Dans son ouvrage Les réseaux de la malbouffe (JC Lattès, 2016), la journaliste Géraldine Meignan livre une enquête documentée et édifiante sur l’industrie agroalimentaire. Et donne plus que jamais envie de changer nos assiettes.
Comment expliquer que des scènes d’horreur puissent se dérouler dans les abattoirs, comme l’ont dénoncé les vidéos de L214 ? Qu’une majorité des sachets de thé vendus en France contiennent trop de pesticides ? Que chaque année sont révélés des scandales concernant des produits alimentaires frelatés ou frauduleux ? Pour le comprendre, il faut enquêter sur la part sombre de l’industrie agroalimentaire, ses pratiques douteuses et sa quête effrénée de profits. C’est ce qu’a fait la journaliste Géraldine Meignan dans un livre bourré de révélations utiles aux citoyens et de conseils nécessaires aux consommateurs.
Faux et usages de veaux
En s’appuyant sur de nombreux exemples, l’auteur parvient à démonter les mécanismes qui mènent aux tricheries et aux scandales alimentaires. Qui se souvient de l’affaire de la Cooperl à Lamballe (Côtes d’Armor) ? Trois cadres de cette entreprise ont été condamnés pour faux, après avoir commercialisé pas moins de 2 000 tonnes de viande de porc contaminé par des salmonelles. Qui n’a pas oublié le nom de Pierre Hinard, cet ancien cadre de Castel Viandes – l’un des plus gros abattoirs de Loire-Atlantique – qui accuse depuis 2013 sa direction d’avoir vendu de la viande avariée. Remontant le fil de ces affaires, et tant d’autres, la journaliste tire des conclusions. D’abord est en cause l’avidité qui prévaut dans le milieu : quand l’affaire Castel Viandes a éclaté, certains ont tenté de négocier des remises pour acheter le minerai de viande encore moins cher.
Il n'y a que 43 agents pour contrôler les 110 000 établissements de restauration collective du pays.
Ensuite, les manquements des services de l’État. Les effectifs des services vétérinaires et de la répression des fraudes ont fondu ces dernières années. Il n’y a que 43 agents pour contrôler les 110 000 établissements de restauration collective du pays (hôpitaux, cantines etc). Le manque est si grave que la journaliste assène : « Si c’était un agent français des fraudes, et non irlandais, qui avait découvert inopinément de la viande de cheval dans des lasagnes, personne n’en aurait jamais rien su ». Un enquêteur cité par la journaliste confirme : « On aurait monté une enquête en toute discrétion sur l’ensemble de la filière, on aurait constaté les infractions, pris les mesures de police nécessaires, et vous n’en auriez même pas entendu parler. Ça aurait évité à cette entreprise de couler ». Dernière mise en cause : la complicité des entreprises de la grande distribution, à la fois clientes et complices. Sur ces dernières, la journaliste explique : « Il est vrai que les hypermarchés sont rarement inquiétés, alors qu’ils jouent avec le feu. En pressurisant leurs fournisseurs, ils les forcent à produire toujours moins cher et les poussent, de facto, à la faute ».
Un quart des produits phytosanitaires qui circulent dans certains pays européens seraient frelatés.
Ce mélange détonnant a créé une culture de l’abus dans une partie de l’industrie alimentaire, qui se mesure dans des proportions alarmantes. Un quart des produits phytosanitaires qui circulent dans certains pays européens seraient frelatés. Du coup, 500 infractions impliquant des produits phytosanitaires ont été constatées en France en 2013. Des produits qui finissent dans nos assiettes et dans notre environnement. En 2010, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse a calculé que 60 % des rivières et 45 % des nappes phréatiques contiennent des pesticides interdits depuis 2003. La liste déroulée par la journaliste est longue.
Retour à la simplicité
Encore un exemple ? Une enquête de la Radio Télévision Suisse de 2014 sur les biscuits pour bébés a révélé que ces produits contenaient deux fois plus d’acrylamide, une molécule cancérigène, que les limites fixées par les autorités. N’en jetez plus ! La journaliste termine son livre sur une note plus positive, évoquant des solutions. Elle décrypte la naissance des locavores dont le souci « n’est pas tant la quête du prix le plus bas que la reconstruction du lien social et de la confiance qui régnait autrefois entre producteurs et consommateurs ». Elle se demande pourquoi acheter un velouté de poireaux truffé de sel, d’exhausteurs de goût et de conservateurs quand on peut en quelques minutes et pour moins cher préparer son propre potage. Des choses mille fois plus simples que celles lues dans les pages qui précèdent. Ouf, des solutions existent et elles font même envie.
Pour approfondir
Références
230 pages, 19.00 € J.C Lattès
Plasticienne engagée et utilisatrice de « La Ruche qui dit Oui !, » j’ai réalisé une série de dessins intitulée « Pouvoir d’achat ». Absurdité et cynisme des mots utilisés pour l’étiquetage des barquettes de viandes. Cette série de dessins aux crayons de couleur reprend mot pour mot les étiquettes des communicants de l’agroalimentaire.
A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/dessein.html