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On the road again

42 jours seul sur la frontière

Pierre Hérant en a sous le pied. Il y a deux ans, comme les anciens pèlerins, il a marché jusqu’au Mont-Saint-Michel depuis Nice. Rebelote, sac à dos et chaussures de rando : il a cette fois arpenté le massif des Pyrénées, et raconte sa traversée.

© Pierre Hérant

J’ai traversé la France à pied, il y a deux ans. Mon sac à dos et moi avons fait route ensemble comme d’inséparables frères siamois, alternativement très amis ou très ennemis selon les circonstances. Si à mon retour je suis resté sédentaire durant plusieurs mois, lui ne demandait qu’à repartir. Ce sera le massif des Pyrénées. J’ai embarqué sur ce vaisseau de pierre le 7 août 2019 à Banyuls-sur-Mer sur la Méditerranée, je l’ai parcouru d’est en ouest de sa poupe à sa proue, avant d’en redescendre le 17 septembre, à Hendaye, devant l’océan Atlantique.

Une combinaison de trois itinéraires pour traverser les Pyrénées

Je voulais rester le plus près possible de la frontière établie au 17e siècle par Louis XIV et Philippe IV d’Espagne. Mon parcours a donc mixé trois itinéraires : la haute route pyrénéenne HRP passant au plus près des crêtes, le sentier de Grande Randonnée GR 10 qui longe le versant français et le sentier de Grande Randonnée GR 11 qui fait de même du côté espagnol.

Une longue marche étant une occasion rare de mettre son esprit en état de relaxation prolongée, j’ai réalisé cette traversée de façon ininterrompue. J’ai ainsi parcouru les Pyrénées-Orientales en dix jours, Andorre et la Catalogne en onze jours, l’Aragon et les Hautes-Pyrénées en neuf jours puis le Béarn et le Pays basque en douze jours.

Une logistique minimale

Une tente légère, un duvet, un réchaud, les cartes topographiques nécessaires chargées sur mon smartphone, un chargeur photovoltaïque, une bonne paire de chaussures, des bâtons de marche et un chapeau constituent l’indispensable. Quant à la nourriture, j’ai dû la trouver sur place, dans les neuf épiceries mal réparties sur le parcours, auprès des bergers vendant du fromage et dans les quelques refuges gardés proposant des repas.

Une rivière vivante et musicale : le son des grelots de la descente d’estive après les premières neiges. © Pierre Hérant

Un parcours exigeant

Les Pyrénéens aiment leurs Pyrénées à la folie et ce sont pour eux les plus belles des montagnes. J’ai compris très vite que si la beauté se mesure à l’aune de l’âpreté, de la rudesse, voire de la sauvagerie, ce massif était sans conteste l’un des top-modèles sur la planète. Jamais je n’ai ressenti au cours de mes précédents treks dans différentes parties du monde, y compris dans l’Himalaya, la nécessité comme ici d’apprivoiser chaque pente, éboulis, col et crête pour être autorisé à passer.

Jour après jour, je me suis plu à m’imaginer explorateur découvrant une région inconnue, où prudence et humilité sont continuellement nécessaires. Inutile d’aller rechercher des impressions fortes à l’autre bout du monde avant d’aller faire un tour au bas de la carte de France !

Le pic du Midi d’Ossau et le lac d’Ayous. © Pierre Hérant

Une convivialité et un grand isolement

Henry Russell, un explorateur qui a fait le tour du monde au 19e siècle avant de tomber amoureux fou de cette chaîne de montagnes et d’y réaliser un grand nombre d’ascensions en solitaire, a écrit : On est plus brave dans les montagnes quand on est seul. C’est un bonheur d’être deux, c’est une leçon d’être seul. J’ai beaucoup appris sur moi-même en recherchant mon itinéraire sur des sentiers non balisés, à haute altitude et par temps de brouillard.

Ces moments difficiles renforcent d’autant le plaisir des échanges avec d’autres randonneurs sur le sentier, avec des bergers dans leurs cabanes et avec les gardiens des refuges. Ce lot quotidien de surprises et de découvertes constitue le moteur qui permet d’effectuer jour après jour entre quinze et trente kilomètres de montées et descentes, assortis en moyenne de mille mètres de dénivelé positif.

