C’est parfois une preuve d’amour, souvent une jolie attention. Mais offrir un bouquet de fleurs peut aussi être totalement indélicat côté environnement et conditions de travail. Heureusement des labels et bonnes pratiques existent pour déclarer votre flamme sans brûler la planète. Effeuillage.
Je l’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… Si la Terre avait une déclaration d’amour à faire à un producteur de fleurs coupées, ce pourrait être à Audrey Guillopé du Clos des Roses. A deux pas de Saumur, la trentenaire a posé ses arrosoirs il y a une poignée d’années pour cultiver dans ses 5000 m2 de serres non chauffées des tulipes, des renoncules, des freesias, des pivoines, des lys, des alstroemères, des glaïeuls, des roses aussi bien sûr… Au total, une trentaine de variétés qui s’égrainent au fil des saisons, sauf l’hiver quand il fait le plus froid et qu’aucun pétale ne se risquerait à exister.
Pas de produit chimique ici. Lorsque l’araignée ou le puceron pointent leur nez, on invite insectes et acariens à venir leur faire la peau. Ca s’appelle la lutte biologique intégrée et c’est au moins aussi efficace que des bidons d’insecticides. Autre bon point pour l’environnement, une gestion de l’eau rigoureuse grâce à un système de goutte à goutte et un paillage au pied des fleurs. « Depuis qu’on a adopté ces pratiques, on consomme réellement 50 fois moins d’eau qu’avant, » se réjouit Audrey.
Malheureusement, ailleurs, la situation est souvent nettement moins rose que chez Audrey. A tel point qu’offrir un bouquet relève parfois du cadeau empoisonné tant il est chargé en pesticides, en gaz à effet de serre, en hectolitres d’eau et en conditions de travail déplorables. En effet, depuis 25 ans, la production horticole se déporte vers les pays du Sud, où le soleil brille plus haut et les coûts de production sont plus bas. « Des pays comme le Kenya, la Colombie, l’Equateur ou l’Ethiopie sont devenus en quelques années les principaux fournisseurs de fleurs coupées pour les marchés du Nord et la production de roses est devenue un secteur économique clé pour ces pays, » explique le label de commerce équitable Max Havelaar.
Pour l’heure, la Hollande qui éclaire et chauffe ses serres 24h/24 nous arrose encore davantage, plutôt pour le pire. En effet, le bilan carbone des fleurs du Plat pays est quatre fois plus lourd que celui des roses kenyanes. Si quelques bastions de production horticole résistent en France aujourd’hui du côté de la méditerranée, les Pays-Bas représentent 72 % de nos importations de fleurs coupées (en volume), l’Ethiopie 9 %, le Kenya 8 %, selon les derniers chiffres de la filière horticole publiés par France Agrimer.
Les Français restent très fleur bleue. Ils ont acheté en 2015 45 millions de fleurs coupées et dépensé ainsi près de 527 millions d’euros chez les fleuristes (à 35%), dans la grande distribution (30%) ou plus rarement directement chez le producteur (5%).
Plutôt timides et peu répandus, divers labels permettent pourtant de mieux choisir son bouquet. Sachez que l’on peut pour commencer acheter local et favoriser les filières qui fleurent bon notre terroir. Il suffit d’opter pour des fleurs labellisées Fleurs de France, une distinction lancée en mai dernier par Stéphane Le Foll. Le label assure au consommateur qu’il achète une fleur, un arbre, une plante ou un bulbe produit en France mais ne garantit pas une traçabilité bleu-blanc-rouge sur toute la ligne. « Le droit d’utilisation du label est accordé aux producteurs immatriculés en France qui produisent des végétaux à partir de boutures, porte-greffes… quelle que soit leur provenance, » indique le site. « Aujourd’hui, rappelle Audrey, il est très difficile pour les producteurs de fleurs coupées de trouver des graines ou des bulbes qui viennent de l’Hexagone, la Hollande contrôle tout. »
Autre label intéressant : Plante Bleue ou comment discerner les exploitations plus écolos que les autres, celles qui optimisent l’arrosage, limitent l’utilisation des engrais, réduisent les traitements, font des économies d’énergie… Avec ce label, on est souvent loin de l’agriculture biologique mais c’est déjà un premier pas. Le plus difficile reste à trouver des entreprises certifiées qui sont moins d’une centaine en France.
