Pas le temps, pas la place, pas les moyens… La cuisine en entreprise, c’est souvent primitif et chacun pour sa pomme. On apporte les restes du dîner de la veille, puis on les mange froids ou réchauffés au micro-ondes (selon le degré de raffinement visé) ; en matière de gastronomie, le monde du travail n’est pas compétitif. Alors pour une fois, la Ruche a dit « non » ! Non au statu-quo ! Nous voulons cuisiner, tous les jours et pour tout le monde ! Quitte à faire des contraintes de l’entreprise un facteur de créativité. Il a fallu déployer des stratégies, pour continuer à gérer cette équipe avec une main de fer dans un gant de cuisine… Voici donc les coulisses de nos midis !
Alors, comment fait-on pour cuisiner en entreprise ? C’est simple. On fait petit à petit. En 2011, l’équipe de la Ruche-Mama ne comptait que six personnes, qui travaillaient dans des locaux partagés avec d’autres start-up. Dans un coin, lugubre et reculé, nous trouvâmes une cuisine sous-équipée, avec deux plaques de cuisson seulement. L’une était d’ailleurs si mal installée que, si par malheur nous y renversions de l’eau, l’électricité de tout l’étage sautait. Alors il fallait trouver le chemin du disjoncteur, à tâtons dans le noir, à travers la fumée des lardons grillés, sous les huées de nos consœurs et confrères. Des situations traumatiques, cela va sans dire.
Notre petite cuisine présentait un autre défaut : elle était dépourvue de fenêtre ou d’aération. Ainsi, dans la chaleur des appareils électriques et les vapeurs des casseroles, la température augmentait très vite jusqu’à des extrémités sudatoires, sinon cuisantes. Alors il a fallu s’adapter, trouver des solutions, tomber les chemises… Souvenirs inoubliables !
Petit à petit, notre kitchenette d’étudiant s’est transformée en atelier de traiteur : égoutte-vaisselle, planches à découper, cuit-vapeur, nouveaux plans de travail, récipients géants et, surtout, plaque à induction accompagnée de son titanesque wok (c’est la pièce maîtresse). A raison d’un achat par mois, la transformation s’est faite en douceur. Notez que pour stocker nos denrées alimentaires, nous avons recours à des contenants de verre ou de plastique, bien étanches aux mites.
Et puis, en octobre 2013, nous avons changé de bureaux. Et là, dès le départ, nous avons vu les choses en grand, en aménageant une cuisine ouverte et spacieuse, dotée de multiples rangements et d’un long comptoir en bois pour que plusieurs personnes y travaillent en même temps. Nous avons également trouvé, sur Ebay, une table de monastère de six mètres de long, autour de laquelle une vingtaine de personnes peuvent s’asseoir. Vingt personnes, cela tombe bien : c’est à peu prêt le nombre de personnes qui souhaitent rester déjeuner en général. Les autres sont libres, bien sûr, d’aller trouver le pitance ailleurs…
Notre mode d’organisation n’inclut aucune contrainte. Deux fois par semaines, deux volontaires se chargent de faire les courses : ils achètent avant tout des fruits et des légumes de saison. Tous les midis, les personnes qui le souhaitent investissent la cuisine et préparent à manger pour le reste de l’équipe avec les ingrédients qu’ils trouvent. Ils savent combien d’assiettes ils doivent remplir, car tous les volontaires ont dû s’inscrire au préalable sur un tableau Excel, que personne n’oublie de consulter quand le repas approche… Après le déjeuner, on passe l’éponge et on range son assiette dans le lave vaisselle. En terme de protocole, c’est tout ce qu’il a fallu mettre en place ! Nous ne planifions pas de rotations. Nous ne tenons pas les comptes. Comme à l’abbaye de Thélème, notre devise est « Fais ce que tu voudras ».
En entreprise, la tradition exige que l’on mange mal. Ça fait « plus sérieux » (et le sérieux est essentiel, n’est-ce pas). Un sandwich triangulaire de grande surface, farineux et propice aux aphtes, ça, c’est du sérieux : c’est pro. Ce n’est pas toujours facile de changer ses habitudes, mais vous avez toutes les raisons d’abandonner le ready-made culinaire, cette attitude dada qui consiste à qualifier n’importe quel objet « d’aliment ».
