S’il est un chiffre qui revient souvent dans le parcours du couple Thierrée, c’est bien le 8. Et cela leur sied plutôt pas mal. « Le chiffre 8 invite son porteur à avoir les pieds sur terre tout en étant ouvert aux mystères de l’univers. » Bienvenue à la ferme du Bois Champeau où le mot élevage rime avec maternage.
Leur ferme est dans le 7.8, les clôtures de leurs champs dans le 2.8. Christophe et Cathy se sont installés ici à la limite occidentale des Yvelines il y a 18 ans. La région est coquette et ressemble déjà à la Normandie. Il ne manque rien à la carte postale, pas même la pluie battante le jour de notre visite qui, ce 5 janvier donne toute sa dimension à l’expression « pleuvoir comme vache qui pisse ».
Lui est fils de paysan, boucher de formation et chauffeur de convois exceptionnels dans une première vie. Sur les 120 hectares de prairies, il assure depuis 1996 l’élevage des animaux de l’exploitation : 70 vaches charolaises ou limousines mais aussi des cochons, des poules, des chèvres et même des ânes. Elle, éducatrice spécialisée à la ville, assure toute la partie transformation et la vente directe. Autant dire que ses journées de travail s’arrêtent rarement à 18 heures.
Poudres de perlimpinpin
Ici, aucun des produits n’est labellisé bio et pourtant dans la pratique tout pourrait l’être. Cathy soigne ses bêtes avec de l’huile de pépins de pamplemousse, du chlorure de magnésium qu’elle achète au kilo, donne des granules d’homéopathie à ses poules, pose des cataplasmes à l’argile (elle n’appelle le vétérinaire qu’en dernier recours). « Dans le coin, on me prend parfois pour une sorcière, » s’amuse-t-elle. Avec un ton à donner la chair de poule, Cathy poursuit par le récit d’une expérience étrange. Il y a longtemps, un de ces veaux tombe malade et peu à peu voit son arrière train se figer. Le vétérinaire annonce une fin proche et propose de le piquer. Cathy ne peut s’y résoudre. Elle tente les tisanes de buis, les cataplasmes et finit par emmener la bête chez un rebouteux. « Il l’a frotté avec du vinaigre chaud, a apposé ses mains au-dessus de lui. Très vite, le veau s’est mis à trembler, comme en transe. C’était hallucinant. » L’animal a connu quelques mois de répit.
Famille nombreuse
Christophe, plus cartésien, prend aussi grand soin de ses bêtes. Il les appelle « mes filles », « mon bonhomme », sait parfaitement les reconnaître et, de temps en temps, s’amourache d’un veau qui ne finira jamais à la casserole. Chez eux, d’ailleurs, il n’y a jamais de fricassée, blanquette ou osso bucco. « Les poules ça ne me gêne pas de les tuer, explique Cathy, mais les veaux que j’ai aidés à sortir du ventre de leur mère, je ne peux pas. » Le couple sans enfant respecte au mieux les rythmes de tous leurs petits à 4 pattes. Les veaux tètent leurs mères pendant plus de 4 mois. « Quand il faut les sevrer, c’est le déchirement. J’ai déjà vu une vache pleurer, » confie l’éducatrice pourtant plutôt du genre XXL. C’est donc Christophe qui se charge d’emmener les bêtes à l’abattoir et confie la découpe à un boucher expérimenté. Cathy les change en saucissons, terrines, rillettes et autres gourmandises charcutières. Dans leur tandem, depuis toujours les rôles sont bien répartis. Il élabore les recettes, elle les réalise. Il règne sur la ferme, elle se charge des relations publiques. Et la partition à 4 mains sonne vraiment bien. En 2010, les rillettes de boeuf ont reçu le Prix des produits fermiers du Concours régional de l’innovation alimentaire (en Ile-de-France).
Pour Christophe et Cathy, touchés de plein fouet par la crise de la vache folle au moment de leur installation, travailler avec la grande distribution est impossible. « Il nous ont regardé crever pendant des années. Aujourd’hui, les supermarchés cherchent des circuits courts ? Ce sera sans nous. » La viande du Bois Champeau est vendue à la ferme, ponctuellement sur les marchés et, depuis septembre 2011, dans les Ruches parisiennes. « A 2000 euros de commande, je sors le champagne », avait promis Cathy au lancement de l’aventure. Le 5 janvier 2012, la première productrice de veau des Ruches parisiennes nous reçoit dans sa cuisine avec son Moët et Chandon…
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