Quand Philippe Paillou, ancien du Plaza Athénée prend les fourneaux d’une cuisine municipale, les enfants des cités mangent étoilé à tous les repas. Bienvenue à la cantoche de Trappes (dans les Yvelines) où les compotes ont des vrais morceaux de pommes dedans.
Le menu de Maessa, élève de CM1 à l’école Curie a été retenu pour cette semaine de repas conçus par les moins de 10 ans. En entrée, elle a choisi une salade verte vinaigrette et maïs, un tajine de poisson à la semoule en plat principal et, pour finir, un yaourt assorti de fraises à la chantilly. Lyara, elle, a réussi à faire passer pour le jeudi l’indémodable steak/frites tout en exigeant une sauce barbecue faite maison.
Oui oui une sauce maison que l’on fabrique avec de vrais ingrédients. Ici, dans les 50 salles à manger de la commune, les enfants sont habitués aux petits plats frais cuisinés avec amour, ketchup compris. « On a un stock de raviolis en boîtes, confie Philippe Paillou, directeur d’exploitation de la cuisine municipale, juste au cas où un événement exceptionnel se produise, du genre incendie ou gros problème de livraison. »
Depuis 2012, tous les repas de la commune sont élaborés dans un bâtiment blanc, carré et fonctionnel flanqué d’une bannière bleue indiquant « Cuisine municipale les Marmitons ». On y entre avec une blouse et des surchaussures dans la zone rouge, dite « sale », celle où l’on stocke tous les produits secs et emballés pour passer dans la zone verte intermédiaire, charlotte vissée sur la tête et finir dans la zone bleue, un masque sur la bouche. « La cuisine a été construite selon le respect de la marche en avant, confie Philippe, forcément très pointilleux sur les questions d’hygiène. »
Dans l’une des pièces, Manuela, économe à la main entame sa 878e pommes. Il lui en reste encore 122 à éplucher pour la compote géante programmée au menu du lendemain. « La cuisine est équipée d’une légumerie qui permet d’éplucher, de laver et de découper plus de légumes frais, explique Philippe. La salade verte et les carottes sont fraîches et un grand nombre de plats, comme notre célèbre purée/muscade, sont réalisés à partir de produits frais. »
Certains légumes viennent même carrément du coin comme la salade de Daniel Behuret, maraîcher à Chailly-en-Bière que les équipes nettoient à la main avec un peu de vinaigre. «Ici, on ne propose pas beaucoup de plats biologiques, mais aucun produit chimique n’entre en contact avec les aliments. » Cela étant, dans quelques mois, le temps de définir un nouveau marché public, il y aura aussi des pommes et des poires bio et locales.
Sur l’année, 60% des crudités, 75% des entrées chaudes et 100% des potages quotidiens servis l’hiver sont réalisés avec des produits frais (un joli score dans le monde de la restauration qui compte moins de 90 g de fruits et légumes frais par repas). Pour le reste, Philippe compose avec son budget de 2 euros de matières premières par enfant (sur les 8 à 10 euros de coût de revient par repas) et le temps de son personnel, 9 cuisiniers.
« Pour éplucher 1000 pommes, il faut près de 10 heures de travail. Actuellement, on ne peut pas tout réaliser en frais. » A terme, Philippe imagine confier l’épluchage et la préparation des fruits et légumes à l’ESAT de Trappes. En attendant, il compose et achète aussi des haricots verts surgelés ou des pommes de terre pelées sous vide.
« Tout est une question de curseur, explique l’ancien chef, entre le prix, le temps passé et la densité nutritionnelle qui, ici, est une priorité. » Car à Trappes, le taux d’obésité infantile est plus élevé qu’ailleurs. « La cantine est parfois le seul repas équilibré de la journée. » Alors Philippe aidé d’une diététicienne-conseil mise sur tous les ingrédients qui permettent de bien grandir. La viande est labellisée bleu-blanc-coeur, l’huile de colza riche en omégas 3 est utilisée pour la vinaigrette. Les yaourts sont nature et servis avec une faible dose de sucre, les fritures limitées à deux par mois…
Et si les enfants boulottent chipters et mars à la maison, à la cantine, ils vident leur assiette. Tous les jours, les agents de la cantine établissent un baromètre de consommation : un nuage si les enfants ont boudé, un soleil s’ils ont demandé du rab. Aussi, régulièrement des pesées permettent de quantifier le gâchis. A Trappes, il s’élève en moyenne à 120 g par repas (sur 600/700 g de nourriture) quand en France il dépasse les 150 g. « Les assiettes les plus appréciées sont celles avec poisson », confie Philippe. En ce jour de tajine piscicole, il ne reste effectivement plus une arrête dans les assiettes. Maessa, future chef au Plaza ?
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