Nous y sommes : les technologies numériques bouleversent notre vie entière et n’épargnent pas la façon de produire notre alimentation, de la commercialiser, de nous nourrir aussi. Pour le meilleur ou pour le pire ? Le Think Tank français Renaissance numérique fait le point dans son livre blanc.
La mission est déjà de taille pour les agriculteurs d’aujourd’hui. On leur demande de nourrir le monde, de produire une alimentation tracée, de qualité, tout en conciliant environnement et rentabilité des exploitations. En 2016, ils doivent en prime savoir aussi bien manier le tracteur que l’ordinateur. Le numérique s’embarque dans les champs.
Pour Renaissance numérique qui a réuni sur le sujet des scientifiques, des universitaires, des grandes entreprises du high-tech, des start-up et des organisations professionnelles, l’enjeu est de taille. Car l’agriculture numérique pourrait bien constituer la 3e révolution agricole, après celle du 18e siècle (où l’on a arrêté la jachère et la rotation des cultures) et celle du 20e siècle (faite de mécanisation, d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires).
Le numérique appliqué à l’agriculture constitue indéniablement un levier d’accroissement de la productivité. Comment ? Par des techniques de précision et des pratiques agro écologiques plus économes en ressources. Mais ce n’est pas tout. Internet transforme aussi le métier d’agriculteur du pilotage de l’exploitation au partage du matériel agricole (wefarmup), en passant par les conseils et formations techniques (e-learning), la vente directe (e-commerce & drive)… Et il n’y a évidemment pas que le producteur dans ses champs qui est concerné. Ce sont tous les maillons de la chaîne de l’agroalimentaire qui doivent s’adapter : coopératives, services agricoles, industrie, grande distribution…
Comme toute révolution, elle peut produire les meilleurs et les pires effets. Cela dépendra de ce que l’homme en fera…
Des raisons d’être optimistes ?
1/ Internet stimule le développement des circuit-courts
En raccourcissant la chaîne de distribution, le numérique est en train de recréer un lien étroit entre l’agriculteur et le consommateur, de faire redécouvrir à celui-ci l’existence des saisons et de redonner de la valeur à une agriculture paysanne mise à mal par 50 ans d’agriculture intensive et de consommation de masse. Les solutions internet favorisent le développement de la vente directe aux consommateurs (La Ruche qui dit Oui !, Drive-fermiers, …) ou à la restauration collective (Agrilocal, Solibio, Loc’halles, …).
Ainsi, 21% des agriculteurs vendent maintenant une partie de leur production en circuit court, contre seulement 15,4% il y a 15 ans. 72% des jeunes agriculteurs déclarent d’ailleurs vouloir vendre en circuit court. Ce sont de bonnes nouvelles quand on sait que les circuits courts génèrent plus de revenus pour l’agriculteur et stimulent l’économie locale, non délocalisable.
2/ La traçabilité numérique permettra de mieux connaître le contenu de notre assiette
Le numérique offre également de multiples possibilités d’améliorer la traçabilité de la chaîne alimentaire, du champ à l’assiette. L’utilisation des objets connectés agricoles (capteurs), des systèmes de contrôle des processus de fabrication ou de transformation, des puces électroniques, pourront garantir au consommateur une transparence complète sur l’origine, la composition, le bilan écologique des aliments qu’il consommera, à condition que les maillons de la chaîne acceptent d’ouvrir et de partager leurs données. Des applications mobiles (Open food facts, Notéo, Tellspec, …) commencent à devenir les Shazam de la nourriture. Des organisations agricoles aussi, comme Les Jeunes Agriculteurs (JA), sont actifs sur internet avec #viandedenullepart ou #laitdenullepart.
3/ Le financement participatif (crowdfunding) crée un système financier qui redonne du sens
Lorsque l’agriculteur fait appel aux consommateurs plutôt qu’aux banques pour financer un développement qui profitera aux deux, ça marche ! Les plateformes Miimosa, Bluebees, Kisskissbankbank (et d’autres encore) ne comptent plus les projets qui ont vu le jour grâce au soutien financier de particuliers ou d’entreprises. Ce type de financement n’est possible que grâce à la puissance d’internet et des réseaux sociaux. Les citoyens Français sont particulièrement sensibles au soutien des projets agricoles. La plateforme Miimosa y est entièrement dédiée et récolte en moyenne 6500 € par projet auprès des consommateurs alors que la moyenne des plateformes de financements participatifs (crowdfunding) tourne à 3500€.
