Quand l’Europe se délecte d’aiguillettes de poulet, l’Afrique écope des restes. Rétablir l’équilibre Nord-Sud dans l’assiette, c’est aujourd’hui possible. En 2014, acheter un poulet entier est aussi un acte géopolitique. Vous militez ?
Décidément la logique du commerce international n’a pas grand chose à voir avec le bon sens paysan. En France, on aime les poules, on sait les élever et les commercialiser. D’ailleurs, si Mathieu Valbuena ou Yoann Gourcuff arborent un coq sur le torse, ce n’est pas pour rien. L’Hexagone compte parmi les gros mangeurs de volailles (23,5 kg/an/habitant) et assure la première production européenne avec près de 1,8 million de tonnes en 2012. Selon l’association pour la promotion de la volaille française, le secteur avicole emploie près de 50 000 salariés et compte 15 000 éleveurs dans toute la France. Cocorico, tout va très bien au pays de la poulette.
Sauf qu’il y a un os. En France, tout le monde le sait, on a le bec fin. On aime les blancs de poulet marinés à l’estragon, les cuisses grillées au four, on se damne pour un sot-l’y-laisse mais le cou, les pattes et les croupions, franchement on préfère les réserver pour les autres. Entre 1998 et 2011, notre consommation de poulets entiers a chuté, passant de 52 à 32% tandis que les produits élaborés ou les découpes constituent aujourd’hui 68% du poulet consommé (contre 48% il y a 15 ans). Alors comme il n’y a pas assez de cuisses pour tout le monde, chaque année, on avale 44% de poulet étranger et dans le même temps on exporte autant de bas morceaux vers les pays du Sud, Moyen Orient et Afrique en priorité.
L’aile ou la cuisse ?
Résumons-nous : aujourd’hui, la cuisse est pour nous, l’aile pour eux. Il en est ainsi depuis plusieurs dizaines d’années. Chaque jour, des containers de bas morceaux de poulet arrivent sur les étals des marchés africains. Non seulement, ils sont jusqu’à 5 fois moins chers que leurs homologues locaux mais en plus la viande est prête à plonger dans la sauce Yassa ou dans le Maffé. Terminées les séances à égorger et à plumer. Le poulet est prêt à cuire et à bouillir.
Il y a 10 ans déjà, certains pays font les comptes et alertent l’opinion. « Au Sénégal, le volume des importations est passé de 1 137 tonnes en 1999 à 11 950 tonnes en 2003, peut-on lire sur le site d’Oxfam France. Ces importations sont essentiellement constituées de morceaux congelés (86 %) et plus de 70 % de celles-ci proviennent de l’Union européenne. Au total, les importations de poulets entiers et de bas morceaux au Sénégal ont réduit la production avicole « moderne » de l’ordre de 30 %. Cette situation a entraîné entre 2000 et 5000 pertes d’emploi dans la filière et la fermeture de près de 40 % des fermes commerciales. »
En 2004, devant cette situation intenable, plusieurs associations se mobilisent sur le thème « Exportations de poulet, l’Europe plume l’Afrique.» Pétitions de citoyens, mobilisation des pouvoirs publics, activation des réseaux, la volaille monte sur scène et, en quelques mois, la campagne porte ses fruits. En 2006, le Cameroun interdit l’importation du poulet profitant au passage pour écarter toute viande étrangère. Le Sénégal, le Nigéria et la Côte d’Ivoire lui emboîtent le pas taxant davantage les produits importés ou restreignant volontairement le commerce à plumes.
Mais ces nouvelles règles du jeu n’inquiètent pas les industriels très longtemps. Rapidement, ils empruntent d’autres voies, séduisent d’autres pays et liquident les morceaux délaissés. Selon Julien Duriez, reporter au Cameroun pour Terra Eco : « l’Afrique aurait importé 1,3 million de cette volaille en 2012, soit 11% des importations mondiales, contre 260 000 tonnes en 2000. » Du poulet de contrebande passe donc largement entre les mailles du filet et parfois se fait même choper. Au printemps 2013, « certains commerçants véreux et hors la loi, ont tenté d’inonder le marché avec le poulet congelé importé, explique l’association citoyenne de défense des intérêts collectifs au Cameroun. Ce qui n’est pas passé inaperçu à la vigilance des policiers du GMI, (groupement mobile d’intervention) et du Ministère du commerce, qui ont stoppé net l’entrée de plus d’une tonne de ce poulet aux frontières de Yaoundé. »
Qu’est-ce qu’on fait ? On arrête d’acheter des blancs de poulets, on boycotte la cuisse grillée ? Pour militer dans l’assiette, achetez la bête entière. Privilégiez l’achat direct auprès des petits producteurs qui nourrissent leurs cocottes pendant plus de 120 jours et les laissent gambader dans les prés. Cuisinez les abats, réhabilitez le croupion, mettez la carcasse dans le bouillon. Et découvrez la vraie recette du poulet Yassa. Au poulet entier s’il vous plait.
DOCUMENTAIRE INVASION POULET D EUROPE EN AFRIQUE par DOCUMENTAIREROOTS
Personnellement, je vais réfléchir à deux fois avant d’acheter mes morceaux préférés de poulet et peut-être que je vais me lancer dans la cuisine des abats. Ça pourrait être un nouveau défi culinaire ! Mais surtout, je vais essayer de soutenir les petits producteurs locaux, histoire de contribuer à ma façon à un changement positif. Qui sait, peut-être que je vais devenir un expert en cuisine de poulet Yassa !
POUR LE CONTINENT NOIR, NE MANGEZ PAS QUE DU BLANC ! Est-ce à dire que nous sommes racistes? Cela tombe bien, je ne mange presque pas de poulet depuis le jour où j’ai lu l’article d’une producteur disant qu’à 3 F le kilo, il ne pouvait pas faire de la qualité. Mais qui lui a demandé de faire de la merde?
Pas besoin d’élevage intensif ni de viande pour bien vivre.
http://www.youtube.com/watch?v=uUzoNBYQfis
Le croupion et les ailes, c’est tout ce que j’aime dans le poulet. Cerise sur le gâteau : le sot l’y laisse. Quel couillon celui qui le laisse !
Il existe une solution très simple qu’on appelle le végétarisme ou encore mieux végétalisme. Avec tous ce que les animaux « de boucherie » mangent chaque année, on pourrait nourrir bien des humains et rendre leurs terres aux gens.
Bien d’accord avec vous Elsa. Pour arrêter de faire semblant de ne pas savoir, on peut lire « Faut-il manger les animaux? » de Jonathan Safran Foer, un bouquin très documenté et intelligent.
Cette réalité est bien difficile à accepter, nous continuons à marcher sur la tête et à faire comme l’autruche quand les choses nous dérangent, la mondialisation nous a fait perdre le sens du réel…
Que sommes nous disposés à faire pour perdre un petit peu de notre confort, pour que d’autres puissent en gagner un peu plus ?
Moi, j’ai décidé de plus mettre les pieds dans un KFC c’est sans doute bien maigre, mais c’est un début !
la mondialisation nous a fait perdre le sens du réel…
Mal manger tue moins que de ne pas manger du tout . . .
La mondialisation c’est comme la marée montante : il faut bien se réfugier quelque part si nous ne voulons pas avoir les pieds mouillés.
L’article semble au dessus de tout soupçon, le bon sens est de mise mais celui-ci ne fait plus partie de nos sociétés de consommation.
Gardons au moins l’espoir et la force de résister, mais : chacun dans son coin, c’est au moins ça.
Ce film est à partager.