Préférer les circuits-courts à la grande distribution pour s’en sortir, certains éleveurs ont pris ce cap. Témoignage en Rhône-Alpes.
Bernadette, éleveuse dans l’Ain sur le plateau du Bugey, comprend aussi la colère et la mobilisation massive des agriculteurs. Parmi les éleveurs qui se font entendre, il n’y a pas seulement de gros producteurs à la tête de fermes-usines : les petits producteurs sont aussi en ligne de mire et rencontrent une kyrielle de difficultés desquelles elle se sent solidaire pour être passé par là. A une époque, on produisait du lait sur l’exploitation mais devant des prix toujours tirés vers le bas, il n’était plus possible de s’en sortir.
Aujourd’hui reconvertie dans l’élevage de bovins certifié en agriculture biologique au sein d’une exploitation familiale de trois associés, elle dresse un constat alarmant : la plupart des éleveurs bovins vendent leurs carcasses brutes aux transformateurs qui fixent les prix selon les cours et qui peuvent décider de les revoir à la baisse si la pièce ne convient pas. C’est bien souvent leur seul débouché, ils sont complètement dépendants des industriels.
Et c’est David contre Goliath : quand les grands groupes établissent des contrats pour leurs fournisseurs, ces derniers peuvent se perdre dans les méandres juridiques et ainsi perdre leur liberté pour peu qu’ils ne connaissent pas le jargon des juristes. Ainsi un éleveur qui voulu cesser de fournir une enseigne de la grande distribution, a vu son exploitation mourir. Bernadette soulève une autre difficulté liée aux normes toujours plus contraignantes, un travail administratif et une comptabilité qui prennent énormément de temps pour pouvoir prétendre aux aides de la PAC.
Eux ont fini par choisir les circuits courts pour commercialiser leur viande bovine. Mais cela ne se fait pas sans difficulté. En effet, cela implique une maîtrise de la totalité de la chaîne de production : de l’élevage à la commercialisation. Cette activité a nécessité des investissements très importants, comme par exemple le laboratoire pour la transformation (passer de la carcasse de la bête aux pièces de viande).
Inutile de préciser que Bernadette, Dominique et Dany ne comptent par leurs heures : il faut produire l’alimentation, prendre soin des bêtes, transformer puis commercialiser sur leurs différents circuits. Mais grâce à cela, ils s’en sortent et ont la satisfaction de produire une viande de qualité, en accord avec leurs convictions. En étant toutefois loin de rouler sur l’or : il n’est pas toujours possible de verser un salaire à chacun tous les mois. Pour Bernadette, « c’est tout un système qui est à revoir : la base, c’est que les producteurs devraient être libres de fixer eux-mêmes leurs prix ».
Mais pourquoi donc les petits paysans vendent aux industriels ?
Parce que c’est le seul piètre gage de sureté : par ce biais, ils sont sûrs qu’on va leur acheter leur viande, qu’il y aura une rentrée d’argent même si on ne sait pas toujours laquelle. Dans les circuits-courts, c’est différent. Il faut être certains de trouver un débouché et cela demande un travail supplémentaire incluant la transformation et la commercialisation, ceci avec de gros investissements qu’il n’est pas toujours possible d’assumer. Il y a bien la solution de vendre aux bouchers, mais il apparaît difficile d’avoir une régularité dans ce type de circuit : les éleveurs ne sont pas sûrs que celui-ci va leur acheter leurs carcasses de façon régulière.
_____
Lire aussi :
- « Nous sommes même allés jusqu’à faire un crédit pour nourrir nos cochons » : confidences de François et Elisabeth dans le Tarn.
- « Ils court-circuitent la grande distribution » : ces expériences qui marchent en Alsace.
- « Avec la vente directe, on a gagné la sécurité sur nos prix » : le parcours de Cathy, militante du local en Ile-de-France pour faire face aux crises agricoles.
Photo de Une : ©Thomas Louapre
[…] la base, les producteurs devraient être libres de fixer eux-mêmes leurs prix » : le témoignage de Bernadette, éleveuse dans l’Ain sur le plateau du […]
Ils ont le droit de vivre décemment de leur travail. Fixer un prix ne veut rien dire en soit. Un prix pour quoi faire ? Pour s’enrichir ? Pour tuer la concurrence ? Non, un prix juste est suffisant. Un prix qui permette à la terre de se renouveler, de nourrir les bêtes sainement, même si les pâturages devraient suffire,de rémunérer l’exploitant pour qu’il puisse inverstir, de vivre dignement. L’argent, le prix, qu’est ce que ça veut dire ? Ces gens travaillent durs tous les jours, ils se consacrent à leur métier corps et âme, ils nous nourrissent ! Ils méritent largement de vivre dignement tout simplement.