L’accès à la terre, une galère quand on n’est pas du sérail. En 2015, les néo-agriculteurs cherchent de nouveaux chemins pour se faire une place dans le paysage rural. Et finissent par occuper le terrain.
« J’ai toujours su que ça serait difficile », rappelle Amandine Goy bien droite dans ses bottes. Née à Lyon dans les années 80, diplômée d’un master en gestion finance, la jeune femme ne regrette jamais d’avoir troqué son bureau de responsable administrative et financière contre l’herbe grasse des vaches laitières. Pourtant depuis le jour où elle a changé de cap, la trentenaire se bat pour accéder à la terre.
« Le projet d’installation agricole, dans le jargon on appelle ça le parcours du combattant. Il est semé d’embûches – spéculation foncière, accès au crédit – et de vestiges – 2/3 des départs à la retraite ne sont pas remplacés, 26 m2 de terres agricoles disparaissent chaque seconde en France -.; Plus encore si l’on n’est pas originaire du monde agricole. »
Dans les instances agricoles, les gens comme Amandine s’appellent les HCF, les hors cadre familiaux ou les NIMA, les non issus du monde agricole et ils sont plutôt nombreux. Selon le rapport publié par les Jeunes agriculteurs en 2013 *, « les porteurs de projets hors cadres familiaux (HCF) représentent près de 30% des installations de moins de 40 ans.»
Quelques signes particuliers chez les NIMA ? Ils sont jeunes (65% entre 27 et 35 ans), ont un niveau d’instruction élevé (66% des HCF interrogés sont titulaires d’un diplôme non agricole supérieur au bac et 43% d’un diplôme agricole également supérieur au bac) et l’on trouve parmi eux 34% de femmes dans un milieu où la moyenne des exploitantes plafonne péniblement à 27%. Enfin, plus de 30% d’entre eux se tournent vers l’agriculture biologique.
Mais toutes ces qualités ne suffisent pas à leur ouvrir les portes de la terre facilement. « J’ai d’abord opté pour une idylle amoureuse avec un éleveur de vaches, confie Amandine. Malheureusement ça a capoté. Alors je me suis formée pendant 3 ans mais ça ne suffisait toujours pas. J’ai parcouru les petites annonces spécialisées et toujours le même constat, pas d’ancrage territorial, pas de capitaux. »
Amandine ne cherche pourtant pas à acheter des terres, seulement à les louer. Rien n’y fait. On ne la connaît pas depuis des générations, on préfère louer les terres à quelqu’un du coin, à les faire faucher par un voisin, à faire monter les enchères pour les vendre aux Belges ou aux Hollandais, souvent largement plus offrants.
« Depuis 50 ans, la gestion foncière n’a été gérée qu’entre agriculteurs avec une logique familiale de gestion des terres, déplore Amandine. Il existe une forme de corporatisme institutionnel. »
A 900 kilomètres de là, dans le Pas-de-Calais, Thomas Boonen se heurte longtemps à ces mêmes portails fermés et aux petites magouilles entre amis. Il découvre l’arrière fumure, un genre de pas de porte douteux qui, parfois, peut atteindre des sommes pharaoniques.
« C’est tout à fait illégal, prévient Raymond Vial, Président de la Chambre d’agriculture de la Loire. Si personne n’acceptait ces tarifs, le soufflé retomberait. Il arrive aussi que les cédants intègrent dans leurs prix les aides qu’ils reçoivent de la PAC, ce qui n’est pas plus autorisé. Le problème, c’est que ces petits arrangements, souvent, ça ne se voit pas. »
Pour donner envie aux cédants de louer leurs terres à des petits nouveaux, certaines collectivités ont trouvé la parade. En Rhône-Alpes, la Région a créé le fonds d’avance au fermage. Concrètement ? Elle verse une avance au propriétaire représentant 5 années de loyer que le nouvel installé devra rembourser progressivement au cours des 5 premières années. « Cette aide régionale contribue ainsi favorablement à la négociation du bail et à l’établissement d’une relation de confiance entre le propriétaire et le nouvel agriculteur, » se félicite Raymond Vial.
