Voilà douze ans que la styliste Marcia de Carvalho récupère les chaussettes esseulées pour les transformer en vêtements aussi éthiques, écologiques que chics. Tudo bem !
Les écuries royales du château de Versailles n’avaient jamais accueilli un tel spectacle : un défilé de mode éthique à pied, à cheval ou en fauteuil. Nous sommes le 17 septembre 2020, le défilé solidaire 2020 des Chaussettes Orphelines s’ouvre sur 17 jeunes femmes arborant sur leur robe en jersey recyclé les 17 objectifs de développement durable de l’ONU. « Égalité entre les sexes » pouvait-on lire sur l’une, « consommation et production responsables » sur une autre ou encore « faim zéro », « eau propre et assainissement »… J’ai voulu par cette première escale afficher les ambitions de notre projet qui se situe à mi-chemin entre l’économie circulaire, la préservation de l’eau et des ressources et l’insertion, raconte Marcia de Carvalho, qui a lancé sa marque de vêtements et accessoires Chaussettes orphelines il y a déjà douze ans.
Défilé en mode inclusion
Le spectacle se poursuit par les cavalières de l’Académie équestre de Versailles qui, à cheval, présentent des pièces brodées par les résidentes d’Équinoxe et de la Nouvelle Étoile, deux sites d’hébergement d’urgence. On enchaîne par des robes, des pulls, des chapeaux, des jupes en chaussettes recyclées portés par des personnes en fauteuil ou par les enfants de la Goutte d’Or à Paris qui, eux aussi, sont parties prenantes du projet. Marcia dans une robe rouge qu’elle a dessinée et avec un sourire qui semble ne jamais vouloir la quitter vient saluer le public. En guise de discours, un simple baiser, cadeau volé au coronavirus.
Ce qui me rend heureuse dans ce projet, c’est d’inciter les gens à créer. L’énergie de la création nous sort d’une certaine torpeur, de la mélancolie. On est pris par une énergie de vie.
L’énergie de vie, voilà sans doute ce qui caractérise le mieux Marcia qui, en 2008, a créé l’association Chaussettes Orphelines pour donner une deuxième vie aux textiles usagés et une seconde chance aux personnes en difficulté. L’objectif est avant tout de créer du lien social et de produire sans détruire. Par ailleurs, j’ai toujours aimé les détournements, les transformations. Je me souviens avoir trouvé il y a une vingtaine d’années un gros stock de serpillères dans une usine que j’ai transformées en redingotes et autres vêtements très chics. Tout ça me vient de très loin, mon père recyclait tout ce qu’il voyait.
Chaussettes dernier tri
Pour expliquer sa démarche, Marcia s’appuie volontiers sur quelques chiffres. Il faut 1 350 litres d’eau, soit plus de 20 douches pour produire une paire de chaussettes en coton de 60 grammes. 20 % de la pollution mondiale des eaux vient du textile, à cause des teintures. Aujourd’hui, 90 % des chaussettes usagées ou orphelines sont jetées à la poubelle. Dans ce contexte, notre solution paraît assez évidente : utiliser l’existant et le recycler.
L’existant, ce sont ces chaussettes qui se retrouvent sans leur jumelle qui a été avalée par la machine à laver, s’est cachée derrière le radiateur ou laisse le gros orteil dépasser. Depuis un reportage sur Brut en 2019, l’association en récupère 2 tonnes chaque année. Elles sont d’abord triées par couleur par des personnes en situation de handicap à Paris. On récupère aussi des paires complètes en bon état que l’on offre à des associations ou des hôpitaux.
Les paquets de chaussettes claires, foncées ou colorées seules ou abîmées sont alors envoyées dans un atelier d’effilochage puis une filature dans le Sud-Ouest pour être transformées en fil.
Direction ensuite différents ateliers de création où le fil servira à tisser des chaussettes, des écharpes, des bonnets, des plaids co-brandés avec la Camif ou encore du jersey tricoté au mètre qui reviendra au point de départ, l’atelier de la Goutte d’Or. Avec les artisans et les couturiers du quartier, le jersey se mue en housses d’ordinateurs, en joggings, en pulls, en écharpes… explique Marcia. Cela permet de créer du lien dans le quartier et de s’assurer que l’aventure reste avant tout humaine.
Dans ses cartons, Marcia a mille projets parmi lesquels celui de répliquer le modèle partout en France mais aussi celui de créer en 2021 un centre de formation à la création pour les femmes qui sont en foyer, en centres d’accueil ou d’hébergement, pour les victimes de violences conjugales. Chaussettes orphelines, ça parle aussi d’inclusion et de dignité. Comme quoi une simple chaussette orpheline nous donne chaque jour une nouvelle bonne raison d’adopter ce projet.
1 tonne de chaussettes recyclées, c’est 25 tonnes de CO2 évitées et 16 millions de litres d’eau économisés.
Bravo pour cet article superbement bien écrit.
Intéressant ! Pourriez-vous SVP préciser les lieux de collecte ? Merci
Tous les points de collectes sont mentionnées sur leur site internet : https://chaussettesorphelines.com/pages/points-de-vente-et-points-de-collecte