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De dons et d'eau fraîche

Eotopia, l’écovillage du partage

L’utopie, c’est l’avenir qui s’efforce de naître, écrivait Victor Hugo. Au sud du Parc naturel régional du Morvan, l’écolieu Eotopia expérimente une nouvelle façon de vivre ensemble basée sur l’économie du don et le respect du vivant. Visite.

© Solenne Mutez

Comme ça en arrivant, on dirait une grande maison de famille où des cousins éloignés se seraient retrouvés. Les enfants courent dans l’herbe, les adultes devisent autour d’une grande table pendant que les chats s’égayent dans le potager. Et puis on aperçoit un peu partout, des tentes, des appentis, des yourtes. Enfin, un livre trônant en majesté dans les toilettes sèches donne le la de cette symphonie communautaire : Message des hommes vrais au monde mutant.

Nous sommes ici dans une petite communauté où, depuis juillet 2016, 8 personnes résident de manière permanente et près de 140 voyageurs sont venus – et revenus – visiter l’endroit le temps d’une semaine. Du grec τόπος  (lieu) et du latin eō (avancer), Eotopia ne se définit pas comme une utopie mais un lieu où l’on avance. On y expérimente le vivre-ensemble autour de piliers forts : véganisme, communication non-violente, économie du don, permaculture, écologie et éducation libre (instruction des enfants faite à la maison). Difficile de décrire une journée type dans un lieu où l’alchimie repose comme par magie sur la non-imposition de règles strictes et le respect des rythmes de chacun.

Essayons tout de même…

© Solenne Mutez

Faire sa part

La journée débute souvent comme elle se termine, par une réunion “technique” où résidents et visiteurs sont mis au courant de l’avancement des projets en cours. Chacun est libre d’initier ou de se greffer à un chantier de construction, une activité dans le potager, une cueillette de champignons, la préparation du repas, une tâche quotidienne ou un loisir personnel. Et les besoins ne manquent pas !

Eotopia, c'est une tentative à contre-courant de notre société hors-sol.

Depuis près d’un an, la famille Eotopia, comme se plaisent à s’appeler les résidents, a regorgé d’inventivité pour rendre le lieu de plus en plus autonome. Yazmin, Benjamin, Roman, Sandrine, Lucie, Jackie, Pierre et la petite Ada n’ont pas chômé. Il a fallu notamment retaper la maison, isoler la toiture, installer des fenêtres, mettre en place le potager en permaculture et les toilettes sèches, réhabiliter le puits… le tout à partir de matériaux de récup’.

Aujourd’hui, vous aurez la chance de faire votre lessive en pédalant grâce à un système ingénieux qui fait tourner la machine à la force des guiboles. S’il vous reste un peu d’énergie, profitez-en pour faire un tour dans la serre à semis, construite à partir de fenêtres d’anciens modèles dont les menuisiers n’ont que faire. Pour se reposer, rien de mieux qu’une sieste sur le canapé en palettes.

© Solenne Mutez

Nourriture à partager

Déjeuners et dîners sont pris en commun, tandis que le temps du petit-déjeuner est libre. Ils sont préparés à partir de produits d’origine exclusivement végétale, issus en grande partie de la production du potager et de récup’ auprès des agriculteurs du coin ou des supermarchés. Une part irréductible des denrées alimentaires (légumineuses, céréales, oléagineux) doit encore être achetée en magasin. Quand la faim commence à tenailler, les équipes d’apprentis cuisto se forment spontanément pour s’atteler à la préparation du repas.

Pesto d’orties, crumble de courge, parmentier aux légumes, lasagnes de tétragones et bien d’autres réjouissances sont cuits sur le rocket-stove extérieur – poêle de masse reconnu pour sa combustion économique et écologique en bois – ou dans le four en terre cuite, grâce au bois trouvé dans la forêt. Le maître-mot en cuisine, c’est l’expérimentation, depuis la fabrication du levain à celle du kéfir, en passant par les nouvelles recettes de fromages végétaux.

