas le même. Probablement était-il plus riche, et plus goûteux. Il permettait aussi la fabrication de fromages plus forts, dont les puristes déplorent aujourd’hui l’inexorable disparition. Et les bactéries n’étaient pas seules à créer des saveurs. Par exemple, les amateurs de Pont-l’Évêque vous diront que depuis la disparition des étagères en bois au profit des étagères métalliques, la spécialité normande a perdu de sa finesse… D’un autre côté, la qualité sanitaire des produits laitier s’est grandement améliorée. On peut en consommer sans craindre la brucellose, la tuberculose, le typhus ou la listériose, des maladies courantes jusqu’au XXe siècle et qui contribuaient à la forte mortalité infantile. Plus fréquents et plus performants, les contrôles de qualité modernes permettent aussi de limiter les fraudes, car le lait fut longtemps un produit réservé aux riches, tandis que les ouvriers ne pouvaient s’offrir que des bouteilles frelatées, coupées à l’eau.
4 – Le veau et le poulet
Le veau, c’est l’un des élevages symptomatiques de la course aux rendements qui atteignit son apogée dans les années 1960 avec l’importation des méthodes américaines et des hormones de croissance. La qualité de la viande déclina sur tous les plans. Pour regagner la confiance des consommateurs, la filière dut revenir progressivement aux méthodes traditionnelles (veau sous la mère), tandis que les hormones furent officiellement bannies de France en 1988. Un parallèle peut être fait avec l’industrie du poulet, qui connut ses heures les plus sombres durant la même décennie, quand triomphèrent les élevages en batterie, les méthodes productivistes et les viandes insipides. Là aussi, de récents progrès sont à noter, et partout en Europe l’aviculture intensive recule. Trop lentement peut-être.
5 – Le pain
Vous ne risquez plus aujourd’hui, en mangeant votre pain, d’être contaminé par des mycotoxines provoquant des hallucinations et même la mort. Et pourtant ! Il n’y a pas si longtemps, en 1951, on recensait encore des cas de « pain tueur » en France. Indubitablement, donc, nos miches sont plus sûres… Comme pour les élevages de poules et de veaux, les années 1960 marquent l’âge sombre de la perte de qualité. Depuis toujours le pain blanc faisait fantasmer les masses – d’où l’expression « manger son pain blanc ». C’était le pain des riches. Ce rêve populaire fut exaucé grâce aux farines hyperraffinées qui permettaient d’obtenir des mies immaculées. Malheureusement, ces pains n’avaient pas de goût, ni d’intérêt du point de vue alimentaire. Sous la pression des nutritionnistes, les boulangers firent marche arrière. Le pain bis, les farines complètes et les céréales anciennes firent leur grand retour. La situation s’améliore, donc.
6 – Le poisson
On a beaucoup parlé des années 1960 comme d’un âge sombre… Et les années 2010, alors, n’auront-elles rien à se reprocher ? Difficile à dire : nous le saurons dans quelques années. Mais les produits de la mer font d’excellents candidats pour devenir la honte de cette décennie. Les médecins déconseillent carrément la consommation de saumon d’élevage, alors qu’en Ecosse et en Norvège, l’industrialisation de cette filière pollue tellement que les saumons sauvages ont presque disparu des côtes. On reste aussi songeur face à l’afflux massif des dorades croates ou des crevettes thaïlandaises, pays où les normes sont encore plus « souples ». Les poissons sauvages ne sont pas épargnés. Chargés en mercure (dont la concentration a triplé en 100 ans dans nos océans) et en PCB, les organismes de santé nous invitent à en manger de moins en moins, et recommandent aux enfants comme aux femmes enceintes de se tenir à l’écart. Aucun doute, donc, que nos arrière-grands-parents mangeaient du meilleur poisson que nous.
7 – L’eau
On termine sur une note positive ? Prenons le cas de l’eau qui ne souffre d’aucune ambiguïté. L’eau qui sort de votre robinet est potable, c’est-à-dire que vous pouvez la boire du début à la fin de votre vie sans aucun problème de santé. C’est un droit dont beaucoup de pays en développement ne jouissent pas encore et que certaines campagnes françaises n’ont connu qu’aux alentours des années 1900. Il fallait auparavant se contenter de l’eau du puits, ou de celle des rivières, deux vecteurs admirables de pathologies douloureuses et souvent mortelles. D’ailleurs, le grand mérite du baron Haussmann n’est probablement pas d’avoir ouvert des boulevards mais bien d’avoir équipé la capitale d’un réseau d’eau couplé avec un réseau d’égouts.
Depuis 1950 (et probablement depuis 1900), l’augmentation de l’espérance de vie n’a cessé avec toutefois un bémol pour l’année 2015 (si j’en crois cet article http://www.observationsociete.fr/lesp%C3%A9rance-de-vie-baisse-en-2015). Je pense sans ni trop m’avancer, ni être vendue à qui que ce soit, ni avoir de source fiable à citer que cette augmentation n’est pas uniquement due aux progrès de la médecine mais bien aussi à l’avancée des qualités sanitaires mentionnées ci-dessous.