4/ L’exploitation des données numériques peut contribuer à réduire les gaspillages dans toute la chaîne alimentaire
Les applications numériques anti-gaspi concernent tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Pour le consommateur, des applications mobiles (Le bruit du frigo, Checkfood, Frigomagic) permettent de mieux gérer son réfrigérateur et de moins jeter. Comme l’analyse François Houllier, président de l’Inra, « on peut imaginer un modèle où on aurait juste les quantités dont on a besoin, pas plus, en gérant mieux les dates limites de péremption par exemple ». Pour les industriels ou les distributeurs, des plateformes internet comme Feeding Forward aux Etats-Unis permettent d’optimiser l’écoulement des surplus. Pour les agriculteurs et les coopératives, des outils de gestion de commandes en temps réel et prédictifs leur permettraient de limiter la quantité de denrées alimentaires qui partent à la benne.
5/ L’agriculture numérique de précision promet de développer les pratiques agro-écologiques
L’exploitation du Big data (croisement de données météos, agronomiques, …) couplée à des objets connectés (capteurs de surveillance des cultures et des élevages) permettra d’accélérer l’adoption de nouvelles pratiques agricoles dites de précision capables d’accroître les rendements en diminuant la consommation de ressources (eau, énergie, aliments pour bétail) et d’intrants (engrais chimiques, produits phytosanitaires, …).
Des raisons d’être inquiets ?
1/ Le Big Data aux mains de multinationales comme Monsanto
La maîtrise des données numériques pourra conférer une puissance hors normes aux multinationales ayant investi dans le Big data et cela a de quoi inquiéter. Monsanto a par exemple racheté pour des montants exorbitants plusieurs sociétés (The climate corporation, Solum, Precision planting…) dans le but de croiser les data agricoles nécessaires. Pour quoi faire ? Redonner de la souveraineté aux agriculteurs ou les rendre encore plus dépendants de ses propres solutions ?
Le géant américain a en tout cas bien compris la puissance mondiale que lui conférerait une main basse sur l’agriculture numérique. Face à cette menace le Think tank Renaissance numérique préconise la création d’une plateforme française open data de collecte et d’analyse des données agricoles. Ce rapport attire l’attention sur l’immobilisme des institutions représentatives, chambres d’agriculture, coopératives et syndicats professionnels, (…) sans lesquels l’agrégation de toutes les données agricoles nécessaires est impossible.
2/ Les agriculteurs sont mal préparés aux bouleversements de l’agriculture numérique
Les programmes de formation dispensés par les lycées agricoles n’intègrent pas encore de modules préparant les futurs agriculteurs aux outils numériques et aux impacts considérables qu’ils auront sur leurs métiers. C’est à l’extérieur du lycée agricole qu’ils devront faire ces découvertes. Il parait donc impératif et urgent de moderniser l’enseignement agricole, mettre en place des programmes de Mooc (Massiv Open Online Courses) et de e-learning pour donner une chance aux agriculteurs de comprendre l’environnement numérique avec lequel ils devront nécessairement composer dès aujourd’hui et encore plus demain.
3/ Les agriculteurs engagés dans la vente directe n’ont pas encore pris le virage internet
Sur les environ 100 000 exploitations agricoles pratiquant la vente directe en France, on peut estimer que moins de 5% des agriculteurs se sont lancés dans la vente sur internet. Or, 68% des achats effectués dans un point de vente sont déjà influencés par le digital en 2015. Leurs points de vente à la ferme ou leurs magasins collectifs sont en danger s’ils n’intègrent pas rapidement la vente en ligne. Pour faire ses courses, le consommateur plébiscite le drive. Leur nombre a été multiplié par 10 en 5 ans ; passant de 260 en 2010 à 2600 en 2015.
16 propositions pour prendre le train du numérique
Pour relever ces défis de l’agriculture connectée dans une société numérique, le Think tank « Renaissance numérique a rédigé 16 propositions pour repenser ou adapter la production, la distribution et la consommation alimentaire à ces nouvelles exigences. Par exemple…
- Garantir la couverture réseau nécessaire à une agriculture connectée, sans pénaliser les exploitations selon leur zone géographique.
