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La banque avec qui manger

Il y a trente ans, à Paris, naissait la première Banque alimentaire pour remplir les assiettes des plus démunis. Aujourd’hui, la délégation Ile-de-France distribue chaque année 5 667 tonnes de nourriture à 250 associations et 65 épiceries sociales. Qui sont ceux qui nourrissent les 336 000 bénéficiaires chaque année ? Rencontre de l’équipe aux gilets fluo.

A Arcueil, 500 m2 d'entrepôts.
A Arcueil, 500 m2 d’entrepôts.

L’entrepôt de la BAPIF se situe juste derrière la maison des examens d’Arcueil, souvenir cauchemardesque de  millions d’étudiants. Il est huit heures du matin et déjà des dizaines de personnes s’affairent entre palettes et néons. Les uns manient le Fenwik, les autres installent le lieu de distribution. Dans la chambre froide, Daniel, palette d’or en 2013 pour son engagement quotidien au sein de la BAPIF classe les produits frais en fonction de leur date limite de consommation. « Il faut que l’on fasse partir en premier les produits à consommer le plus rapidement, sinon ils nous restent sur les bras. »

Dans les bacs du jour : de la rouelle de porc en pagaille, des petits suisses, des nems, du boudin antillais… Certains proviennent de grandes marques, « Danone est notre plus gros fournisseur de yaourts à DLC courte », d’autres ont été récupérés auprès des enseignes partenaires, de Monoprix à Carrefour en passant par Intermarché. Dans le jargon de la Banque alimentaire, on appelle ça la ramasse et d’ailleurs c’est l’heure de partir. Daniel prend les clés de son camion et commence sa tournée.

Lors des séances de ramasse, tout ne peut pas être récupéré. Figurent parmi les interdits à la récolte les produits présentant trop de risques à la consommation : coquillages, abats, farces, viandes réfrigérées non pré-emballées...
Lors des séances de ramasse, tout ne peut pas être récupéré. Figurent parmi les interdits à la récolte les produits présentant trop de risques à la consommation : coquillages, abats, farces, viandes réfrigérées non pré-emballées…

Tournée à la ramasse

Sur la route, le retraité fringant raconte comment il est tombé dans la marmite de la BAPIF il y a 7 ans. « A la retraite, je tournais en rond. Ancien professeur de sports, il me fallait une activité de terrain et plutôt physique. C’est un ami qui m’a proposé de le suivre. Aujourd’hui, je viens tous les jours pour la ramasse. La banque alimentaire fait partie de mon quotidien. » Effectivement Daniel est partout chez lui. Arrivé à la première enseigne, gilet orange vissé sur le dos, le sexagénaire file tout droit dans la chambre froide récupérer le paquet, saluant d’une main levée  les responsables du magasin. La récolte est maigre aujourd’hui, elle tient dans un gros panier. « Le service se dégrade ici, va falloir recadrer. »

La tournée se poursuit. Valentin, préposé à la Banque attend le camion sur le perron de son enseigne avec une palette déjà prête. Pas mal de bio, beaucoup de plats cuisinés, le butin prend forme. Le jeune homme remet à Daniel toute une liasse de papiers à signer. « Ce sont les bordereaux de remise, cela permet aux entreprises de déduire de l’impôt sur les sociétés 60% du prix des produits donnés. »  Une troisième halte permet d’attraper pas mal de fruits et légumes et même des fraises Tagada. «Un jour, lors d’une tournée, je me suis amusé à faire des calculs. Avec tout ce qui est jeté en France dans les supermarchés, on pourrait nourrir 5 millions de personnes quotidiennement. »

Beaucoup de produits indiquent la DLUO, la date limite d'utilisation optimale avec une mention du type : à consommer de préférence avant le... Ca n'a rien à voir avec la DLC, la date limite de consommation au-delà de laquelle le produit devient impropre à la consommation.
Beaucoup de produits indiquent la DLUO, la date limite d’utilisation optimale avec une mention du type : à consommer de préférence avant le… Ca n’a rien à voir avec la DLC, la date limite de consommation au-delà de laquelle le produit devient impropre à la consommation.

Marché commun

La BAPIF n’en est pas à ces montants-là mais les chiffres sont d’ores et déjà impressionnants. En 2012, la Banque a récolté 4359 tonnes de produits. Tous en limite de péremption ? Non, car les Banques alimentaires ne se nourrissent pas que des ramasses (qui ne représentent que 8% des produits). L’Union européenne et l’Etat assurent 36% de l’approvisionnement. « Sur les 50 milliards d’euros de la PAC, explique Marie-Thérèse secrétaire de l’association, 1% est prélevé pour le Plan européen d’aide aux démunis (le PEAD). Avec cet argent, l’industrie agroalimentaire coordonnée par France Agrimer, fabrique des produits pour les 4 associations agréées : la Croix rouge, les Restos du cœur, le Secours populaire et nous. »

Une quarantaine de références sont ainsi proposées aux associations qui doivent régulièrement composer leur menu et se faire livrer. En ce moment à la BAPIF, on trouve en direct des  prestataires de France Agrimer : du lait demi-écrémé, du fromage fondu, de la blanquette de veau cuisinée, de la crème dessert au chocolat, du gâteau de semoule, des macaronis, du steak haché, des oreillons de pêche…

De 8h30 à 16h30, près de quarante associations passent chaque jour faire leur marché.
De 8h30 à 16h30, près de quarante associations passent chaque jour faire leur marché.

