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VDM (vie de maraîcher) : l’impasse de la carotte

Quel beau métier que celui d’agriculteur, se prend-on à fantasmer certains jours lorsque l’on frôle l’overdose d’écrans. C’est utile, noble, vital et cette vie au grand air, franchement il n’y a pas plus sain. Voilà comment, en cette fin novembre, j’ai lâché mon clavier pour me plonger dans cet univers si vivifiant. Une journée à me geler les doigts et à tenter de récolter un kilo de panais. On ne m’y reprendra pas.

Dans le Nord de la France, mieux vaut se couvrir. Nicolas vient d'installer 1400 m2 de serres.
Dans le Nord de la France, mieux vaut se couvrir. Nicolas vient d’installer 1400 m2 de serres.

S’il y avait un canard dans le coin, c’est sûr il se serait pendu ce jour-là. Ce 28 novembre, le ciel laiteux posé sur nos têtes ne laisse apparaître aucune lueur d’espoir. Au mieux il bruinera, au pire, il fera nuit à 15h45. Bienvenue à Devise, en Picardie chez Nicolas Thirard, premier maraîcher bio à être entré dans le réseau. Il est 10h et la température extérieure ne dépasse pas les 5°C. Qu’est-ce qu’on fait ? Première mission de la journée : rendre visite aux salades pour savoir si elles sont bonnes à récolter. Bonnet vissé sur la tête, on pousse la porte des nouvelles serres du maraîcher. Une cathédrale de 3 tunnels accueille sur 52 mètres de long et 28 mètres de large plein de sortes de pousses vertes : mesclun, scarole, mizuna (un specimen asiatique), roquette, mâche…

Et ça pousse là-dessous ? Pas des masses. Quand les salades sont prêtes à être dégustées en un mois l’été, l’hiver, il leur faut près d’un trimestre pour arriver à maturité. « S’il y avait un rayon de soleil, ça changerait tout, la serre pourrait se réchauffer mais là avec ce ciel plombé, il n’y a pas grand chose à en tirer. » Le thermomètre posé dans un coin n’annonce qu’un 8°C sous la bâche. Pour l’ambiance tropique du Capricorne, on repassera. Et pour les scaroles, on patientera jusqu’au mois de janvier. En attendant, on cueille quelques beaux bouquets de mizuna qui ne semble pas craindre le froid. Sous mes gants de laine mouillés, mes doigts commencent à geler. Ca meule en Picardie.

Dès qu'un rayon de soleil pointe son nez, ça chauffe. En attendant, on attend...
Dès qu’un rayon de soleil pointe son nez, ça chauffe. En attendant, on attend…

Direction les cultures de plein champ. Nico sort le camion pour gagner du temps et nous faire reprendre quelques degrés. Le chemin est plus glaiseux que jamais. L’objectif est de foncer sans se planter ni s’embourber. Fangio des champs, Nicolas passe avec brio les bosses, esquive les ornières,  gère demi-dérapages et mini-glissades. M’étonnerait pas qu’il ait déjà couru le Paris-Dakar. Nous voilà devant un champ de légumes racines qui pour les néophytes de mon rang ressemble étroitement à un champ de grosses touffes. Y’a quelqu’un ? Ah oui quand on se penche tout droit vers le sol, quelques couleurs affleurent. Réjouie d’avoir repéré un magnifique specimen de carotte, je saisis naturellement les fanes pour extirper la bête du sol. Les feuilles me restent dans les doigts (gelés je vous l’ai déjà dit ?) et la carotte plantée dans la terre. Nicolas relate alors son épopée de la semaine avec un engin emprunté à son voisin. L’arracheuse de carottes s’est plantée dans le sol,  embourbée et il a longtemps été impossible de la faire redémarrer. L’opération a duré plus de 3 heures pour zéro carottes récoltées. Beau bilan.

Voilà les bêtes à arracher, bien moulées dans la terre.
Voilà les bêtes à arracher, bien moulées dans la terre.

On fait comment pour sortir les carottes de là ? « On peut attendre qu’il gèle, l’arrachage sera à nouveau possible. Le problème c’est qu’il faut non seulement qu’il ne gèle pas trop fort mais en plus que ce ne soit pas dans trop longtemps. » C’est vrai que les légumes jouent déjà dans la catégorie poids lourd. Certains atteignent facilement 8 centimètres de diamètre au niveau des fanes. Bientôt dans un kilo de carottes, il n’y aura qu’une seule carotte. En attendant, la solution du jour consiste à réhabiliter la bonne vieille fourche à bêcher. La planter perpendiculairement dans le sol à 5 centimètres de la carotte, presser fort sur le pied puis faire levier avec le manche pour récolter… une énorme motte de terre. Maraîcher-archéologue, Nicolas libère la carotte minutieusement. Durée de l’opération ? 4 bonnes minutes par légume. Qui a dit que maraîchage bio était un métier rentable ? Mêmes manips pour les panais. Les betteraves, elles, plus sympas, ont la bonne idée de finir leur croissance presque sur terre. Après avoir arraché 20 kilos de terre et 5 de carottes, on lâche l’affaire. Vivement le gel !

Carotte avant démoulage.
Carotte avant démoulage.

La journée se poursuit par un petit tour dans la grange à cucurbitacées où potimarrons, potirons d’Etampes, butternuts, courges longues de Nice attendent d’être choisies. « Dans un mois, il n’y aura plus rien, les membres des ruches ont été trop gourmands. » Puis vient la pièce de préparation des commandes où Katy lave, pèse et range les légumes dans de grandes caisses vertes. Pour se réchauffer les doigts, ce n’est vraiment pas ça. Entre les patates fraîchement lavées et les pommes à conditionner, l’onglée nous guette. Il est 16h, la nuit commence à tomber. On se termine dans le bureau de Nicolas pour mettre en ligne les prochaines ventes. Il n’a jamais été aussi bon de se retrouver derrière un écran.

Victoire : et un panais !
Victoire de l’homme sur le panais !

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9 commentaires

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  1. Un bel hommage plein d’humour à la VDM (Vie de Maraicher), de quoi donner une nouvelle saveur quand on dégustera nos légumes, avec ou sans onglet!

    Merci

  2. Excellent, bravo les artistes !

    Entre le courage du bio et l’irrésistible appel du panais gelé, une rédaction ad-hoc nous dit… tout avec entrain et pertinence, on s’y croirait !
    L’accro de la plume que je suis, (tout autant adepte du bio et du régionalisme !) vous tire son chapeau…

    Belle Année à vous !

  3. Magnifique rédaction servant à mon sens très bien la qualité de l’article.
    Comme quoi, les plaisirs du grand air ne sont pas toujours au rendez-vous 🙂 !

    En tout cas, bravo Hélène pour cette immersion en « apiculture » ;-).

    Bonne continuation, et excellente année 2014.

    Laurent PHILIPPE, butineur à la ruche de Réau (77)

  4. Préservez-nous de l’onglée, l’onglet, on s’en charge… Blague à part, bravo au courageux citadin !!!

    1. Je devais avoir envie d’un bon steak en écrivant l’article. L’onglée a remplacé l’onglet. Merci à vous.

  5. L’onglet, tapie dans l’ombre avec sa complice la bavette, vous guette ? 🙂

    En tout cas, je vais les savourer mes prochaines carottes !

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