Pour en revenir à la pomme et ses valeurs nutritionnelles entre deux dates T, je penche plutôt pour la théorie selon laquelle, à la date T0, une pomme n’était pas ou peu irriguée et à la date T1, une pomme est copieusement irriguée. Résultat une pomme de 100g à l’instant T0 et une pomme de 100g à l’instant T1 ne contiennent pas la même proportion de matière sèche et par voie de conséquence n’apporte pas la même quantité de nutriments divers et variés!
Chers consommateur! Les fruits et les légumes comme les autres denrées alimentaires doivent être avant tout à votre goût (ou bons) avant d’être beaux! Fiez-vous à vos papilles gustatives plutôt qu’à votre œil surtout si le produit est « marketé »!
J’ai adoré vos illustrations sur Paint ! Si vous avez besoin de renfort je peux toutefois vous aider car je suis graphiste à la recherche de missions. Message pas du tout intéressé 😉
J’aime vos articles, la Ruche c’est vraiment chouette. « Au plaisir » !
L eau des puits était tres bonne, mes grands parents la buvaient et elle avait bon gout et tres pure, contrairement à l eau du robinet qui sent le chlore. A cause des épandages produits phyto sanitaires, on leur a déconseiller de la boire, pollution des nappes souterraines.
Vive l eau vivante !
De quel coté etes vs, ds ce site web ? je suis tres curieuse de comprendre ce que vs défendez… Vos exemples semblent bien consensuels.. genre ne dérangeons rien et ne dénonçons pas trop… mais vos propositions manquent d engagement, les amis.
Bonjour Jullin.
Dire que certains aspects de nos vies se sont améliorés durant le siècle passé, ce n’est pas être du côté des industriels ni de la FNSEA, c’est être du côté de la vérité. L’eau du robinet cause moins de maladies que l’eau du puits ou l’eau des rivières. C’est un fait statistique que les témoignages individuels (même s’ils sont exacts) ne peuvent pas remettre en cause.
Ce paragraphe trouvé sur le site du CNRS résume la chose : « L’Europe a beaucoup souffert par le passé d’épidémies dues à la mauvaise qualité de l’eau. La dernière d’entre elles fut une épidémie de choléra qui sévit au cours du XIXe siècle faisant des milliers de victimes. Mais aujourd’hui, ces épidémies sont surtout le drame des pays chauds qui ne disposent pas de latrines septiques, ni de traitements des eaux. »
Enfin, il n’est pas vrai de dire que cet article ne dénonce rien. La qualité de la viande, du pain, des poissons, tout comme la saveur des produits laitiers sont franchement questionnés.
Bien à vous,
Benjamin.
Votre article a le mérite de ne pas être déprimant, mais votre manière de décrédibiliser l’article de Terra Eco vous décridibilise… Vous le réduisez à une affirmation basée sur une source oubliée. Pourtant dans l’article en question, ils citent plusieurs études dont ils donnent les références. L’article et les liens vers les études sont encore lisibles là :
http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/26/pomme-1950-equivaut-a-100-pommes-daujourdhui-257258
Nous critiquons seulement l’aspect sensationnaliste de l’article de Terra-Eco.
Dire qu’une pomme d’aujourd’hui vaut cent fois moins qu’une pomme de 1950 n’a simplement pas de sens. D’abord, ce titre fait un énorme raccourci puisqu’il réduit la pomme entière à sa teneur en vitamine C. Il faut aussi dire que les études citées dans le texte ne contiennent simplement pas ce chiffre alarmant – elles ne comparent même pas les aliments de 1950 avec ceux de 2000 ! Il faut donc bel et bien croire Mr. Desbrosses sur parole. Cela ne signifie pas qu’il ait tort. Cela signifie simplement que nous ne pouvons pas dire s’il a raison ou tort.
Le titre de l’article est tellement spectaculaire qu’il circule à présent partout sur le web. Il vient même d’être repris à la télévision sans aucune précaution oratoire : https://www.youtube.com/watch?v=biKYdttgZHY.
Tout cela n’est pas sérieux.
N’hésitez pas à m’écrire si vous souhaitez poursuivre la conversation : benjamin@lrqdo.fr
Quels beaux dessins^^ j’adore!
Article agréable à lire
« L’eau qui sort de votre robinet est potable, c’est-à-dire que vous pouvez la boire du début à la fin de votre vie sans aucun problème de santé. »
Euh…. ça dépend du point de collecte de l’eau potable. Car si le point de pompage est une rivière, les molécules des médicaments se retrouvent aussi dans cette même rivière qui est aussi le réceptacle des eaux traités des stations d’épuration.
Merci pour cette contribution loin du débat tronqué des gentils (c’était obligatoirement mieux avant ) contre les méchants (tous des pollueurs ).
Cela me rappelle une phrase que je cite parfois à certains conseilleurs (?) « Dit moi comment tu as fait, je te dirais après comment tu aurais du faire »
Mais bien sûr que je suis bête, c’est évidemment ce que j’aurai du faire.???
