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On a rencontré les amerindiens du Loiret

Sur les côteaux de la région verdoient des petits bosquets, entre les chapelles abandonnées et les vieux villages de grès. Et puis là, dans le creux d’une rivière, dépassent les pointes de quelques étonnants tipis blancs. C’est la terre de Virginie, Jérôme et leurs quatre enfants. Pour le solstice d’été, ils organisaient une grande cérémonie à laquelle nous étions conviés. Alors bien sûr, on est partis à la conquête de l’Ouest…

Cinq tipis au bord d'un étang.
Cinq tipis au bord d’un étang.

L’histoire de ce lieu commence avec le père de Jérôme, un ancien chercheur du CNRS, spécialiste de la bioluminescence chez les animaux des grands fonds. Une fois à la retraite, après avoir passé sa vie à traquer les lueurs dans l’obscurité de l’océan, il part en quête de la lumière spirituelle dans les ténèbres de ce monde. Au cours d’un voyage en Espagne il rencontre Alfonso Perez Tenoch, un « homme du chemin », et l’invite chez lui, dans la campagne française. C’était en 2003.

À l’époque déjà, Jérôme et Virginie étaient agriculteurs mais se sentaient piégés par l’habitude et par la norme : ils travaillaient 350 hectares de céréales, couraient après le temps et ne voyaient pas leurs enfants grandir… Le discours d’Alfonso fit écho à leurs aspirations intimes. Il leur parlait du respect de la terre et des animaux, des choses que l’on appelle, par chez nous, le bon sens paysan.

 

Jérôme, c'est lui, l'homme assis sur la gauche.
Jérôme, c’est lui, l’homme assis sur la gauche.

 

Le couple se plonge dans la culture amérindienne, participe à des rassemblements, se forme aux techniques du feu, aux chants et aux cérémonies. En 2005, ils sont mûrs pour changer de vie, et déménagent avec les enfants dans un tipi qu’ils construisent sur leur terrain. Ils sont comme ça, Jérôme et Virginie, ils ne font pas les choses à moitié. Quand ils ont un coup de cœur, ils foncent. Pour preuve, Jérôme a demandé Virginie en mariage le soir même de leur rencontre. Elle a dit oui, et pas qu’à moitié.

Leur vie d’indigènes était frugale. Ils ne possédaient presque rien, cuisinaient des choses simples, se couchaient tôt, se levaient tôt, et consacraient leur temps libre à la famille, tous les jours après 17h. À l’école, les enfants restaient discrets quant aux mœurs de leurs parents, plutôt incongrues dans la région. La ferme subit aussi des changements radicaux. On passe à 115 hectares, on cultive en bio, puis on remplace le blé par l’épeautre et par le seigle.

 

Pierre, le forgeron, habite un moulin de l'autre côté de l'étang.
Pierre, le forgeron, habite un moulin de l’autre côté de l’étang. 

Sur les conseils d’un indien Huichol du Mexique, le couple décide d’ouvrir la ferme au public, pour en faire bénéficier les urbains rongés par leur quotidien. En 2008 ils installent quatre tipis supplémentaires et fondent ce lieu qui combine les qualités de l’hébergement insolite et du site pédagogique. Pas question, par ailleurs, de faire du prosélytisme spirituel. « La vérité n’a de valeur que si les gens la trouvent par eux-même », dit Virginie. Ce week-end de la Saint-Jean, une bonne vingtaine de curieux sont venus découvrir la vie sous tipi pour se faire leur propre opinion.

 

Le feu crépite toute la journée - il sert à tout (cuisine, forge, teinture, chauffage).
Le feu crépite toute la journée – il sert à tout (cuisine, forge, teinture, chauffage).

Pendant la journée, des ateliers s’organisent dehors sur l’herbe et des artisans font la démonstration de savoir-faire ancestraux. Ici, un forgeron-coutelier sculpte une lame incandescente. Là, un teinturier nous explique comment faire des étoffes colorées avec des pigments naturels, comme l’indigo ou le curcuma. Plus loin, une artiste entourée d’enfants s’adonne à des sculptures à base de fleurs. Dans le fond nous voyons aussi une hutte à sudation, mais celle-ci ne sera pas utilisée pendant le week-end.

 

Jérôme, Virginie et les enfants s'occupent des repas et de la buvette.
Jérôme, Virginie et les enfants s’occupent des repas et de la buvette.

Et puis l’heure du dîner sonne. C’est du chili qui nous est proposé. À table, en discutant avec les autres convives, nous découvrons que l’énergie est un concept équivoque puisqu’il désigne à la fois un métier (« je suis éducateur énergétique »), une sensation (« il y a beaucoup d’énergies positives ici »), et même une adresse postale (« j’habite à Paris, sur un carrefour énergétique très important »). On ne parle pas forcément le même langage, mais tout le monde est drôle et détendu. En plus, on mange bien, et la bouteille de cidre de la ferme ne coûte que trois euros.

 

Une femme s'adonne à d'étranges incantations.
Une femme s’adonne à d’étranges incantations.

La nuit tombe quand des musiciens investissent les lieux – le groupe UT&CO. Violon, piano, guitare, cithare, ghatam et chants, toutes les sonorités d’Inde et d’Amérique sont convoquées tandis qu’une femme en robe joue l’acrobate autour du feu, bondit, pirouette, et grimpe sur un gros ruban rouge qui pend depuis une poutre. Finalement la fièvre gagne tout le monde et l’on se met à danser en cercle. Sur la photo, ça a l’air bizarre. Dans les faits, c’était plutôt la fête comme l’ont connu nos grands-parents.

 

Danse de sioux... ou de loirétain ?
Danse de sioux… ou de loirétain ?

Finalement c’est l’heure d’allumer le grand feu de la soirée. Et quand je dis grand, c’est grand. Toute la nuit les danses et les chants continueront dans sa chaleur, tandis que les plus téméraires sauteront par dessus les braises. « Rite de purification », nous dit-on.

 

On a failli mettre le feu au ciel.
On a failli mettre le feu au ciel.

Puis vient le moment le plus poétique de la soirée, quand nous libérons sur le cours d’eau les « offrandes à la rivière »  – en fait, des nids de paille enserrant de petites bougies. En les regardant s’éloigner dans le noir, la barrière entre les spiritualistes et les autres s’efface et tout le monde savoure la tentative sincère (et réussie) de réenchanter nos vies.

 

Chacun dépose son "offrande à la rivière".
Chacun dépose son « offrande à la rivière ».

Jérôme et Virginie ne comptent pas agrandir leur lieu, seulement l’améliorer, développer leur autonomie énergétique, récolter l’eau de pluie. « Je vais faire de la philosophie de comptoir », prévient-il. Mais cette terre, je n’en suis pas propriétaire. On est pas les premiers à vivre là. Il m’arrive encore de trouver des pierres taillées qui date du Néolithique. C’est ce respect qu’on veut transmettre. »

La relève semble assurée. Marie, leur fille cadette, commencera un élevage de chèvres angora dès l’année prochaine. Ce sera la sixième génération sur cette ferme.

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Pour contacter Jérôme et Virginie, et découvrir leur lieu atypique, rendez-vous sur leur site Internet.

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