Baskets Veja, barbe noir arabica, pantalon velours camel, Gérald Godreuil directeur d’Artisans du Monde nous reçoit autour d’un café équitable pour nous conter l’histoire d’une association désormais quadragénaire. Echanges au long cours, de la bourse ou du commerce international.
Artisans du Monde, sa centrale d’achat et ses 150 boutiques célèbre aujourd’hui ses 40 ans. Vous êtes donc né dans les années 70 en même temps que les mouvements écologistes et féministes. Ca s’est passé comment la création du mouvement ?
Gérald Godreuil – En 1971, l’Abbé Pierre lance un appel poignant pour venir en aide au Bengladesh alors touché par de grosses inondations. Un collectif – l’Union des comités de jumelage coopération jumelées (Ucojuco) – se monte pour aider les communautés locales à valoriser correctement leurs productions artisanales. Au départ, il s’agit principalement de sacs en toile de jute (que nous avons encore dans nos boutiques aujourd’hui) achetés là-bas et vendus ici. Porté par cette dynamique, quelques années plus tard, l’Ucojuco ouvre en 1974 la première boutique ADM dans le 9e arrondissement parisien.
Très rapidement vos boutiques étoffent leur offre avec notamment des denrées alimentaires, thé, café, chocolat, riz… Comment sélectionnez-vous les producteurs du Sud avec qui vous travaillez ?
Au départ, nous avons notamment collaboré avec le réseau CCFD (Comité catholique contre la faim et pour leur développement) engagé dans les pays émergents. Leur mission était de soutenir des projets de développement conçus et mis en œuvre par les populations. ADM leur offrait la possibilité de trouver des débouchés de commercialisation. Nos approches étaient très complémentaires. Depuis 1984, nous avons notre propre centrale d’achat Solidar’monde. Membre de European Fair trade association, une structure qui regroupe 11 centrales d’importation équitables dans 9 pays mais aussi de la Plateforme française pour le commerce équitable (la PFCE), Artisans du Monde travaille avec 62 groupes d’artisans, 50 organisations paysannes et dans plus de 40 pays différents.
Quelles sont vos propres règles du jeu ? Quelles garanties apportez-vous aux producteurs ?
D’abord le juste prix, celui qui permet une juste rémunération des acteurs économiques, qui prend en compte leurs besoins et ceux de leurs familles, notamment en termes de formation, de santé, de protection sociale. Ensuite, nous versons systématiquement un acompte lorsque les organisations de producteurs n’ont pas le fonds de roulement nécessaire pour acheter la matière première. Enfin, toutes les garanties portant sur le prix et la qualité des produits sont contractualisées. Et puis l’application même des principes du commerce équitable est évaluée via différents systèmes de garantie.
Vous parlez de prix équitable, comment l’établissez-vous ?
C’est là toute la difficulté du projet. En réalité je préfère parler de revenu équitable. Un prix équitable s’il ne trouve pas de débouchés économiques ne permet pas d’obtenir un revenu équitable. Tenez, si un artisan vous assure que le prix juste pour ses bols en terre est de 5 euros pièce et que vous ne pouvez en vendre que 2, l’équation ne tient plus. Un prix décent permet un revenu décent. Il faut aller finement dans l’étude et le calcul des prix pour parvenir à un modèle équitable. C’est d’ailleurs tout l’objet de notre mission : accompagner les producteurs à définir le prix le plus juste. La WFTO (World fair trade organization) et l’EFTA ont créé plusieurs outils pour aider à les calculer.
Prenons un café arabica du Congo, quelle part revient au producteur ?
24% du prix du paquet est versé au producteur du café, 9% pour l’organisation de producteurs à qui il appartient, 16% à Oxfam, importateur et torréfacteur, 1% à Solidar’monde pour le transport, 21% pour le fonctionnement de Solidar’monde (centrale d’importation et de distribution), 7% à ADM pour la partie appui au réseau et représentation, 18% pour les boutiques ADM et 5% de TVA. 1,04 euro est donc reversé au producteur dans un pays où le salaire minimum est de 0,8 euro par jour.
Vos boutiques sont tenues partiellement par des bénévoles, certains pensent que cela biaise la notion de vrai prix, que leur répondez-vous ?
Notre démarche n’est pas purement économique, elle est aussi éducative. Par le biais des boutiques et des groupes locaux nous organisons de nombreuses actions militantes et pédagogiques. Nous défendons un système où des engagements bénévoles et salariés se côtoient, nous sommes dans l’économie solidaire. Quand une collecte de dons est organisée par des bénévoles, personne ne se pose la question. Est-ce vraiment très différent ?
Puisqu’on parle de pédagogie, ADM a créé en 1995 le collectif de l’Ethique sur l’étiquette qui, comme son nom l’indique dénonce les pratiques abusives des multinationales essentiellement. L’information et la sensibilisation est aussi une mission d’ADM ?
C’est au cœur de notre projet depuis son origine. Le changement de consommation passe forcément par l’information et l’éducation du public. Avec les membres du collectif, nous avons lancé pas mal de campagnes : Soyez sport, Libère tes fringues qui ont bien secoué les consciences. Le collectif est indépendant depuis 2006 mais ADM continue ses actions de sensibilisation notamment dans les écoles pour « permettre aux citoyens, selon les termes de l’association, d’avoir un regard critique sur les dysfonctionnements du commerce international et de devenir acteurs d’une société plus juste ». Tous les ans, nous organisons aussi la Fairpride, un carnaval éthique et solidaire.
En 2005, on voit apparaître la première loi sur le commerce équitable Nord-Sud, 8 ans plus tard, le projet de loi de Benoît Hamon s’intéresse au commerce équitable Nord-Nord. Est-ce que vous vous reconnaissez dans cette dynamique ?
Dans nos boutiques, nous réservons désormais un espace pour les producteurs locaux. Notre objectif est de créer des relations avec les acteurs du territoire où sont présentes les associations ADM. Nous nous inscrivons également dans une dynamique Sud-Sud. Nous avons appuyé l’ouverture d’une boutique à Marrakech. A Dakar, nous avons également accompagné la création d’une boutique, un lieu d’information et de vente de l’organisation Maam Samba. Là-bas, soutenons également un projet avec des maraîchers bio qui proposent leurs produits sous une forme proche de celle des Amaps.
40 ans de militantisme et d’actions sur le terrain, qu’est-ce que ça change ?
Le commerce équitable a connu un grand boom dans les années 2007/2008. L’appellation a été clarifiée, encadrée, les produits se sont démocratisés. Depuis, les collectivités locales ont intégré les produits du commerce équitable dans leurs achats. La loi leur permet d’ailleurs d’ajouter des exigences équitables dans leurs marchés publics. Aujourd’hui les éboueurs de la mairie de Paris ont des tenues en coton Max Havelaar. Récemment, l’armée a commandé 100 000 chèches en coton équitable du Mali. Globalement, le chiffre d’affaires du commerce équitable reste en progression. Mais pour qu’il ne soit plus l’exception mais la norme, pour que les règles de l’Organisation internationale du travail soit respectées partout, Artisans du Monde peut encore vivre un certain nombre d’années.
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[…] Article complet à lire sur le blog de La Ruche qui dit Oui ! (09/10/2014) […]
continuons d’acheter vos beau bijoux en argent ext…. super pour les anivessaire ext….