De ses champs en Picardie, on aperçoit la plus grande conserverie d’Europe alimentée par toutes les grandes cultures du coin. Sans clairon ni trompette, Nicolas Thirard, préfère la partition de l’agriculture biologique, de proximité, inventive et partagée. Musique maestro.
Dans l’ancien grenier à foin, une ardoise est encore accrochée au mur. « On y marquait les scores », raconte Nicolas qui, enfant, a mille fois défié son frère au tennis dans cette sublime cathédrale de poutres et de briques. Trente ans plus tard, le maraîcher a posé sa raquette, effacé les lignes de fond de cour et prévoit d’ici quelques mois d’installer son projet d’avenir : un atelier de transformation, de conservation, collaboratif, biologique, créatif.
« A moins de 10 kilomètres d’ici, se trouve la plus grosse conserverie d’Europe, moi je vais en créer une à la ferme » s’amuse celui qui, dans le coin, fait à peu près ce que tout le monde ne fait pas. Quand ses voisins préfèrent la grande culture, lui cultive plus de 100 variétés différentes. Lorsqu’ils vendent leur production à des coopératives ou à Bonduelle, Nicolas commercialise tous ses légumes en direct, à des restaurateurs, des cantines ou aux membres de La Ruche qui dit Oui ! « Je préfère créer de la valeur ajoutée sur mon exploitation plutôt que de faire la course à l’agrandissement. »
Il est aussi le seul dans le canton à être en agriculture biologique, à cultiver du chou kale et à avoir planté des vignes collaboratives. « J’ai toujours mille projets en tête sinon je m’ennuie, confie le quadragénaire qui vient tout juste d’installer 350 m2 de panneaux solaires sur l’un des bâtiments de sa ferme. Comme ça, ma ferme peut afficher un bilan carbone neutre. »
Nicolas est un enfant du pays. Sa famille est arrivée ici, après-guerre, dans cette petite vallée de l’Omignon qui n’a pas volé son nom. Derrière le portail en fer forgé élimé digne d’une couverture de Marie-Claire déco, quatre bâtiments de ferme délimitent le jardin. Dedans, une ex-porcherie, une ex-écurie, une ex-bouverie (pour les bœufs) et une ex-vacherie.
Derrière le bâtiment le plus grand, trois serres font mûrir les légumes avec les seuls rayons du soleil. Nicolas y a planté les variétés classiques du coin mais aussi des tomates cornues des Andes, des poivrons des Landes, des piments d’Espelette, des melons et des pastèques… Il y a 3 ans, il teste le chou plume, sans trop savoir à quoi ressemble la bête. Le jour où les américains parisiens découvrent sur le site de La Ruche qui dit Oui ! que la brassicacée à plumes n’est autre que du chou kale, Nicolas devient illico le maraîcher le plus glamour de la galaxie. Reportage in english sur France 24, M6, Marie-Claire, pendant plusieurs mois toute la presse se presse en Picardie.
Si Nicolas a grandi ici, il en est aussi parti dans les années 1990. Pendant un temps, il préfère un temps les lignes de code aux lignes de culture. Au sein de la France agricole, il développe le site internet, rencontre sa douce, s’installe à deux pas de Compiègne et revient régulièrement à la ferme donner un coup de main à son père. En quelques années, il passe du coup de pouce classique pour les moissons, au quart temps puis au mi-temps, jusqu’à reprendre l’exploitation pour de vrai en 2007. « Dès le départ, j’ai amorcé la conversion en bio. Pour moi c’était logique, je ne me voyais pas cultiver autrement. » Nicolas commence avec 2 hectares pour arriver à 10 aujourd’hui. Cette année, il vient même de convertir une partie de ses parcelles céréalières au bio. «J’adorerais les transformer en céréales soufflées pour le petit déjeuner. »
Dans le canton, Nicolas est le dernier des mohicans (ou le premier) à privilégier la vente directe. Mais il ne travaille pas seul pour autant. Au contraire. Pour les transports, il mutualise ses livraisons avec des collègues du Nord-Pas-de-Calais. « On optimise au maximum les trajets Boulogne- sur-Mer/Paris ». Depuis plusieurs mois, une petite partie de son terrain fait le bonheur des amateurs de Petite piquette picarde. Sous la conduite d’une vigneronne avertie, une centaine de pieds de vigne parrainés par autant de buveurs de vin, ont été collectivement plantés. « Avec le réchauffement climatique, si ça se trouve on aura plus qu’une piquette. » Verdict dans 5 ans avec les premières vendanges.
C’est dans ce même état d’esprit que Nicolas imagine sa conserverie. On y trouvera tout le matériel pour réaliser des soupes, des plats cuisinés, des chips, des tajines. Il reviendra ensuite aux bloggueurs, aux petits et grands chefs, aux gourmands de venir y créer leurs recettes à partir des bons légumes de la ferme. Ca vous tente ?
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