L’exploitation rêvée par le HCF ? Des productions issues de l’agriculture biologique, vendues en circuit court, directement sur l’exploitation. (Rapport des Jeunes agriculteurs*)
De son côté, Amandine a trouvé une partie de la solution : elle vient d’intégrer un Espace test agricole dans la Drôme et se donne 3 ans pour se faire accepter de ses pairs. Objectif ? Trouver dans le coin 3,5 hectares de prairie pour y élever 4 vaches laitières, 4 veaux, 3 cochons et transformer le tout en fromages et desserts lactés. « Il faut que je montre ce dont je suis capable, il faut que l’on sache qui je suis. Etre une femme peut être un atout, ça donne un peu d’air frais dans ce monde essentiellement masculin. »
Pour financer son installation, Amandine a délaissé les banques et fait appel à Blue Bees, la plateforme de financements participatifs dédiée aux projets d’agriculture durable. « De plus en plus de jeunes démarrent avec ce type de financements, explique Raymond Vial car les aides officielles ne sont débloquées que lorsque le jeune a validé toutes les étapes de son parcours à l’installation. » Preuve que la pratique a le vent en poupe, la plateforme KissKissBankBank, a collecté en 3 ans 483 487€ pour faire émerger une quarantaine de projets agricoles.
« A l’issue des 3 ans de test, mon idéal serait d’intégrer une structure collective pour reproduire un système traditionnel de ferme familiale en polyculture, de diversifier davantage les productions, de réaliser des cosmétiques à base de saindoux et de suif, de me lancer dans la traction animale des vaches ou des boeufs. Et puis, j’aimerais bien rester dans la région. »
Le rapport des jeunes agriculteurs rappelle que « neuf NIMA sur dix sont toujours en activité dix ans après leur installation. L’avenir de l’agriculture passe donc par eux. » On vous donne le 06 d’Amandine ?
Vous souhaitez donner un coup de pouce à Amandine et l’aider à financer son usine des 4 vaches ? C’est par ici.
- * Rapport des Jeunes agriculteurs : « Création d’activité par les entrepreneurs hors cadre familial : besoins spécifiques, leviers d’action et complémentarité des dispositifs d’accompagnement. » Octobre 2013
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Bonsoir Amandine,
Merci pour votre gentille réponse. Je comprends votre souhait d’être près des vôtres.
Tout mes vœux de réussite. Dites à Hélène qu’elle peut vous communiquer mon adresse email.
Je fournis également le logement, l’étable et la grange.
Bien cordialement
Louis
Bonjour Louis,
Je travaille pour le Parc naturel régional du Perche sur le soutien à des projets comme celui porté par Amandine.
Je viens de voir votre proposition de mise à disposition de terres pour Amandine. Aussi je vous propose de vous mettre en relation avec des porteurs de projet qui cherchent de la terre plus près de chez vous. Hélène, pourriez-vous transmettre mon mail à Louis svp ? Merci.
Bravo Amandine, et bonne chance pour la suite.
Julien Kieffer
Bonjour Louis
Hélène m’a transmis votre proposition que je n’avais pas vu. Je vous en remercie infiniment. Je n’ai pas vos coordonnées et j’ai tenté de vous trouver via les pages jaunes!
Bien que votre offre soit particulièrement intéressante je suis obligée de la décliner. L’élevage qui implique une astreinte quotidienne suppose pour moi d’être proche de mes amis et de ma famille. A défaut de pouvoir aller les voir, je compte sur eux pour venir me visiter. C’est primordiale d’être bien entouré pour garder le moral lors des coups durs (et des moins mauvais)! Sans ça il y a peu d’évasion possible! J’espère que vous comprendrez. Je vous souhaite en tous les cas de trouver preneur pour ces verts pâturages. Bonne continuation à vous.
Très cordialement
Amandine
J’ai une proposition qui pourrait intéresser Amandine car je dispose d’un grand pré de 3,5 ha de fourrage dans le Perche (Orne). Je vais planter de la vigne sur 0,5 ha en pente; le reste est disponible.
Pouvez-vous lui transmettre ma proposition.
Ces lectures font énormément de bien !!! Elles « re-dopent » un optimisme que les médias tentent à longueur de jour et de semaine d’éteindre …
Bon vent à tous, amicalement.
ces jeunes « nima » sont formidables, l’avenir de la bonne agriculture c’est eux! Bravo, pourvu qu’on leur donne les moyens de continuer !