Vous aimez les dahlias ? Ca tombe bien parce que c’est la seule fleur aujourd’hui à avoir reçu le Label rouge. Le même que pour les poulets de Loué ou les sardines à l’ancienne, celui qui garantit une qualité supérieure des produits. Une centaine de variétés, dahlia Cactus, dahlia Collerette, dahlia Dentelle, dahlia Pompon balle ont reçu l’estampille. Que garantit-elle ? Que la fleur qu’on vous présente sur l’emballage est bien la même que celle qui va pousser. On appelle ça l’authenticité variétale assurée par des pieds-mères de bulbes régénérés tous les 5 ans et ce n’est pas du luxe.
En effet, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) révèle que près d’un tiers des bulbes de fleurs commercialisés en France ne sont pas conformes à la présentation qui les accompagne. Un dahlia Label rouge est aussi un bulbe de grande qualité, de gros calibre cultivé 20 semaines en plein champ qui, une fois fleuri, présente de superbes caractéristiques physiques. Dans quelques mois, quelques années, rosiers et géraniums pourraient bien aussi recevoir ce label de qualité. Des groupes de travail sont en cours.
« La dépense énergétique engendrée par l’achat d’un bouquet de 25 roses, équivaut à une balade en voiture de 20 kilomètres, » écrit le magazine Terra Eco.
Pour les roses, c’est du côté du label Fairtrade/Max Havelaar qu’il faut lorgner. Les produits chimiques les plus dangereux sont bannis. On optimise la consommation de l’eau grâce à des méthodes d’irrigation économes et au recyclage de l’eau. Les travailleurs sont payés décemment, bénéficient d’une protection sociale et médicale. Une prime de développement permet aux populations d’envisager des projets pour leur communauté (infrastructures de santé, bourses d’éducation, accès au crédit…). En 2014, en France, 7,3 millions de roses ont été vendues sous ce label équitable. Dans le monde, c’est plus de 675 millions.
Enfin, vous pouvez aussi frapper directement à la porte des producteurs-fleuristes comme Audrey. En mars, elle ouvre la saison avec ses premières tulipes. On dit que les spécimens multicolores murmurent : « Je rêve d’un amour fou et extravagant. » C’est plus chic qu’un SMS pour déclarer sa flamme, non ?
Producteur français qui livre : lilas rose boutique !
je viens de me former au métier de fleuriste et est hélas du faire face à cette réalité et suis heureuse de savoir qu il existe aussi ds ce domaine des producteurs bio. j’aimerai pouvoir offrir à mes clients des fleurs locales (suis en bretagne) et cultivées en respectant la terre. alors si vous avez des adresses je suis intéressée. merci ! isabelle
Merci, super article, qui nous apprend qu’il n’y a pas qu’en achetant son poulet ou ses légumes que l’on peut être éco-responsable 😉 concernant les fleurs, j’avoue ne m’être jamais posé la question… maintenant j’ouvrirai l’œil !
Bonjour et merci pour cet article qui pointe à juste titre l’impact des fleurs coupées sur les écosystèmes du monde entier !
Une chose me taraude tout de même au sujet du Label rouge pour les dahlia… Avoir des semences qui donnent exactement la même fleur que la plante mère, n’est-ce pas au prix de manipulations génétiques type hybride F1 ? Il me semble que naturellement il existe des variations au sein d’une mène espèce.
je ne suis pas surpris c’est une chose inutile et que j’ai en horreur depuis 40 ans
Moi ce qui me rassure, c’est que les jacinthes multicolores qu’on trouve à Noël, et bien après plusieurs années au jardin, elles redeviennent clochettes ! (jacinthes des bois pour les puristes). Donc la nature sait redevenir naturelle, si on peut dire….
On a vu plusieurs reportages d’investigation dénonçant les abus au sein des labels de commerces équitables, où les travailleurs ne sont pas si bien traités que ça, et les règles environnementales pas toujours respectées. Et puis on peut se poser la question de la pertinence d’acheter un bouquet de roses en janvier… On trouve sur nos marchés des producteurs locaux qui vendent à des prix tout à fait abordables. Ceci dit, attention aux vendeurs de perce-neige (espèce protégée par endroit) qui détruisent des milieux naturels et vendent souvent « au black », idem pour le muguet, il est interdit de détériorer les sous-bois. Et autre problème avec les bouquets de fleurs, c’est que nombre de producteurs propagent des espèces exotiques invasives…
Et si on se contentait des fleurs du jardin ? en veillant au choix des espèces et de leur provenance….