Trêve de plaisanterie, C’est tellement facile de se mettre dans cette posture et on le fait tous un jour ou l’autre.
Nous passons notre vie à prendre des décisions, faire des choix, des orientations professionnels ou privés.
Bien malin est celui qui connaît l’avenir avec certitude, pour le passé c’est tellement facile.
Nos origines et notre passé nous ont construits et j’ose penser que cette agriculture tellement décrier a quand même permis à nombre de ses détracteurs d’être aujourd’hui présent sur cette terre pour la critiquer ☺
Qu’elle doive évoluer nul ne peut le contredire, que les methodes de production vont encore changer, c’est certain.
Mais bon, trêve de plaisanterie, c’est quand même ce qu’elle fait depuis plus de 5000 ans avec toujours le même but: vous nourrir.
Je vous le promets nombre d’entre nous (vous n’accepteriez sans doute pas que je dise simplement NOUS) le font avec passion. ??
Merci
Cet article a le mérite d’avoir un discours positif, ce qui nous manque un peu aujourd’hui… Mais quand on sait qu’en 1900 on déversait 1 million de tonnes de pesticides sur la planète et qu’en 2000, on en déversait 4 milliards!!! on peut être inquiets quant aux conséquences néfastes sur notre santé! Si les végétaux sont empoisonnés par le mercure, la terre est traitée aux engrais chimiques et elle ne leur donne plus l’eau, les minéraux, les « bons » métaux qui sont essentiels à notre santé.
Un peu d’arithmétique ! Si je divise 4 milliards de tonnes de pesticides par 7 milliards d’habitants sur la planète, j’obtiens 571 kilogrammes de pesticides utilisés pour un habitant chaque année, donc plus de 1,5 kilo par jour ! Bon appétit !
A quoi servent les écoles ? A quoi servent les cerveaux ? Décidément, les manipulations sont faciles !
Aussi ne pas oublier cet immense savoir-faire de nos Mamans et Mammies, Cousines et Tantes, pères de famille corvéables à merci. Les grands talents méconnus et non respectés des foyers européens surtout français. La valeur économique d’une femme au foyer (interdite de compte en banque et donc de chèquier) des temps anciens n’a jamais été chiffrée ? Acette époqueUne valeur économique Des grands talents sans que ne soient reconnus ces grands talents « allant de soi » et dont la valeur économique d’un foyer n’a jamais été calculé jusuq’à aujourd’hui. Quelle était la juste valeur économique d’une mère de famille interdite de compt en banque. soit reconnu c esoit
On dirait des « éléments de langage » en provenance directe de la FNSEA… Des choses vrais (souvent des exceptions présentées comme de généralités) mais beaucoup d’inexactitudes, notamment cette croyance dans les aliments « décontaminés » de tout bactérie…
Une vision parfaitement conformiste (le « conformisme jeune » ?) du progrès de l’histoire…
Bonjour Guy,
Cet article n’est sponsorisé par personne. La preuve : il ne sert ni le dogme passéiste, ni le dogme moderniste, et se contente d’établir les vérités qu’ils contiennent tous les deux.
Un produit stérilisé (par exemple un lait UHT) ne contient, en théorie, plus de bactéries.
Heureusement il existe encore le lait cru, qui a plus de goût.
Bien à vous,
Benjamin.
Je pense exactement comme Guy. Benjamin est certainement sponsorisé par la triste fnsea.
Malheureusement, aussi bien dans les Ruches, Talents de fermes ou autre Com’ à la ferme, où je vais en ce moment, on trouvent beaucoup de produits identiques à ceux des grandes surfaces. Par exemple pourquoi est-il impossible de trouver des œufs « bio » sans colorant ?
Des œufs bio avec colorant?????
Je suis producteur bio et je n’utilise aucun colorant. Le cahier des charges bio interdit tout colorant.
Peut être parle tu du tampon de marquage mais là il s’agit de traçabilité, et de plus c’est sur la coquille.
Je pense en effet qu’il doit parler du tampon, mais il s’agit bien sûr d’une encre alimentaire, car la coquille étant poreuse, il ne faudrait pas que des toxiques entrent dans l’oeuf. Et le tampon est obligatoire….
Je partage le point de vue de Guy…. les gens de la Conf’ ne parlent pas ainsi…
Une remarque, l’eau potable n’est pas du tout arrivée dans les campagnes profondes en 1900, ma mère est née en 1951 et m’a toujours raconté son frère déficient mental qui prenait très à coeur de ravitailler la famille en eau qu’il allait chercher à la pompe du village (donc puits) avec deux seaux métalliques. Et ce village n’était pas si perdu puisqu’aujourd’hui il est la « banlieue » proche d’une grande ville sarthoise !
Dans mon village natal, aux confins de la franche comté, l’eau courante a été installée en 1963.
Et les tuyaux sont toujours en place.
Merci Benjamin pour cet article !
Il faudrait aussi faire un paragraphe sur la variété des choses qu’une personne de la classe moyenne pouvait manger en 1900. A priori, il est plus accessible financièrement aujourd’hui de diversifier son alimentation et d’accéder à des choses plus nutritives… non ?