Oubliez la minimale berlinoise. La trance goa, c’est fini. L’acide jungle de Boston, c’est mort. Faites place à la musique écologique de Bagnolet (93). Elle s’invente au quotidien dans les locaux de la Lutherie Urbaine, une association qui recycle de vieux objets trouvés pour inventer ses propres instruments. Et tous les publics sont conquis. Mardi matin, on y jouait un concert d’électro pour enfants. J’ai donc pris un grand rail de chocolat en poudre, et je suis parti à leur rencontre.
La Lutherie Urbaine est un atelier pour bricoleurs mélomanes. On y trouve des xylophones en plastique, des pianos à vent, des machines à laver l’acoustique, des orgues de tuyauterie… On se croirait dans un film de Michel Gondry. Ce n’est pas par hasard que son assistant décorateur, d’ailleurs, soit venu visiter les lieux pour trouver l’inspiration du pianocktail que l’on voit dans L’Écume des Jours.
L’association est née en 1999 sous l’impulsion d’un compositeur de jazz, Jean-Louis Mechali. Après avoir beaucoup voyagé, Jean-Louis s’était rendu compte que les instruments étaient traditionnellement faits de déchets recyclés, et que cette pratique perdurait partout dans le monde. Les flûtes sont taillées dans des os ou des bambous, les ocarinas sculptés dans la terre, les percussions jouées sur des peaux tendues, etc. Quand il rentre en France, Jean-Louis commence des ateliers où les amateurs peuvent se fabriquer leur propre batterie pour un coût dérisoire. Le même schéma sera décliné pour tous types d’instruments, dans différentes villes, et puis différents pays. Le programme-type dure un an : au premier trimestre on construit les instruments, ensuite on apprend à s’en servir, et finalement on monte un spectacle que l’on joue sur scène en fin d’année. Mais chut, silence, le concert de ce matin va commencer, on s’installe.
Le spectacle auquel on assiste est dédié aux appareils électroniques. Perceuses, rasoirs, presse-agrumes et sèche-cheveux sont assemblés sur une improbable structure métallique, reliés entre eux par des claviers et des ordinateurs. Les bruits des différents moteurs, amplifiés par les micros, servent de base pour cette musique que l’on pourrait simplement qualifier de dark-noise atmosphérique. Un enfant me tend des bonbons colorés : « Ce sont des Dragibus, ils sont forts. » J’en prends trois.
La Lutherie ne manque jamais de matière première pour ses créations. Elle peut se contenter d’objets trouvés dans la rue, mais reçoit aussi beaucoup de dons, au point de devoir les refuser parfois. Un jour, c’est une cantine scolaire qui se débarrasse de ses vieilles casseroles. Le lendemain, c’est une vieille dame qui offre 200 boîtes de conserve. Tout peut sonner, il suffit de savoir en jouer !
Le concert le prouve, en donnant un second souffle à des machines qui ne demandent qu’à révéler leur corde sensible. Sur la fin, il prend un tournant que l’on pourrait qualifier de cold-wave raggae-dancehall. Un style que les Inrocks auraient sûrement adoubé. Les enfants s’habituent à moi. On fait tourner un paquet de cigarettes russes.
La Lutherie, qui vient d’acquérir un nouveau lieu, fourmille d’idées d’activités nouvelles. En plus de l’écologie instrumentale, elle développe l’écologie de l’écoute, une pédagogie qui développe la capacité de nos oreilles à saisir les bruits les plus timides. Avec des micros et des capteurs placés aux bons endroits, on peut découvrir qu’une simple planche de bois, une éponge ou même un sachet de levure possèdent leurs propres sons, et qu’ils sont dignes d’être entendus. Sur ce principe, la Lutherie organisa l’année dernière un concert entièrement joué… avec du papier. A propos de concert, le nôtre se termine, la lumière se rallume, et nous partons visiter les ateliers.
On nous explique que la Lutherie prépare l’ouverture d’un Fab-Lab où seront fabriqués des instruments conçus pour les handicapés (qui, souvent, ne peuvent pas tenir ou jouer d’un instrument traditionnel). De plus, l’association va rayonner dans toute la France puisqu’elle est sur le point de s’associer avec une recyclerie dans chaque département. Là aussi, elle proposera aux non-professionnels des projets de construction puis d’expérimentation musicale. Si l’expérience vous intéresse, tenez vous informé !
Libérer son imagination, créer des choses nouvelles. Le message de la Lutherie sonne juste. Dommage, il est déjà temps de partir. Les enfants me proposent de les suivre : « Ce midi à la cantine, il y a des champignons. » Après tout, je ne me sens pas fatigué. Je décide de les suivre en after.
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La Lutherie Urbaine fait de la musique électronique, mais surtout de la musique acoustique ! Pour la découvrir, une petite vidéo de conclusion…
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