D’abord, cuisiner en entreprise est un gain d’argent pour l’employeur. Car c’est l’entreprise qui paye tous les ingrédients. En général, nous mangeons un repas complet (salade, plat, fromage, pain, dessert) avec 5€ par personne. Nous avons même prouvé qu’il était possible de faire un repas (plat + dessert) bio, local et savoureux pour moins de 2€ par personnes. C’est inférieur à n’importe quel ticket restaurant. Ensuite, cela permet aux équipes de se parler et de partager un bon moment, tous les jours. C’est un facteur qui soude et, globalement, permet d’attaquer l’après-midi du bon pied tout en organisant moins de réunions. Mais le plus gros avantage est ailleurs. Il ne se quantifie pas. Il ne rentrera dans aucun tableau comptable… C’est le plaisir, tout simplement. Un plaisir menacé de disparition d’ailleurs, car dans le monde industrialisé, la pause-déjeuner se réduit comme une peau de chagrin. En moyenne vos parents prenaient chaque midi une pause d’une heure et demi, mais vous, de vingt minutes seulement. Les conséquences sont sérieuses : stress, baisse de concentration, grignotage plus fréquent… Ce n’est pas un hasard si la médecine du travail recommande aux salariés de déjeuner, au moins, pendant 45 minutes.
Pour toutes ces raisons, nous avons créé le mouvement « Tous à Poêle au Bureau », dont l’objectif est de promouvoir la cuisine en entreprise partout où cela est possible, en France et même au delà. Par les réseaux sociaux, par nos articles spécifiques sur le blog de La Ruche qui dit Oui !, et aussi par des actions directes (défis lancés à d’autres entreprises, web-émission de cuisine avec les salariés de Google-France, etc), nous tentons d’étendre ce mouvement afin qu’un maximum d’entreprises se l’approprient.
Et peut-être qu’un jour… on aura plus qu’à s’inviter chez elles…
Des souvenirs … Le concept est bon et la cuisine est saine
J’adore, concept totalement génial. J’avoue avoir bien ri avec la photo « Tous à poêle au bureau ». Il est important de bien manger alors quand on a la chance de faire ça en entreprise et de partager ses recettes avec ses collègues, c’est tout bénef’. Bonne continuation
Très chouette concept! Chez nous, nous avons la chance d’avoir un espace extérieur privatif et dés les beaux jours, nous lançons tous les vendredi un bbq..1€50 la saucisse, 2€ le burger et 2€ de plus pour le pain avec salades et tomates du jardin en été ou bio du marchand…un délice…;)
Génial !! J’adore le concept, c’est convivial et si je pouvais je le mettrais en place! Bravo pour l’idée e la réalisation de ce projet! En France on mange bien et c’est important de se retrouver autour d’un bon repas!
Magique ! Merci pour ce témoignage.
j’ai toujours l’idée de passer partager un déj comme on l’avait évoqué, suis souvent en consult ou dans l’impro mais je garde espoir 🙂 Bravo pour ce mouvement et je parle régulièrement à mes patients qui sont en entreprise et sans cantine d’aller dans ce sens
Comme promis il y a quelques temps, je passerai vous voir la prochaine fois que je suis à Paris.
Cette fois, soyez en certains, se sera à l’heure du déjeuner!
Mais, pour l’instant, aucune date ne se profile dans mon agenda… alors patience.
C’est bien vrai que le plaisir d’être ensemble et de discuter le midi entre collègues, c’est pas quantifiable mais c’est que du bonheur ! Dans l’espace de coworking La Cordée, c’est un peu la même, on est tous ensemble au déjeuner, et c’est un moment d’échange humain irremplaçable !
Merci Benjamin pour ce rappel !
De notre côté on lance le premier repas collaboratif à Grasse, où les salariés d’une entreprise vont cuisiner pour les autres ! Au menu hamburger bio et salade de fruits frais pour 6€, c’est un bon début 🙂 Deuxième round prévu en juin, on a espoir que le mouvement prenne. Et bien sur on vous tiendra au courant.
Léa