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Mettez vos bottes : on fait de la science !

Tijs
Tijs

Flamand, vingt-huit ans, gueule d’ange : quand nous avons rencontré Tijs (prononcez « tèsse »), notre première question porta sur son arcade sourcilière amochée. « Le pansement ? C’est pour ma street-credibility« , répondit-il, « c’est important quand je vais à vélo dans les soirées breakcore de Bruxelles ». Depuis peu, il a aussi renoué avec la techno-hardstyle, « depuis que c’est redevenu underground ». Agro-écologiste, passionné de science et d’innovation, Tijs est peut être le maraîcher le plus cool du réseau. A vous de juger…

Une partie de la Ruche-Mama s'est rendue sur l'exploitation de Tijs (à droite).
Une partie de la Ruche-Mama s’est rendue sur l’exploitation de Tijs (à droite).

Si Léonard de Vinci avait tenu un potager il ressemblerait sûrement à celui-ci : 50 types de légumes (choux, carottes, oignons…) et 150 variétés (oignon blanc, oignon rouge, oignon jaune…) condensés sur une parcelle 2 000 m². Un véritable laboratoire de léguminologie. Pendant qu’il nous fait visiter les lieux, Tijs explique que sa démarche vise surtout à redécouvrir les variétés anciennes et typiques de la Belgique, et à leur restituer leurs robustesse d’antan. « En ce moment on travaille sur la Précoce de Héverlée, une variété très rare de laitue qui a été multipliée mais pas sélectionnée et qui a donc perdu certaines caractéristiques. » Pour les sélections, Tijs travaille en partenariat avec un paysan du village à côté qui, à mi-temps, se dédie à la quête de graines comme d’autres le font pour des pierres précieuses : entre les deux passionnées, les conversations peuvent durer des nuits entières…

Mais notre inventeur ne se contente pas d’intervenir dans l’arbre évolutif des plantes : il explore aussi de nouvelles techniques agricoles. Par exemple, il mène des expériences pour savoir s’il est possible de ne plus utiliser la tourbe (une matière fossile utilisée à grande échelle en maraîchage, y compris biologique). Dans cette optique, il souhaite aussi acquérir une vieille machine à planter les poireaux : elle a la réputation d’être inefficace mais Tijs a l’intention de lui donner une seconde vie, quitte à bricoler tout seul le chemin qui conduira ce tas de ferraille à la modernité. Bref. Son agriculture est techno soft-style et résolument slow-core.

Tijs nous présente sa nouvelle parcelle de 50 ares, qu'il mettra bientôt en culture.
Tijs nous présente sa nouvelle parcelle de 50 ares, qu’il mettra bientôt en culture.

Mais alors, d’où vient cette posture iconoclaste ? Premier élément de réponse : « Je n’ai jamais eu de formation. » Parce que les formations sont des formatages ? « J’ai pensé un moment suivre des études d’agriculture, mais ces écoles sont orientées vers un futur dont je ne voulais pas faire partie, où l’on ne parle pas de paysans mais d’entrepreneurs agraires. » Tijs ne doit sa culture qu’à lui même : pendant son adolescence il passa toutes ses vacances à travailler chez des fermiers, et surtout, il se plongea sans retenue dans les livres et les publications spécialisées. « Je cherche toujours à aller un peu plus loin, à faire des recherches moi même. J’ai vu des collègues qui travaillent mieux que certains experts dans les universités de Belgique. Ils notent toutes les expériences faites dans leurs champs et font des découvertes extraordinaires. »

Sur ce sujet il ne résiste pas à l’envie de nous raconter une anecdote révélatrice. Un jour qu’il se trouvait sur un marché, des étudiants en agronomie sont venus lui parler. Ces derniers lui soutiennent que production de pommes-de-terre ne se fait pas sans produits chimiques. « J’étais stupéfait. Je m’attendais à avoir des conversations très pointues avec eux. Car j’ai travaillé avec des fermiers qui n’utilisent rien, jamais, même pas le cuivre, et qui font cela depuis quarante ans. Mais ces étudiants m’ont répondu que c’était impossible. »

Pas de moteurs, mais de vrais rendements.
Pas de moteurs, mais de vrais rendements.

Si l’on veut comprendre les origines de Tijs, c’est dans le terreau familial que l’on trouvera quelques indices. Ses grands-parents étaient agriculteurs mais ils durent abandonner ce métier pour des raisons économiques : la modernisation du secteur ne laissait aucune chance aux plus petits. Fasciné par les anecdotes des anciens, Tijs se mit à rêver de travailler la terre un jour. Régulièrement d’ailleurs, il demandait à son père pourquoi celui-ci n’avait pas choisi de reprendre la ferme. « Raisons économiques » : la réponse ne se discutait pas plus que le plan divin. En même temps, son père ne racontait pas des salades puisqu’il était économiste de profession. De tendance hétérodoxe, il transmit à son fils une sensibilité écologique et sociale. « Il parlait toujours de la difficulté à survivre pour l’agriculteur, en tant que producteur primaire abusé par le monde financier et les industriels. »

A vingt-cinq ans, Tijs se sentait mûr. Avec quatre amis, ils fondent une société et commencent par exploiter une petite parcelle empruntée à un autre agriculteur. Paradoxalement, Tijs estime qu’il est « plus facile de devenir maraîcher quand on part de rien » : leur exploitation s’agrandit vite et les produits sont vendus sans peine en circuit-court. A la fin de l’année 2013, la première Ruche belge le contacte et Tijs accueille cette nouveauté avec curiosité. « En un mois, on a vendu toute notre production hivernale. » 

Encore une expérience de réussie ! L’heure de la Renaissance serait-elle enfin arrivée dans le monde agricole ?

Avant de repartir, Tijs nous a fait goûter son jus de pommes.
Avant de repartir, Tijs nous a fait goûter son jus de pommes.

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