Au lac d’Arrémoulit, à 2265 mètres d’altitude, devant le plus vieux refuge des Pyrénées, la surprise d’une représentation de la compagnie Spectacle à dos. © Pierre Hérant

Des régions diversifiées mais solidaires

Du nord au sud et de l’est à l’ouest de la chaîne, les Pyrénéens français, espagnols, andorrans, catalans, aragonais ou basques forment une seule famille de montagnards, tous unis par un amour inconditionnel de leurs vallées, de leurs traditions et de leur longue histoire commune. La frontière les a divisés en deux nations il y a plusieurs siècles. Quel aurait été leur destin si l’un des deux pays avait pris un avantage décisif sur l’autre et avait imposé que la frontière passe au pied des Pyrénées plutôt que sur les crêtes ?

Quelques habitants ne connaissent pas cette séparation. Ce sont les animaux sauvages, et parmi eux les ours, l’espèce la plus emblématique de ces montagnes. Ces derniers vont et viennent librement d’un côté ou de l’autre selon la maturité des végétaux, qui composent la quasi-totalité de leur nourriture, contrairement à ce que veulent faire croire leurs opposants. On m’a souvent demandé à mon retour : As-tu vu un ours ? Vu non, mais entendu peut-être. Car un soir, loin de tout dans le barranco de Montarruegos, j’ai été effrayé durant quelques minutes par des rugissements et des grondements épouvantables à proximité de ma tente. Enfoncé au plus profond de mon sac de couchage, j’ai été très soulagé d’entendre s’éloigner cet animal que je n’ai pu identifier.

Pour Henry Russell, les Pyrénées s’apparentaient à l’Afrique pour leur partie ouest, à la Sibérie pour leur centre, à l’Europe pour leur partie ouest. Le cirque de Barroude ne serait-il pas un peu islandais ? © Pierre Hérant

Un test pour l’organisme et une grande satisfaction à réussir

Au-delà des 600 dernières générations, tous les peuples sur terre étaient des chasseurs-cueilleurs. Ils se déplaçaient en permanence d’un campement à un autre pour ramasser des plantes, chasser et pêcher. Marcher sur de longues distances en montagne constitue la poursuite de cette activité obligée de l’Homo sapiens. C’est un effort qui déclenche de multiples réponses adaptatives du système cardiovasculaire, du système respiratoire et du système musculo-squelettique et qui améliore chaque jour les capacités physiques du marcheur.

J’ai constaté les effets de ce processus durant ces 770 kilomètres et leurs 44 000 mètres de montées, car je n’ai jamais ressenti de douleur handicapante ni de fatigue extrême qui m’auraient contraint à m’arrêter.

Au 42e jour, enfin l’océan Atlantique ! © Pierre Hérant

Mes conseils pratiques : choisir le menu à la carte

Avec leur grande étendue et leur large variété, les Pyrénées sont une source inépuisable de randonnées. Les sentiers balisés sont innombrables, les cabanes et les abris librement ouverts aux randonneurs sont légions et les refuges gardés sont nombreux en altitude.

En s’aidant des cartes IGN aux 1/25 000 et des différents topo-guides de randonnées publiés, il est facile de définir des itinéraires réalisables en boucles sur quelques jours.

Il est aussi possible de parcourir cette chaîne de montagnes durant plusieurs jours, puis de revenir à son point de départ en utilisant les trains qui la longent, et parmi eux le célèbre petit train jaune et sa voie ferrée époustouflante.

J’ai écrit le récit complet de mon trek dans lequel chacune des étapes est décrite et commentée, à l’intention de ceux qui sont prêts à se lancer dans tout ou partie de cette traversée des Pyrénées :
À l’Ecole du Trek dans les Pyrénées – seul, de Banyuls-sur-Mer à Hendaye par la HRP, le GR 11 et le GR 10, et

Et pour ceux qui préféreraient une traversée de la France à pied :
L’« autre » pèlerinageÀ pied par les sentiers, de Nice au Mont-Saint-Michel.

3 commentaires

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  1. Merci pour cet article et les très belles photos qui font rêver.
    Une petite remarque un peu en marge : les références des livres pourraient renvoyer vers des plateformes avec un autre modèle de développement qu’Amazon. Par exemple placedeslibraires.fr, qui respecte davantage les librairies en bas de chez soi …

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