- Faire des coopératives les principaux acteurs du Big data agricole.
- Mettre en place des programmes open data expérimentaux sur certaines filières pour recréer un équilibre entre les prix de production et les prix de vente.
- Inciter les acteurs de l’agroalimentaire à mettre en place des outils de traçabilité grand public pour informer sur la provenance du produit.
Lire le rapport entier ici.
[…] magazine.laruchequiditoui.fr/faut-il-avoir-peur-de-lagriculture-connectee/ […]
Quand je me pose des questions de fond comme celle de l’agriculture numérique, je relis « Guérir la terre, nourrir les hommes » de Perrine et Charles HERVE-GRUYER- Actes Sud…….et j’ai mes réponses……je vous encourage vraiment à en faire autant…..
Euh! … et vous êtes sûr qu’on a besoin d’une application numérique pour gérer « son réfrigérateur et ne plus jeter ». Il fait combien d’hectares votre frigo?. Et un cerveau avec un peu de savoir vivre ou de bien séance ça devrait suffire, non?! Allez rêvons un peu, un cerveau bien fait, qui a conscience des conséquences de nos actes d’achat sur nos environnements sociaux, économiques, politiques et l’environnement tout simplement. Et pour les chefs d’entreprise un cerveau qui les positionnent en gestionnaire d’entreprise responsables de leurs choix d’entrepreneur autres que la maximisation de leur profit. Ce serait pas mal, combiné aux facilités procurées par les avancés technologiques de toutes sortes.
Je suis un utilisateur du numérique. Voici la liste de mes pratiques dans ce domaine :
Utilisation d’internet pour chercher, trouver et prendre la parole comme ici, dire ce que je fais, exactement ce que je fais, pour rester honnête et crédible. Après on a le droit de ne pas me comprendre ou être d’accord avec ce que je dis.
J’utilise un outil GPS pour me guider dans le champ car en semis-direct on ne voit pas toujours où on passe. J’utilise beaucoup le Smartphone ( un galaxy S5 new pour les initiés) qui me sert, outre à téléphoner(!), à consulter la météo en temps quasi réel (météociel), les pluies annoncées ect. Je l’utilise pour gérer les mails de ma boite mail Gmail. Je l’utilise beaucoup pour prendre des films et photos d’où le choix du S5, pas mal dans ce domaine. Je consulte toute une batterie de guides techniques que j’ai sous la main pour les conseils d’utilisation des produits, de la conduite des cultures, bref tout ce qui me permet de ne pas avoir à revenir à la maison pour les consulter.
J’ai une alarme de gestion de l’élevage en permanence sur le téléphone en cas de problème de ventilation ou d’alimentation qui se gère automatiquement.
J’ai aussi une application qui, grâce à une sonde capacitive, me dit l’état d’humidité du sol dans une culture, me disant quand il faut déclencher l’irrigation.
Je souhaiterais avoir une application de reconnaissance des herbes, je sais que c’est en développement.
Pour l’instant tout ce que je vous ai dit est gratuit sauf le guidage et la sonde.
J’aimerais ne pas tomber dans le piège du payant sauf si le jeu en vaut la chandelle.
Je peux consulter mon plan de fumure pour mieux gérer les épandage de lisier et engrais.
Pour l’instant je ne remonte pas de données car je me méfie encore de l’utilisation abusive qu’on pourrait en faire. Confier les data à des coop pourquoi pas mais je pense que celles-ci ne sont pas plus vertueuses que les Monsanto et autres car elles ne pensent qu’à leur intérêt avant tout.
Les agriculteurs, pas formés à ces technologies risquent de se faire confisquer leur datas pour une utilisation qui pourrait s’avérer couteuse voire pour mieux les asservir. C’est un risque.
Par contre l’utilisation des réseaux sociaux est une manière de garder la main, mais c’est du temps à consacrer.
Donc je me sens en vigilance, mais c’est bien pratique dans pleins de domaines, et en plus je viens d’apprendre comment on peut écrire des texte en parlant simplement, ouaaa le pied car je ne suis pas de la génération de la poucette!!!