© Solenne Mutez

Mode de vie en pleine terre

Toute la journée, dans un ballet naturel, résidents et visiteurs vaquent à leurs occupations. Parfois, le temps s’arrête pour débattre ou échanger autour de ses expériences. Bruno, charpentier de métier, vous dira tout sur les tiny houses. Pierre, étudiant en agro, est incollable sur les vertus des plantes. Juliette, grande adepte du jeûne, sera votre bible de la nutrition. Derrière des valeurs communes, c’est donc une belle diversité qui règne, aussi générationnelle (de 3 à 57 ans), que socioculturelle (étudiants, retraités, freelances).

Restons intègres sans devenir intégristes, rappellent régulièrement les résidents pour qui, la sensibilisation est la pierre angulaire du passage à l’action. Chez Eotopia, on souhaite essaimer une vision et faire comprendre les racines d’un autre mode de vie : zéro déchet, économies d’eau et d’électricité, non-consommation de tabac, d’alcool et de tout produit issu de l’animal.

© Solenne Mutez

Les idées poussent en voyage

C’est à Benjamin Lesage que l’on doit le projet. L’idée a germé dans la tête du trentenaire alors qu’il était en vadrouille des Pays-Bas jusqu’au Mexique avec deux amis. Pendant neuf mois, les trois acolytes voyagent sans argent et sans peser sur la planète (Benjamin raconte l’expérience dans son livre Sans un sou en poche). Leur mantra ? Vivre fauché mais vivre libre. 

Sur son chemin initiatique, Benjamin rencontre Yazmin, architecte passionnée par la spiritualité et l’astrologie, future maman de leur fille Ada. Ensemble, ils découvrent l’art de la récup’, du troc et de la débrouille. Bien décidés à faire entrer l’utopie dans la réalité, ils décident alors de fonder un écovillage où rien ne serait vendu et tout serait partagé.

À leur retour en France, leur idéal va être mis à rude épreuve après deux échecs pour trouver gratuitement un lieu. Ils finiront par concéder à l’achat d’un bout de terrain en se cotisant avec trois autres personnes ayant rejoint l’aventure : une petite concession pour eux mais un grand pas pour le projet. En 2016, un compromis de vente est signé pour un terrain de 3 ha en Saône-et-Loire : Eotopia est née !

© Solenne Mutez

Eco-lieu, éco-lien

Loin de l’ostracisme, l’objectif d’Eotopia est aujourd’hui de créer du lien avec les habitants du coin. Après avoir entendu parler du projet, le maire est même venu pointer le bout de son nez pour le déjeuner. Les visiteurs, la chorale mensuelle, les fêtes de village et les courses de complément effectuées en ville permettent d’impulser une dynamique perpétuelle à la vie de l’écovillage. Une solidarité se crée avec les voisins, comme les agriculteurs bio George et Sébastien, qui n’hésitent pas à faire appel à la main d’œuvre de la communauté pour la construction d’une clôture en l’échange d’un bon déjeuner.

© Solenne Mutez

Voilà déjà le soleil qui invite à se coucher. Le groupe, qui oscille entre une dizaine et une vingtaine de personnes selon si c’est une semaine avec ou sans visiteurs, se retrouve pour un partage de ressenti – technique fondée sur la communication non-violente permettant d’exprimer sans jugement ses émotions. Le tour de table est parfois suivi du chant d’un Om, d’une séance de méditation ou d’un petit concert improvisé grâce aux instruments mis à disposition. Puis le petit groupe s’éparpille. Chacun retourne faire pousser ses rêves, bien au chaud dans son lit.

3 commentaires

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  1. Enfin des personnes courageuses qui ont rompu les liens avec la société sordide dans laquelle nous vivons. Ces personnes ont retrouvé les vraies « valeurs » qui gouvernent leur vie. Bravo !

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