Jocelyne et Serge Klur fabriquaient des costumes Kenzo à Poix-du-Nord, près de Valenciennes. Quand leur usine est délocalisée en Pologne, ils se retrouvent au chômage et criblés de dettes, au point que l’assistance sociale leur demande de vivre avec 3€ par jour… François Ruffin, avec qui nous avons déjà taillé la bavette sur ce blog, prend le parti de David contre Goliath et se met en tête d’aider le couple contre leur ancien employeur, Bernard Arnault, président de LVMH. Le résultat ? Merci Patron !, un documentaire drôle et touchant, sorte de Borat engagé dans la lutte des classes. Sortie nationale le 24 février 2016.
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La Ruche qui dit Oui ! – L’entreprise Ecce produisait des vêtements haut de gamme pour de grandes marques. Elle a subi trois plans sociaux successifs, en 2003 (avec le départ de la marque Yves Saint Laurent), en 2005 (départ de Givenchy) puis en 2007 (départ de Kenzo), qui entraînèrent la fermeture définitive de l’usine. Pourquoi t’es-tu intéressé à cette histoire en particulier ?
François Ruffin – C’est une vieille histoire. Dès 2005 j’ai rencontré Marie-Hélène Bourlard, la déléguée syndicale de l’entreprise. En 2007, je lui ai conseillé d’acheter une action chez LVMH pour aller se faire entendre à l’assemblée générale. Son intervention a eu une véritable influence sur plan social. On n’a pas sauvé l’usine, mais les salariés sont partis avec des primes, et leurs allocations chômage ont été prolongées. Un peu plus tard j’ai décidé d’aller voir ce que devenaient les anciens salariés, et c’est là que j’ai rencontré les Klur. À cette époque je ne savais pas du tout que j’en ferais un film mais c’est là que j’ai rencontré tous mes personnages. En gros j’ai fait des repérages inconscients pendant 7 ans !
En savoir plus sur l’histoire de l’usine Ecce : A Poix-du-Nord, le cœur lourd des salariées d’Ecce (Libération, juin 2007).
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La Ruche qui dit Oui ! – Bernard Arnault n’est pas si méchant, il vient d’inaugurer une nouvelle usine à Chartres – et elle s’appelle La Ruche ! En 2013, il inaugurait un centre de recherche pour Guerlain à Orléans.
François Ruffin – Ce type n’est pas méchant, c’est une machine à calculer. Il a une calculette dans le cerveau. C’était moins cher de faire du Kenzo en Pologne, alors il a délocalisé. Après, ces récentes actualités sont-elles des coups de communication liés à mon film ? Peut-être. Mais je pense plutôt que Bernard Arnault atteint les derniers temps de son existence et qu’il essaye de se refaire une virginité en investissant dans l’art, par exemple. Surtout, il essaye de faire oublier comment il a fait fortune : en achetant Boussac Saint-Frères après avoir promis à l’Etat de ne rien démanteler. Très vite, il a tout fermé quand même. C’est un prédateur et, dans les années 1980, on ne le considérait pas différemment de Bernard Tapie.
En savoir plus sur l’histoire de Bernard Arnault et sur Boussac Saint-Frères : Bernard Arnault, prédateur de grand luxe (Libération, novembre 2010).
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La Ruche qui dit Oui ! – La crise agricole actuelle fait penser à la crise industrielle (compétitivité intenable, menace de délocalisations, financiarisation du secteur, etc.). L’agriculture et l’industrie, même combat ?
François Ruffin – Les logiques sont les mêmes, en effet. Les éleveurs porcins voulaient l’ouverture des marchés pour conquérir l’étranger. Ils découvrent aujourd’hui que face à l’Allemagne ils ne sont plus compétitifs et font mouvement arrière. Mais ils demeurent dans une logique hyper-productiviste dont il est difficile de sortir. Je suis partisan d’un certain protectionnisme pour le terrain agricole, comme pour le terrain industriel, sinon on est condamnés à faire des subventions. Soit on va vers un marché régulé, soit vers une agriculture dont la ferme des 1000 vaches n’est que le début. Il y a plein de pays qui sont déjà allés beaucoup plus loin que ces systèmes-là.
En savoir plus sur le modèle allemand : La redoutable efficacité des éleveurs de porcs allemands. (Le Point, novembre 2013).
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La Ruche qui dit Oui ! – Faut-il faire sauter Bruxelles (titre de l’un de tes livres) ? Ou bien appeler une « autre Europe » ?
François Ruffin – En 2007, Bernard Arnault répondait à Marie-Hélène en expliquant : « Ce n’est pas moi qui choisit l’européanisation, c’est l’européanisation qui nous choisit« . Déjà, c’est faux. Il était dans des tas d’organismes qui recommandaient la mondialisation, ne serait-ce que par son adhésion au Medef qui poussait en faveur du Gatt puis de l’OMC. Il allait dans le sens de l’ouverture des frontières, car pour lui c’est un bonheur de déplacer ses usines et ses capitaux à travers le monde. Je vais le dire abruptement, mais pour moi, le ver était dans le fruit dès le début avec l’Europe. Il suffit de voir les liens innombrables entre l’oligarchie et les institutions : les commissaires de l’Union européenne forment un vrai Conseil d’administration. Sortir de ça, je n’y crois pas du tout. Si tu lis la Constitution française, on ne te dit pas « voilà le modèle économique qu’il faut appliquer ». Par contre, tous les traités européens décrètent le marché libre, et l’Europe n’est rien d’autre que ses traités.
Pour en savoir plus sur ce ver qui était dans le fruit : Une autre Histoire de l’Europe (série documentaire du journal Fakir).
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La Ruche qui dit Oui ! – C’est quoi la suite, pour toi ?
François Ruffin – Ce film était une aventure depuis 3 ans. Maintenant me il faut trouver une nouvelle aventure. Je serai content si le film fait des entrées, mais surtout s’il me conduit à faire des rencontres qui me mèneront vers d’autres projets. Quand j’ai commencé à tourner, je ne savais pas du tout ce qui allait m’arriver. C’est Bernard Arnault qui a écrit le scénario. Il a écrit une fable ! Quand on voit la situation de départ, on se dit que c’est impossible, qu’un couple de chômeurs ne peut pas affronter le premier groupe de luxe au monde et s’en sortir. Mais on arrive à renverser la situation. La moralité, c’est qu’on est parfois plus fort qu’on ne le pense, et eux plus fragiles qu’on ne le croit.
François Ruffin est un vrai journaliste, offensif, engagé. Je l’aimais déjà chez Mermet (« Là-bas si j’y suis »), mais avec son film, il m’épate. A voir absolument, c’est drôle et positif, un petit bain d’énergie!
Oui très bien on peut toujours s’amuser. mais franchement prendre comme exemple le ketch up, ce produit américain alors qu’il suffit d’ouvrir une boite de tomates bio et de réchauffer au micro ondes pour avoir un très bon coulis. FUIR TOUS LES PRODUITS ALAMBIQUES. Manger simple !!!!!!
Quel rapport ?