Dans la famille Lescot, je voudrais le fils. Paul, 25 ans, alchimiste du fournil, capable de changer le blé en sablés. Ses biscuits sucrés et ses crackers salés donnent un coup de jeune et de baguette magique à la ferme familiale que l’on se transmet de générations en générations.
Il est des fermes qui demandent de se perdre dans les méandres de la campagne pour enfin les atteindre, d’autres que l’on rejoint avec un simple ticket de transports en commun. La Ferme des Coudriers appartient à cette deuxième catégorie, chaque jour un peu plus encerclée par l’urbanisation galopante d’Amiens. « Dans quelques années, c’est sûr il n’y aura plus que des lotissements autour de nous, » explique Paul Lescot, dernier arrivé sur l’exploitation familiale de Coisy.
« Historiquement implantée rue Manon Lescot, nous l’avons déménagée il y a une vingtaine d’années à l’extérieur du village », raconte celui qui était encore à la maternelle au moment de la transhumance. La quiétude n’a duré qu’un temps. Dans quelques mois, le Carrefour devrait étendre encore un peu plus ses rayons autour des champs familiaux disséminés ici et là formant au total un patchwork de 160 hectares, dont 90 de blé, 30 de colza, 10 de pois et 20 de betteraves sucrières.
Sous ses airs de gendre idéal, Paul est plutôt rebelle, prêt à se battre contre la malbouffe standardisée et aseptisée. Si son arrière grand-père, son grand-père, son père vendaient toute leur production céréalière à la coopérative, lui en transforme une bonne partie en recettes gourmandes qu’il vend en direct. Son aversion pour l’industrie agro-alimentaire ? Elle remonte à ses premières années professionnelles. En 2011, fraîchement bardé d’un CAP boulanger-pâtissier, d’un BEP alimentation et d’un BTS technico-commercial, Paul côtoie le monde de Bip et de Bip (bref des gros de la distribution de plats tout faits). « On est très loin de la gastronomie dans ce genre de structure. Fallait voir ce que l’on vendait. » Le fiston revient alors sur l’exploitation familiale et imagine une nouvelle orientation qui lui ressemble. Son père cultive du blé, il est pâtissier : pourquoi ne pas créer une gamme de biscuits à la ferme ?
Première étape, fabriquer sa propre farine et donc… s’équiper. Paul se tourne vers l’un des Papes du moulin, la société Croix spécialisée dans la restauration de spécimens à eau, à vent, dans la construction de pièces sur mesure depuis 5 générations. Le maître se situe du côté d’Angers et enregistre des listes d’attente d’au moins un an. Qu’importe, Paul est patient. En attendant, il construit l’écrin de son moulin, un gigantesque bâtiment ossature bois qui servira également à stocker le grain, à moudre la farine, à réaliser ses biscuits et à recevoir du public. « Pour financer le matériel pédagogique, j’ai monté un projet participatif sur HelloMerci en janvier dernier, j’ai bouclé la collecte en deux semaines. » Depuis, régulièrement, des groupes de minots viennent voir le meunier sans bonnet. Paul leur explique le travail de la ferme, leur fait moudre le grain. Chacun réalise et repart avec ses propres biscuits à partir des préparations maison. Succès garanti.
Il faut dire que Paul soigne particulièrement les ingrédients de ses recettes, qu’il s’agisse des crousti écureuil ou des cookies. D’abord la farine. « En meunerie traditionnelle, on autorise jusqu’à 400 additifs. En moyenne, on en trouve une vingtaine dans les farines, des correcteurs de force aux insecticides (bon appétit!). Dans la nôtre, il n’y en a pas un seul. En revanche, on utilise 4 variétés de blé pour obtenir naturellement goût, gonflement, couleur… »
Résultat, la farine est complète (T80), vivante et toujours fraîchement moulue pour encore mieux préserver ses qualités. Ensuite tout le reste : les œufs plein air de la voisine, les épices commerce équitable de l’entreprise picarde Ethic Valley, le sucre des betteraves de la maison, tout comme l’huile de colza, 100% Coudriers. Pour le beurre, Paul pourtant chauvin s’accorde une dérogation et dépasse les frontières picardes : son dévolu se pose sur une AOC Poitou-Charentes que sa région n’a jamais réussi à égaler.
Meunier, pâtissier, commercial, Paul compose avec ses multiples casquettes et carbure à l’énergie des moins de 30 ans. Sa lycéenne de frangine passe régulièrement à la sortie du four, « elle est tellement gourmande ». Son voisin vient s’y réfugier pour s’offrir une pause comme tout un tas de gens qui en profitent pour tremper un petit sablé dans le café. « En agriculture, l’aide et le soutien, c’est important. » Peut-être le secret d’une exploitation qui innove depuis plus de 100 ans…
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Merci à Steffanie Yeakle pour les photos et la vidéo (et son humour).
Ou peut-on trouver les produits que ce soit les cochons, la ferme des coudriers je suis inscrite à une ruche celle de 34 Vendargues mais je n’ai pas tous ces produits
Bonjour,
Ca a l’air super ce que vous faites.
Où peut-on trouver vos produits, quand on habite vraiment très loin de votre ruche ?
Merci d’avance pour votre réponse.
Trop bien la vidéo ! et l’article ! il me tarde de tester cette farine !
Merci pour cet article, j’admire ce genre d’initiatives ! et cette énergie à innover !
Top !
Ayant également la chance d’avoir des moulins assez proche , je trouve ce type de farine dans des magasins de type coopérative agricole !
Je trouve assez dur de ne pas pouvoir profiter de certains de ces produits , pour nous qui sommes dans de trop lointaines contrées ! La vie est trop injuste 🙁