Questions d’équilibre

Dans le hangar de la BAPIF, 7% des produits viennent également de l’industrie agroalimentaire qui refilent les promotions qui n’ont plus cours, les denrées en DLC courtes ou des produits ayant un micro-souci de fabrication dans la recette (quelques grammes de sucre en trop, une étiquette incomplète, des lasagnes de cheval…). « En 2013, on nous a donné 700 tonnes de poissons surgelés. Ici, à la cantine, plus personne ne veut en manger. » Enfin, 43% des denrées viennent des collectes en magasins organisées chaque année fin novembre. Vous y avez sans doute déjà participé. En 2012, 1879 tonnes de victuailles ont ainsi été collectées. Pour finir, la Région Ile-de-France alloue des subventions pour acheter des fruits et légumes qui manquent souvent à l’appel même si quelques agriculteurs offrent parfois leurs surplus de pommes de terre.

 

En Ile-de-France, 60 bénévoles et 9 salariés font tourner l'association.
En Ile-de-France, 60 bénévoles et 9 salariés font tourner l’association.

Prix coûtants

De retour de tournée, Daniel décharge son trésor. Les camionnettes de l’Armée du Salut, d’Emmaüs, de la Mie de pain jouent de marches arrières et de demi-tours pour faire leur marché. Il y a deux jours, elles ont pré-commandé sur le site leurs denrées qu’on leur livre ce matin sur un plateau. Sur place, elles peuvent aussi glaner les trouvailles du jour, celles que Daniel et ses collègues ont rapportées de leur tournée et rapidement triées.  « Parfois, il faut faire de la publicité pour certains produits, s’amuse Daniel qui déambule en clamant ‘il est pas beau mon pâté’. Il faut savoir être commercial. » Une fois leurs courses récupérées, les associations passent à la  pesée. Elles recevront leurs factures modiques en fin d’année (les légumes comme le steak dans le filet sont vendus 15 centimes le kilo, histoire de couvrir les frais de gestion).

Il est déjà midi. Les camions de la banque sont rangés. Daniel raccroche sa veste et s’apprête à rentrer. A 16h30, le hangar baissera le rideau après avoir distribué près de 40 tonnes de marchandises grâce aux 60 bénévoles et aux 9 salariés. Demain, à 7h30, Daniel sera à nouveau sur le pont. Prêt à remplir le frigo du voisin.

 

 

3 commentaires

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  1. Je connais très bien cette structure faisant moi-même partie de de la Banque Alimentaire de Vaucluse en charge de trouvez des producteurs ou des industriel ou grand magasin.
    l’association fête ses 30 ans cette année et nous avons des besoins de plus en plus important
    Nous demandons à tous les producteurs ou industriel de ne plus jeter mais de donner. Pour infos la Banque Alimentaire de Vaucluse c’est 9O bénévoles et environ 60 associations partenaires.

  2. Quoi ? il n’y a pas encore de commentaire ? Bizarre…
    Quelqu’un a-t-il entendu parlé de la collecte des restos du coeur ?
    Devinez où ils se fournissent ?
    La B(anque) A(limentaire) est un modèle incroyable. Que cela n’empêche personne, surtout pas, de faire autrement. Que tout à chacun trouve le moyen de ne plus en avoir besoin, ils en seront ravis. Mais la BA est une convergence d’origines étranges, où la dame patronnesse et l’ouvrier communiste parlent d’une seule voix.
    Je suis perpétuellement admiratif du travail accompli, dont la reconnaissance n’est qu’un dû, jamais une demande.

    je déteste les quêtes, mais soyez assurés que celle-là dépasse largement la notion de nourriture. Elle est facile à reconnaître, il y a un oiseau dans un bocal 😉

    Mangez-moi,
    Boris

    1. Bonjour…
      Pour répondre à Boris…et étant de cause car connaissant parfaitement les Restos du Coeur…. : La Banque Alimentaire et Les Restos du Coeur sont complètement différents et indépendant l’un de l’autre. Ce dernier n’est pas fourni par la Banque Alimentaire. Les Restos du coeur sont fournis par les dons des gens lors des collectes dans les divers supermarchés, par l’Union Européenne et par l’Etat.
      Oui d’accord avec vous….à quand LA solution pour que ce genre d’associations n’existe plus (ne plus avoir faim/froid) ?? 🙁

      De plus pour information aux lecteurs : de part ce fait, les restaurants du coeur sont beaucoup moins « asservis » car beaucoup de gens croient qu’en donnant à la collecte de la Banque Alimentaire ils donnent en même temps pour les Restos du coeur (donc ne redonnent pas) .
      Ils ont besoin de dons constants …et aussi de bénévoles car malheureusement de plus en plus de personnes en grand besoin viennent s’inscrire. Il faut savoir qu’on ne peut pas bénéficier en « claquant » des doigts de cette aide ; un dossier est fait et étudié afin d’octroyer ou non cette aide, donc on ne peut en abuser et chaque dossier est revu 2 fois par an (campagne d’hiver et campagne d’été) . Je viens ici expliquer comment cela fonctionne , je ne relate en rien (à l’inverse) comment les gens s’y prennent pour bénéficier de diverses aides….

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