Sylvie Neve est herboriste. Elle cultive les fleurs pour en faire des tisanes, des huiles et des pommades qui font du bien à l’intérieur. Lorsque l’automne s’est approché, elle nous a envoyé cette carte postale. Un billet-bilan inspirant.
Quelle saison mes amis ! J’ai jardiné aux deux extrémités, soutenant du bout des mains et des pieds mes prophétesses. J’ai bourlingué sur les reliefs du doute, j’ai tâté les émotions tantôt funestes, tantôt fleuries et parfumées.
Palpitant tout ça !
Vivre au jour le jour avec pour fond sonore nos obligées obligations obligatoires… Tu sais sûrement de quoi je parle… C’est que ça fait du bruit dans la tête… une sourdine…
« Quantité à fournir, minimum à garantir, échéances à tenir, limites à n’pas dépasser, barrière à atteindre… » Bref, tout ce qui fait de la vie un sacré chemin, loin des saveurs de l’instant présent.
L’infrastructure est lourde. Notre spontanéité est amidonnée. C’est l’empoi de la civilisation à payer.
À cueillir des heures sans l’ombre du feu tricolore, je réfléchis en boucle, ressassant l’espoir d’en sortir.
Comment faire ?
J’prends mon pagne et mon panier et j’m’en « va » hutter ailleurs… Car ici, la lutte semble inutile et coûte bien cher de mon temps.
Aléas climatiques, subventions ICHN (Indemnités Compensatoires de Handicap Naturel), appuis techniques et gestion des risques, report des cotisations, avance de trésorerie… Ça change quoi à la Nature ?
Nous récoltons le semis du pouvoir. Plante indigne de notre humanité.
Je réfléchis. J’ai mal à faire avec ça.
La vie est simple et belle quand le genou se pose sur la taupinière…
J’y sens toujours le soleil fringant ou timide, même caché… Il est là, énergie vitale renouvelant ma sensibilité aux vibrations joyeuses.
Chaque grain de terre sondé me rappelle que je suis particule du tout. Ça fait bien plaisir aux orteils, ben oui… C’est l’pied !
Voilà, voilà mon bilan de saison pour – l’instant –.
C’est vrai, j’ai cueilli moins de plantes que l’année passée, ce qui ne m’aidera pas à assouplir l’amidon des obligations… Les contrôleurs de faux-plis m’amenderont.
Je servirai au mieux ma clientèle… Ceux-là me comprendront.
Il ne me sert à rien d’arracher les quelques cheveux courts de la tête, juste à craindre les courants d’air !
Alors ça ira comme ça avec mes idées nouvelles, l’optimisme, et tout le reste si grand.
Le mois d’août a fait jaunir les feuilles, le mois de septembre fait bourgeonner les branches nues… Si cela n’est pas force d’admiration … le végétal attend les événements en profitant de tous les instants à Vivre… Qu’importe le désordre, il y a toujours à espérer profiter des bons moments.
Une Camomille ne faisant plus surface, retire des profondeurs dix centimètres de verdure en deux jours… et deux nuits (car, elle ne dort plus), elle revit.
Ça m’emballe ! Comme elle, je n’osais plus lever la tête car je ne pouvais rien faire de mieux… Et quelques dizaines d’heures mouillées à arpenter les sentes du jardin pour jouir de cette force ensemble. J’ai vécu alors ce très beau voyage comme des congés d’une extrême densité dont je te laisse ma carte postale.
Bravo pour cette lettre digne d’une poétesse ! C’est beau d’être en accord ainsi avec la beauté naturelle ! Belle année d’âme-ours et de printemps en toute saison quand çà part du coeur ! Chaleureusement. Marie-José